Dans une sorte de mise au point en direction de ceux qui s'alarment au sujet d'un «empressement» des dirigeants du secteur de l'énergie à aller vers l'exploitation du gaz de schiste, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a indiqué que l'Algérie ne va pas se mettre à le pomper aujourd'hui mais que c'est une option sur le «très long terme». Allant même plus loin que les prévisions des experts qui donnaient une projection d'une dizaine d'années, Sellal a affirmé que ce très long terme pouvait aller «jusqu'à 2040». La précision n'est pas inutile. L'exploitation du gaz de schiste suscite partout dans le monde une vive controverse entre les défenseurs de l'environnement et les entreprises du secteur de l'énergie. Il n'est donc pas anormal que le sujet soit également un thème polémique en Algérie même si cela peut agacer des responsables qui n'ont pas l'habitude d'être aussi rudement interpellés. Après si certaines perspectives catastrophiques mises en avant par les opposants sont réelles, cela mérite bien une discussion. En général, on a pu observer que ceux qui ont occupé des responsabilités dans le secteur de l'énergie, à quelques nuances près, sont ouvertement en faveur de l'option qui, selon eux, garantirait non seulement l'indépendance énergétique du pays mais lui permet de renouveler ses réserves pour l'exportation. D'autres ont fait plutôt valoir qu'on s'engageait sur un terrain à la rentabilité économique problématique et que cela risquait de se faire au détriment du solaire dont le potentiel est immense en Algérie. Entre les deux « camps», le débat n'est pas épuisé. Certains n'hésitent pas à aller sur un terrain politique en mettant en garde contre le fait que l'Algérie - et le débat existe également en Tunisie - devienne un territoire où les multinationales se permettent ce qui leur est interdit au Nord, en Europe notamment. Les polémiques autour du gaz de schiste (et le pétrole de schiste) sont aussi passionnantes qu'infinies. La seule grande certitude aujourd'hui est qu'il n'existe pas d'autres techniques pour l'exploiter que celle de la fracturation hydraulique dont les opposants mettent en avant sa grande consommation en eau et ses risques de pollution. Et c'est bien parce qu'il n'existe pas d'autres techniques que certains pays européens ont interdit l'exploitation du gaz de schiste. En Algérie, les autorités semblaient avoir tranché même si quelques responsables assuraient que des « garde-fous » seront mis pour parer aux risques environnementaux. Pas de quoi rassurer les adversaires de l'option qui tentent, avec les moyens de l'Internet, d'imposer un débat national sur la politique énergétique. L'annonce que l'exploitation du gaz de schiste n'aura lieu que sur le «très long terme» devrait permettre de mener un débat plus apaisé. Si l'horizon est bien 2040, on peut espérer que les techniques d'exploitation auront grandement progressé et qu'on sera plus avisé sur la viabilité économique comparative de cette option par rapport au conventionnel et l'énergie verte. C'est un temps qui permet de faire jouer tranquillement le principe de précaution. Un ancien PDG de Sonatrach, Nazim Zouièche, a suggéré de ne pas se presser sur le sujet et de se mettre en «veille». Cela paraît d'une grande sagesse.