Une mosquée en construction à Poitiers a été occupée pendant quelques heures le 20 octobre dernier par un groupe de jeunes militants d'extrême droite dénommé Génération identitaire issu de Bloc identitaire, un groupe politique radical de la mouvance ultranationaliste et raciste en France. Leur «coup» de «p'tit Blanc» se sentant et se disant envahi et «agressé» par les musulmans, les Arabes, les Noirs et les métèques en tous genres, selon leurs jargon et littérature, est caractéristique des actions que mènent traditionnellement les groupuscules d'extrême droite français et européens contre les «étrangers». Pour eux, comme pour tous les mouvements de cette obédience dans le monde occidental, l'ennemi c'est l'«autre» qui n'a pas la même origine, ni la même couleur de peau, ni la même religion. Il s'agit, donc, de le stigmatiser comme le «mouton noir», une image utilisée récemment en Suisse dans une campagne électorale d'un parti ouvertement xénophobe, et de le chasser en dehors des terres blanches, chrétiennes et «menacées» d'Europe. En particulier lorsqu'il est musulman et qu'il revendique en tant que citoyen français ou européen le droit d'avoir pour lui et ses coreligionnaires un lieu de culte décent. Le mahométan, comme on disait jadis, est par un glissement progressif de l'histoire des peurs et des frayeurs européennes et occidentales la «tête de Turc» et la source de tous les dangers aux yeux de tous les xénophobes actifs et de ceux nombreux mais souvent discrets qui les approuvent par mimétisme gras ou par crainte de celui qui «ne leur ressemble pas». Leur comportement épidermique et raciste a pris pour nom l'islamophobie, un sentiment de peur et de haine sourdes nourri dans l'imaginaire collectif occidental par tous ces «imbéciles» qui sous nos cieux s'enflamment à la moindre provocation comme il s'est agi des dessins dénués de talent publiés par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Enraciné aussi par tous ces «fachos» verdâtres qui foulent aux pieds le moindre signe de différence et de beauté que Dieu a semées en son monde. Néanmoins, ces intégristes «lourds» ou «passifs» ne sont pas les seuls moteurs du geste de recul que provoque chez le Français ou l'Européen de «souche» la vue du musulman. Il y a, cela a été dit et expliqué depuis longtemps, dans le comportement révulsif dont on recense tous les jours l'expression dans la rue et l'espace public en France et en Europe des traces anciennes du colonialisme et du temps où l'on ne considérait le «non Blanc» que comme un dangereux objet d'asservissement, voué à l'infériorité et dénué du droit de parole et d'exister. Ce qui s'est passé à Poitiers et sur le toit de cette mosquée où des fanatiques ont arboré en mode «reconquista» une banderole bariolée du nom et du symbole de Charles Martel, «l'homme qui a empêché les Sarrasins d'islamiser la France» en 732, n'était donc qu'une résurgence sans doute caricaturale et minoritaire d'une vieille histoire de domination perdue de l'homme blanc sur autrui ? Le débat sur cette question ne manquerait pas d'intérêt surtout quand on se rappelle les fondements idéologiques des groupes racistes en Europe et en Occident. Mais il ne serait pas si pertinent si l'on perd de vue qu'il y a aujourd'hui en France qui poussent au jeu dangereux de la haine du musulman pour gagner de l'audience et des élections dans leur société malade de la crise et de la peur du lendemain qu'exacerbent les clichés non moins coupables renvoyés par certains médias sur les banlieues et les «différences» qui, subitement, ne riment plus avec «diversité» mais deviennent source de danger et d'instabilité. Le Bloc identitaire en est un. Et il n'est terriblement pas le seul dans un pays où le Front national de Marine Le Pen a fait 18% aux dernières présidentielles.