L'Egypte, un pays de plus de 82 millions d'habitants, replonge doucement dans une période de 'ni guerre ni paix'' sociale et politique. Les manifestations pour commémorer jeudi dernier l'an 1 de la révolution ont en fait mis à nu la fragilité du nouvel Etat, dirigé par Mohamed Morsi de la confrérie des Frères musulmans. Même s'il a pu calmer le jeu en décembre dernier lors du bras de fer avec la principale opposition politique dirigée par le Front du salut national qui compte dans ses rangs l'ancien chef de la diplomatie Amr Moussa et l'ex-directeur de l'AIEA Mohamed El Baradei, le président égyptien est aujourd'hui confronté à une grave crise politique qui prend de l'ampleur. En cinq jours, plus de 52 personnes sont mortes dans les manifestations et les affrontements avec les forces de l'ordre dans plusieurs villes du pays. Le niveau de sécurité a dangereusement baissé dans certaines villes comme Port-Saïd ou Suez, alors qu'à la place Tahrir au Caire un semblant de calme régnait hier mardi. Pour autant, les graves dérives et le nombre important de morts ont conduit l'armée égyptienne à sortir de l'ombre et menacer tous ceux qui seraient responsables de troubles à l'ordre public. Mieux, elle a lancé une sévère mise en garde aux partis politiques contre toute tentative de pourrissement de la situation et de mener le pays vers l'implosion. Ministre de la Défense et commandant des forces armées, le général Abdel Fattah al-Sissi a ainsi senti le danger qui menace la stabilité politique et la montée de l'insécurité dans le pays en appelant toutes les forces politiques de mettre en veilleuse leur conflit pour trouver une solution aux «problèmes politiques, économiques, sociaux et sécuritaires» du pays. Pis, l'armée égyptienne, dont l'attitude a été plébiscitée lors des manifestations anti-Moubarak en 2011 et qui a en fait balisé la voie d'un changement de régime brutal en Egypte, est revenue cette fois-ci à la charge pour lancer des avertissements clairs aux différents protagonistes. «La poursuite du conflit entre les forces politiques et leurs divergences sur la gestion du pays pourraient conduire à un effondrement de l'Etat», estime le premier responsable de l'armée égyptienne. Un message clair aux protagonistes politiques, y compris le parti du président, que l'armée ne se contentera pas cette fois-ci d'être l'arbitre du délitement de l'autorité de l'Etat et la chute des institutions du pays. D'autant qu'un nouveau mouvement de jeunes proche des anti-Morsi, 'les black bloc'', énerve les autorités et dont la justice a ordonné l'arrestation de ses militants. Ce mouvement serait la face cachée d'une vaste exaspération sociale grandissante au sein de la jeunesse égyptienne face aux blocages de toutes sortes et un avenir assombri par les clivages politiques sans fin depuis les élections présidentielles. L'Egypte semble ainsi retomber dans les grandes incertitudes politiques qui avaient laminé et emporté le pouvoir de Hosni Moubarak. Aujourd'hui, la donne a changé, puisque le nouveau président est le chef de la très puissante et influente confrérie des Frères musulmans. Pour désamorcer cette bombe qui menace l'Egypte, le président Morsi, qui a décrété l'état d'urgence dimanche dans plusieurs villes, est aujourd'hui acculé à faire des concessions à l'opposition. Même si son appel à la paix des braves a été décliné par l'opposition.