L'unanimisme de la classe politique française derrière la décision du président François Hollande d'aller en guerre au Mali n'a été rompu que par quelques hommes politiques assez typés. L'écologiste Noël Mamère a surtout centré sur la forme. Il reproche au président socialiste de reproduire les «mêmes méthodes que son prédécesseur en ne saisissant le Parlement qu'une fois les opérations lancées». Le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, va un peu loin en soulignant que l'intérêt d'une intervention militaire extérieure pour régler le problème au nord du Mali était «discutable». Il est resté cependant sur le même plan en critiquant le fait que le président français a décidé «seul, sans en saisir préalablement ni le gouvernement ni le Parlement». Finalement, la vraie griffe dans l'unanimisme français est venue de Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères français au moment de la guerre américaine contre l'Irak. Celui qui s'était opposé avec vigueur à la guerre de Bush n'est pas loin de voir une filiation entre l'action française au Mali avec le bellicisme des néoconservateurs américains. De manière assez remarquable - et sans doute pas paradoxale, les socialistes français ayant été toujours très «atlantistes»-, c'est un homme de droite, il est vrai très gaullien, qui reproche à un président socialiste d'être atteint, lui aussi, du «virus néoconservateur». De Villepin s'inquiète de «l'unanimisme des va-t-en-guerre», de la «précipitation apparente» et du «déjà-vu des arguments de la guerre contre le terrorisme». Celui qui avait dit «non» à la guerre contre l'Irak en 2003 a bien entendu à l'esprit l'Irak mais également l'Afghanistan où la supériorité technologique des Occidentaux est censée être décisive et solder l'issue de la guerre. En Afghanistan, les talibans ont reçu des coups, ils en donnent aussi et sont plus menaçants que jamais. L'ancien ministre français pose clairement la question des buts de la guerre et constate que ces guerres ne résolvent aucun problème et ne font que créer les conditions de nouvelles guerres. «Elles sont les batailles d'une seule et même guerre qui fait tache d'huile, de l'Irak vers la Libye et la Syrie, de la Libye vers le Mali en inondant le Sahara d'armes de contrebande. Il faut en finir». Dans le cas de la guerre actuelle, l'ancien ministre se pose ouvertement la question des buts de guerre. Pour lui, les «conditions de la réussite» ne sont pas réunies dans cette guerre car les buts ne sont pas clairs. «Arrêter la progression des djihadistes vers le Sud, reconquérir le nord du pays, éradiquer les bases d'Aqmi sont autant de guerres différentes». Pour lui, la France va se retrouver «seule» à se battre «dans le vide» car elle n'a pas de «partenaire malien solide» et que «l'Algérie a marqué ses réticences» alors que la Cédéao «reste en arrière de la main». Cette mise en garde devrait être méditée par les Algériens d'autant qu'il faut s'attendre à des pressions pour une implication dans cette guerre. La défense d'une solution politique n'est pas une erreur même si cela se termine, pour l'instant, dans un cul-de-sac.