Washington s'implique, de plus en plus, dans la crise malienne, la France accélère la cadence pour une intervention armée au nord du pays, et le «Mujao», un des groupes terroristes qui écument le nord du pays, se vante d'être prêt pour la guerre. La crise malienne, avec l'annonce par le gouvernement à Bamako, d'une opération de recrutement de 2.000 hommes, ne fait que s'épaissir, en l'absence d'une solution politique rapide. Jeudi à Alger, les Etats-Unis ont, une nouvelle fois, confirmé que l'option militaire pour résoudre la crise malienne est une éventualité très sérieuse à prendre, mais en seconde position après celle qui voudrait qu'un dialogue politique soit instauré entre les autorités maliennes et les rebelles maliens qui rejettent la violence et le terrorisme. Jeudi à Alger, cette option, farouchement défendue par l'Algérie, afin d'éviter un bain de sang inutile entre Maliens et des dérives incontrôlées sur les pays de la région, a été soutenue par le secrétaire d'Etat adjoint US, Wiliams Burns. Venu à Alger, dans le cadre d'une tournée régionale, centrée sur les questions sécuritaires actuelles, dans la région sahélienne, il a souligné que «les Etats-Unis appuient la position leader de l'Algérie, en faveur de la promotion du dialogue politique entre le gouvernement malien et les Touaregs du Mali». Dans un point de presse, au siège de l'ambassade US à Alger, il a souligné que «nous continuons de favoriser une coordination des efforts en vue d'accélérer les discussions politiques au Mali et nous savons que l'Algérie a un rôle à jouer» dans ce dossier. «Les Etats-Unis apprécient hautement le rôle que joue l'Algérie pour faire face à la crise malienne et aux défis qui se posent à toute la région». Pour lui, Alger et Washington «partagent la même inquiétude sur l'instabilité au Mali et ses effets négatifs sur la sécurité régionale et nous appelons tous les voisins du Mali à augmenter leurs patrouilles frontalières pour couper le flux des armes, de la drogue, du carburant et des combattants, au Mali». Même s'il s'est félicité de la «détermination de l'Algérie» à oeuvrer dans ce sens, M. Burns a averti que «l'accroissement du terrorisme et des activités criminelles, dans le nord du Mali, représentait une menace pour la région tout entière et au-delà». «En réponse aux risques sécuritaires créés par la situation dans le nord du Mali, nous soutenons, bien sûr, une coopération accrue dans la lutte antiterroriste, une coopération avec les voisins du Mali, avec le gouvernement par intérim du Mali», a-t-il résumé. Pour autant, s'il a manifesté l'appui de son pays à une solution politique prônée par l'Algérie, qui passe par un dialogue entre le gouvernement malien de transition et les deux groupes rebelles touaregs (le MNLA et Ansar Dine), M. Burns a cependant confirmé que Washington reste inflexible sur l'autre option, une intervention militaire au nord du Mali pour en expurger les groupes terroristes. «Nous croyons qu'une force multinationale, sous contrôle africain, soutenue par la communauté internationale pourrait s'avérer nécessaire». En fait, les Etats-Unis, selon des diplomates à Washington, sont favorable à deux grandes missions: l'une pour soutenir l'armée malienne et faciliter le dialogue politique, et l'autre pour combattre les groupes terroristes», comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), et le Mujao qui ont pris le contrôle du nord du Mali, juste après le coup d'Etat, en avril dernier, qui avait renversé le président Amadou Toumani Touré. Mieux, les Etats-Unis, selon les mêmes sources, ne sont pas tellement satisfaits du plan d'intervention militaire mis en place par la Cédéao et soutenu par les Européens, dont la France. «Les Etats-Unis ne sont pas satisfaits des préparatifs de la Cédéao (Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest) pour cette mission, ils n'ont pas confiance dans la capacité des troupes africaines et de l'armée malienne à faire le travail», a expliqué un diplomate. Pour le secrétaire d'Etat américain adjoint aux Affaires africaines Johnnie Carson, qui témoignait mercredi devant une commission du Sénat, les plans de la Cédéao «ne répondent pas à plusieurs questions essentielles», dont les «capacités des forces maliennes et internationales de réaliser les objectifs de la mission» et son financement. SCEPTICISME Le scepticisme des Américains fait face, cependant, à une volonté, de plus en plus, affichée de la France et des pays africains membres de la Cédéao, à faire pression sur le Conseil de sécurité de l'ONU pour autoriser l'envoi de la force d'intervention internationale, qui sera forte de plus de 3.300 hommes. Lors de consultations à huis clos mercredi au Conseil de sécurité, la France et des pays africains, notamment l'Afrique du Sud, ont poussé à une adoption rapide de la résolution. Le texte, qui doit être soumis par Paris à ses 14 partenaires, en début de semaine prochaine, autorisera l'envoi à Bamako de la force, baptisée «Mission internationale de soutien au Mali» (Misma). La France a déjà mis en place le mécanisme avec le déploiement, au Mali, d'instructeurs européens qui vont rebâtir l'armée malienne, mise en déroute par les groupes armés, au nord du pays, en prévision d'une reconquête du nord qui ne pourra pas commencer avant l'automne 2013, selon le patron des opérations de maintien de la paix, Hervé Ladsous. La même résolution devrait appeler à un dialogue national à Bamako et à une réconciliation entre le gouvernement malien et les deux mouvements touaregs du Nord, le MNLA et Ansar Dine, qui ont déjà, la semaine dernière à Ouagadougou, affirmé leur volonté d'aller vers un dialogue intermalien pour une réconciliation nationale. Pour autant, ces deux mouvements n'ont abandonné qu'à moitié leurs revendications: le MNLA demande une autodétermination au nord, et Ansar Dine veut appliquer la Chariâa au nord, également. Des positions qui doivent être discutées encore entre Maliens, estime-t-on. Par ailleurs, si à Bamako le gouvernement de transition est en train de recruter des milliers de jeunes pour reconstituer l'armée et les préparer à aller au nord combattre les terroristes d'Aqmi et du Mujao qui tiennent en otages les populations des villes de Gao, Tombouctou et Kidal, le Conseil de sécurité de l'ONU a décrété mercredi, des sanctions contre le «Mujao», et l'a ajouté à la liste noire du Comité des sanctions de l'ONU, en tant que groupe lié à Al-Qaïda. Mais, selon Abou Derdar, un responsable de ce groupe terroriste qui occupe la ville de Gao, le «Mujao» n'a «pas peur» des sanctions décrétées à son encontre par l'ONU. «Nous avons appris qu'il y a eu des sanctions de l'ONU. Ça ne nous fait pas peur (...) C'est de Dieu que nous avons peur, pas des mécréants», a-t-il dit. «Nous allons appliquer la Chariâa partout où cela sera nécessaire. C'est ça, notre objectif. Le reste est entre les mains de Dieu, mais pas dans les mains de mécréants», a encore affirmé Abou Derdar, avant d'affirmer que «nous sommes prêts pour le jihad. Nous attendons les ennemis. Nous allons voir ce qui va se passer. Nous sommes prêts pour la guerre».