Question posée au journaliste censé apporter un éclairage aux lecteurs sur ce qui se passe dans le pays et éventuellement dans le monde, s'il en a les capacités : que pensez-vous de ce qui s'écrit ces derniers jours dans la presse ? La réponse immédiate est «rien», «absolument rien» ou au mieux : «pour le moment, il faut attendre». Cela n'éclaire pas, mais cela ne manipule pas. Question d'humilité mais aussi de prudence élémentaire : dans ce qui s'écrit dans la presse, il n'y a pas encore de «l'info», il n'y a que la politique. Pas celle qui avance à terrain découvert, affiche un objectif, un programme et déclame les moyens de les réaliser. Non, le schmilblick, celui du «code», celui des «initiés», celui qui veut faire participer la «foule» sans l'éclairer, en la menant par le bout du nez, en lui désignant des «méchants» à défaut d'être en mesure de lui montrer des bons. Certains aiment et pensent que c'est le nec plus ultra de la politique. A chacun ses goûts. Pour ceux qui savent que depuis l'assassinat d'Abane Ramdane l'Algérie a un problème de «règles», ce schmilblick suscite une répulsion légitime. Pour ceux qui savent que l'Algérie a un sacré problème de transparence dans la gestion du domaine public et des deniers de la communauté et même de la ressource humaine, le spectacle des «révélations» qui s'alignent dans la presse n'a rien de réjouissant. Certains même - c'est une suspicion légitime qui remonte à loin - s'inquiètent que des jeux de mots on passe aux jeux de mains. De nombreux Algériens connaissent les «classiques» des guéguerres du sérail et pour paraphraser Sartre, ils savent que quand les puissants «se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent». Chaque journaliste est libre de concevoir son métier comme il l'entend, c'est un fait. C'en est un autre qu'en Algérie les journaux, même s'ils ont été menés en bateau à plusieurs reprises, finissent toujours par tomber dans l'illusion qu'ils peuvent avoir de l'influence politique. Cela finit par faire partie de ce détestable schmilblick algérien, de cet exercice de brouillage par excellence, ce qui est quand même un paradoxe pour le «métier d'informer». L'humilité donc consiste à dire qu'il se passe «quelque chose dans les journaux» et que cela peut être l'expression d'une crise au sein du pouvoir. Sans plus. Les «bonnes sources», les «sources informées», les «sources proches du dossier» et les sources « n'importe quoi» quand elles ne s'identifient pas et quand elles ne sont pas identifiables posent un problème pour le métier de journaliste. Elles posent un grave problème de crédibilité politique. Bien entendu, ces sources non identifiées peuvent être parfois nécessaires et dans l'absolu les journalistes ont le droit de protéger leurs sources. Sauf que tout le monde sait qu'on est dans la fiction généralisée. Ces sources sont plus ou moins identifiables - à force de subir cet ersatz de politique de substitution les Algériens ont appris certains codes -, elles sont dans le sérail et s'agitent pour des problèmes de sérail et de pouvoir au sein du sérail. Les « infos» qui sortent s'adressent au sérail, elles sont des messages codés, des menaces peut-être, des «retenez-moi-ou-je-fais-un-malheur». Elles ne s'adressent pas aux Algériens qui tournent le dos au schmilblick du système à défaut d'avoir une vie politique sérieuse. Bien entendu, les batailles de sérail finissent par déborder sur la vie des Algériens et ils le savent. C'est pour cela que certains lisent, ces derniers jours, la presse non pour y trouver des informations mais pour y trouver la preuve de leurs appréhensions.