La guerre française au Mali s'installe avec - comme il est de règle dans les conflits de ces dernières années - une information contrôlée par ceux qui la font. La surprise pour de nombreux Algériens a été d'apprendre par la bouche du ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, que l'Algérie «autorisé sans limite le survol de son territoire» aux avions français. »Nous travaillons avec les Algériens, nous continuons à discuter. Ce que nous avons à l'esprit c'est que si les troupes africaines doivent remonter au nord, il faudra que les Algériens ferment leurs frontières», a indiqué Laurent Fabius. Il y a un sérieux problème de «forme». Les autorités algériennes ont déjà signifié leur appui à Bamako en soulignant que l'intervention française relevait de sa « décision souveraine ». Elles ont également condamné en termes clairs l'offensive des djihadistes et cette condamnation concernait également le groupe d'Ançar Eddine que l'Algérie essayait de convaincre, en vain, de prendre ses distances à l'égard des groupes armés. Le gouvernement algérien a de fait renoncé à la défense de l'option politique. Mais le lâchage d'Iyad Ag Ghaly doit-il se traduire par un engagement dans la guerre ? L'annonce d'un «ciel ouvert» pour les avions français, qui passe déjà mal dans l'opinion même si les politiciens algériens ne se sont pas exprimés, soulève des interrogations sur le niveau d'implication de notre pays dans la guerre en cours qui couvre désormais l'ensemble du Nord malien. Les raids ont touché Gao, des positions à l'Est mais également la ville de Kidal, au Nord, bastion d'Iyad Ag Ghaly, chef du groupe Ancar Eddine. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a dressé un bilan positif des frappes menées par l'armée française : l'offensive des djihadistes a été bloquée, la ville de Konna a été reprise, des coups durs ont été infligés au Mujao à Gao. Il a fait état de tirs cibles sur la base arrière du Mujao à Gao qui ont « abouti à une dispersion de ce groupe terroriste vers l'est et au sud. Il reste un point difficile à l'ouest, où nous avons à faire à des groupes extrêmement armés». ATTAQUER LA LOGISTIQUE ET LES BASES DES DJIHADISTES A Gao, les éléments du Mujao auraient été surpris par les bombardements alors qu'ils étaient réunis dans un camp militaire. On parle de «beaucoup» de morts, une «soixantaine» selon des estimations difficiles à confirmer. Le point «difficile» évoqué par le ministre français concerne la ville de Diabaly, située à environ 400 kilomètres au nord de Bamako, qui est tombée entre les mains de djihadistes qui seraient venus de la frontière mauritanienne où ils avaient subi des bombardements. Le ministre français dresse un tableau - surdimensionné ? - des djihadistes et de leurs capacités. « Les forces des groupes terroristes sont exactement celles qu'on prévoyait. Ils sont lourdement armés. Ils sont très déterminés, ils sont très organisés. On le savait ». Des bombardements ont été effectués par l'aviation française, hier, sur la ville de Douentza, à 800 km au nord de Bamako, alors que la ville était déjà désertée par les islamistes. La veille, l'armée française avait bombardé, pour la première fois, les positions islamistes dans le Nord, à Gao et à Kidal. Il est devenu clair qu'il ne s'agit plus de contenir l'avancée des rebelles d'Ançar Eddine vers le Sud mais de s'attaquer à la logistique et aux bases du mouvement. «Bloquer les terroristes, c'est fait. Ce qui a commencé à être fait aujourd'hui, c'est s'occuper des bases arrière des terroristes» dans le Nord, a déclaré dimanche M. Laurent Fabius en estimant que la durée de l'intervention française était une affaire de « semaines ». LES DJIHADISTES NE SONT PAS ENCORE VAINCUS Un responsable burkinabé a estimé que les bombardements de l'aviation française ont mis en déroute les groupes islamistes armés du Mali, mais ne les ont pas encore défaits. «(Les islamistes) ont des difficultés pour se regrouper et lancer des offensives. Pour autant, les djihadistes ne sont pas vaincus. Ils résistent et ils vont résister jusqu'au bout en tentant d'ouvrir des fronts par petits groupes», a-t-il prévenu. Le Burkina a d'ailleurs indiqué que les discussions entre Bamako et les groupes de la rébellion targuie n'étaient plus «à l'ordre du jour». Les rebelles du MNLA, qui ne pèsent plus sur le terrain après avoir été défaits par les islamistes, se disent « prêts à aider» l'armée française. «Nous soutenons absolument l'intervention aérienne française. Bien sûr nous sommes prêts à aider l'armée française» et à «faire le travail au sol», a affirmé Moussa Ag Assarid. Le responsable du MNLA a fait valoir la «connaissance du terrain» par le MNLA qui, selon lui, disposait «des hommes, des armes et surtout de la volonté d'arriver au bout du terrorisme dans l'Azawad». Il affirme en tout cas que le MNLA serait «plus efficace» que la force de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest)», qui doit être déployée en appui de l'armée malienne.