A quel prix du baril se réalise «l'équilibre budgétaire» en Algérie ? La question avait suscité une polémique en douce entre le ministre des Finances et le Gouverneur de la Banque d'Algérie. Des évaluations sont menées actuellement au sein du groupe Nabni. Le prix d'équilibre pour 2012 est de 140 dollars, selon des projections provisoires. Pour le budget «austère» de 2013, il faudrait un baril à 105 dollars pour atteindre le prix d'équilibre. Au moment ou le parlement examine le projet de loi de finance pour l'année 2013 dont l'adoption est prévue pour le 11 novembre prochain, la question de la soutenabilité finances publiques continue d'alimenter le débat national. Au sein du groupe Nabni des simulations sont en cours sur la base de la notion «prix d'équilibre budgétaire». Ainsi une rétrospective des dépenses publiques depuis l'année 2007 fait ressortir que pour cette année de départ, le prix du baril de pétrole qui permet de financer les dépenses du budget de l'Etat se situait encore à 60 dollars. Il a bondi à 80 dollars en 2009, à 125 dollars en 2010 avant d'atteindre un niveau record de plus de 140 dollars en 2012.Selon les calculs, non encore endossés officiellement par Nabni, le prix d'équilibre associé au projet de loi de finance 2013, marqué par une plus grande «prudence» en matière de dépenses publiques, se situe à un niveau proche de 105 dollars. Les chiffres sont encore plus impressionnants si on examine le seul budget de fonctionnement de l'Etat dont les dépenses, en pleine explosion au cours des dernières années, étaient assurées par un baril à 15 dollars en 2007,à 30 dollars en 2008, à près de 50 dollars en 2010,avant un record de 74 dollars en 2012.Le prix d'équilibre pour le budget 2013 est encore estimé à près de 65 dollars. QUAND LA HAUSSE DU BARIL STIMULE LES DEPENSES PUBLIQUES La notion de «prix d'équilibre budgétaire» du baril de pétrole qui vient de faire son apparition dans le débat public national a été inventé voici quelques années par les économistes du FMI dans le but d'attirer l'attention des pays exportateurs de pétrole sur la croissance accélérée de leurs dépenses publiques dans un contexte de hausse des prix pétroliers et sur les risques qu'elles font courir à l'équilibre futur de leurs finances publiques. Selon les experts du FMI les dépenses publiques ont grimpé fortement dans tous les pays exportateurs de pétrole «essentiellement en raison des hausses salariales et des subventions alimentaires et énergétiques». Dans le tableau dressé pour la région MENA en Avril 2012 , l'Algérie avec 105 dollars arrivait juste derrière l'Iran qui aura besoin d'un baril à 115 dollars .L'Arabie saoudite pourra se contenter d'un baril à 71 dollars tandis que le Qatar pourra couvrir ses dépenses publiques même avec un baril à 45 dollars. Des estimations qui font écho aux échanges très inhabituels entre la Banque d'Algérie et le ministère des finances qui ont animés la scène économique nationale à la veille de l'été dernier. C'est à la surprise générale que l'institution dirigée par Mohamed Laksaci avait délivré un véritable «warning» sur les finances publiques nationales en estimant dans son rapport de conjoncture que «Désormais, l'équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril pendant que les recettes budgétaires totales restent fortement dépendantes de celles, très volatiles, des hydrocarbures». Sur le même sujet, Karim Djoudi s'était quelques jours plus tard voulu au contraire plus rassurant. «La tendance baissière du prix du pétrole nous impose d'être prudents mais nous ne devons pas perdre de vue deux éléments importants : nos dépenses effectives constatées en fin de l'exercice sont basées sur un baril à 75 dollars et nos capacités de financement, cumulées grâce au FRR (fonds de régulations des recettes), aux réserves de change et au remboursement de la dette, sont considérables", avait expliqué en juin dernier le ministre à la Radio nationale. DES PERSPECTIVES MOINS FAVORABLES Les perspectives moins favorables sur les marchés pétroliers au cours des mois à venir évoquées par beaucoup d'analystes semblent avoir provoqué au moins un changement de ton dans la période la plus récente. Selon Karim Djoudi, l'Algérie pourrait subir de plein fouet les conséquences de la crise dans la zone euro, «Cette crise pourrait avoir un impact sur les revenus de l'Algérie, sachant que la demande sur le pétrole par les pays affectés par la crise en Europe pourrait connaître une baisse sensible», a-t-il estimé. Néanmoins le gouvernement ne compte pas revoir sa politique et ses choix en matière d'investissements publics et de subvention des produits de base, a précisé le ministre. La subvention des produits alimentaires de première nécessité est passée de 7 milliards de dinars en 2006 à 215,6 milliards de DA en 2012. Autre gouffre financier pour l'Etat : le soutien aux entreprises publiques pour maintenir les emplois. Selon Karim Djoudi, l'Etat a dépensé 2 121 milliards de dinars entre 2001 et septembre 2012 à travers l'assainissement de leurs dettes et l'appui à l'investissement. Même s'il continue à estimer que L'Algérie peut compter sur ses importantes réserves de change près de 200 milliards de dollars et les 6 000 milliards de dinars (80 milliards de dollars) abrités par le fonds de régulation des recettes pour poursuivre sa politique de subventions et d'investissements publics, Karim Djoudi a expliqué que la rationalisation des dépenses publiques constituait «une exigence». Avant de détailler les mesures prises par le gouvernement dans ce sens : suivi des grands projets, consolidation et renforcement du rôle de la Cour des comptes et suppression de plusieurs fonds spéciaux dans le cadre de la Loi de finances.