Il y a comme un double langage en Europe pour la délivrance de visas touristiques. Evoquant les gains financiers, la Commission de Bruxelles pousse à faciliter la délivrance des visas pour les pays tiers. Les Etats membres, eux, font de la résistance. « En 2011, les dépenses des visiteurs étrangers dans l'UE (touristes) se sont élevées à 330,44 milliards d'euros. Elles devraient atteindre 427,31 milliards d'euros en 2012.» C'est par ce rendement financier que la Commission européenne vient de conclure qu'il faut encourager une meilleure politique pour faciliter la délivrance de visas touristiques aux demandeurs de pays tiers. Derrière cette volonté d'augmenter l'attribution du nombre de visas touristiques, se trouve la nécessité de promouvoir l'emploi dans le secteur touristique. «Avec 18,8 millions d'emplois, le secteur touristique est devenu l'un des plus grands pourvoyeurs d'emploi dans l'UE et l'un des principaux vecteurs de croissance et de développement économiques», affirme, dans une communication, la Commissaire Cecilia Malmström, en charge des Affaires intérieures, avant de préciser que «le fléchissement économique actuel devrait nous inciter à tout faire pour augmenter le flux des touristes vers l'Europe, sans cesser pour autant de garantir la sécurité à nos frontières.» Ce constat et ces déclarations indiquent-ils, véritablement, un assouplissement et une facilité de délivrance des visas touristiques aux ressortissants des pays tiers (non européens) ? Oui, si l'on en croit la Commissaire européenne. Il est envisagé de raccourcir les délais de délivrance des visas; de simplifier la procédure; de revoir les conditions d'exemption des droits de visas et, surtout, d'améliorer la coopération européenne au titre des accords de Schengen. Et c'est ce dernier point qui pose problème: les pays de l'UE n'appliquent pas les mêmes règles dans l'attribution des visas touristiques. Autant la Commission européenne multiplie les initiatives pour faciliter la venue de touristes de pays tiers, autant les 27 Etats membres compliquent, chacun à sa manière, les conditions de délivrance des visas. Mieux, ils font de la «ségrégation» selon l'origine et le pays du demandeur de visa. Ainsi, trois pays occupent la tête du classement quant au nombre de visas délivrés: la Russie avec plus de 5.152.000 visas accordés en 2011, la Chine avec plus d'un million de visas, suivie de l'Inde avec 560.000 visas. Ce sont les chiffres de la Commission européenne. Aucun chiffre n'est donné pour ce qui concerne l'Afrique ou le Maghreb, par exemple. Faut-il s'en étonner ? Pas si évident que cela, puisque les Européens, Commission et Etats membres, «soupçonnent» les touristes provenant de l'Afrique et du Maghreb du «risque» de ne pas retourner chez eux. Un préjugé non fondé, d'autant plus que les Russes à qui est attribué le plus grand nombre de visas, par exemple, occupent la tête du classement en matière de demande d'asile politique ou humanitaire (constat de l'UE elle-même) suivis d'ailleurs de citoyens du sud-est asiatique et ceux d'Europe centrale et orientale (Albanie, Serbie ) non membres de l'UE. Contrairement à ce que l'on croit, les Maghrébins occupent le bas du tableau des demandeurs d'asile. L'autre réalité est que les demandes de visas touristiques ne s'adressent pas de la même manière et avec le même volume à tous les pays de l'UE, en particulier ceux de l'espace Schengen. Les Maghrébins voyagent plus dans les pays francophones (France, Belgique), alors que les Asiatiques visitent d'abord les pays anglophones ou anglo-saxons (Grande-Bretagne, Hollande, Allemagne). Ceci explique, en partie, la difficulté pour les pays de l'UE d'avoir une même procédure et les mêmes conditions de délivrance de visas dans les pays tiers, y compris pour les pays de l'espace Schengen (26 Etats, dont 4 non membres de l'UE que sont la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein). Enfin, pourquoi continuer à obliger les demandeurs de visas à se déplacer vers les consulats avec des dossiers assez lourds pour solliciter un visa? Ne sommes-nous pas à l'heure de l'Internet et de la technologie informatique tous azimuts ? Tout est informatisé en Europe, pourquoi ne pas en faire autant pour les demandes de visas pour les ressortissants de pays tiers? Les USA appliquent cette méthode pour les Européens souhaitant se rendre en Amérique, et la procédure comme la réponse ne prennent que quelques minutes. Ou alors il y a touriste et touriste, selon l'origine et le pays de provenance.