La situation de l'armateur national CNAN Nord, filiale du CNAN Groupe, est l'objet de craintes des travailleurs qui accusent la nouvelle direction de «ne rien faire» pour sauver la compagnie. A son tour, le PDG, nommé en novembre 2012, explique qu'il fait de son mieux pour relever la société qui prend de l'eau de toutes parts depuis déjà plusieurs années. Les représentants des travailleurs ont tenu une assemblée générale le 2 septembre dernier, suivie récemment par des sit-in devant le siège de la société mère, CNAN Groupe, et la société de gestion des participations, SGP Gestramar, pour «alerter les responsables sur la mauvaise situation que vit l'entreprise», explique Hassain Yacoub, le secrétaire général du syndicat de CNAN Nord. Le syndicat reproche au nouveau PDG, Merah Ali, de «n'avoir rien entrepris» pour vendre les «quatre navires de la compagnie qui sont à l'arrêt» et, surtout, «pour acquérir de nouveaux bateaux», affirme encore M. Hassain. Selon lui, «les quatre navires» que possède la compagnie de transport maritime de marchandises «sont à l'arrêt depuis presque une année» et «leur immobilisation coûte de l'argent», ajoute notre interlocuteur. Pour continuer à fonctionner et «garder les clients», CNAN Nord a recours à l'affrètement de navires. «La compagnie, qui reste toujours déficitaire, a affrété deux navires», affirme-t-il encore. «Face à cette situation, l'Etat a accordé, dès 2011, une enveloppe conséquente pour l'achat de nouveaux navires, mais les dirigeants de l'entreprise tardent à prendre les mesures pour leur acquisition», ajoute le SG. Le syndicat reproche au PDG, Merah Ali, ancien commandant de marine marchande de la compagnie, «nommé il y a dix mois», de «n'avoir pas entrepris les démarches pour l'achat de navires». «Son prédécesseur, M. Djoudi, avait lancé les démarches d'acquisition, mais elles n'ont pas abouti», nous a déclaré M. Hassain. Le syndicat de CNAN Nord a une série de revendications dont celle réclamant «le départ du PDG», mais également : «l'acquisition de nouveaux navires», «la vente des quatre anciens bateaux à l'arrêt», la «permanisation de 27 sédentaires», «l'élaboration de la convention collective», «l'établissement d'un organigramme et de procédures» et le «réajustement des salaires». Trois appels d'offres lancés Invité à répondre aux accusations du syndicat de l'entreprise, le PDG de CNAN Nord, Merah Ali, n'hésite pas à exhiber des documents montrant que «un mois après» son arrivée, un premier appel d'offres a été lancé pour «l'achat de quatre navires». Il rappelle qu'effectivement «le Conseil des participations de l'Etat (CPE) a dans sa résolution N°468 du 18 septembre 2011 accordé à CNAN Nord un crédit destiné à l'acquisition des premiers navires de moins de 05 années d'âge». Puis, le 10 février 2012, «le CPE a dans la résolution n°03/132 accordé une deuxième enveloppe portant sur l'acquisition de 16 navires à l'horizon 2016». Selon les documents qui nous ont été remis, «l'avis d'appel d'offres national et international restreint» a été publié le 26 décembre 2012. «Malgré les nombreux retraits de cahier de charges, il n'y a eu aucune soumission. L'appel d'offres a donc été déclaré infructueux», explique M. Merah. Un nouvel appel d'offres a été lancé en mai 2013 pour l'achat de six navires «neufs ou de moins de cinq ans d'âge». Décomposé en trois lots, l'appel d'offres comprenait deux «general cargo multipurpose» de «port en lourd» (chargement maximum) compris entre 12.000 et 13.000 tonnes et deux autres de 9.000 et 10.000 tonnes. Le lot n°3 concernait l'achat de deux «RoRo/LoLo» (de l'anglais Roll-On, Roll-Off) pouvant servir pour le transport de véhicules, par exemple. De ce deuxième appel d'offres, «une seule proposition de navire a été présélectionnée», en attendant la décision finale de la commission des marchés de la compagnie. Le PDG nous explique que la compagnie n'a reçu «aucune proposition pour le lot n°3», alors que pour le lot n°1, certaines propositions ont dépassé les prix en cours de plus de 50%. En attendant la décision d'achat du navire présélectionné dans le cadre du deuxième appel d'offres (AO), un troisième avis a été lancé le 5 août dernier pour l'acquisition de neuf navires. Cette fois, l'AO a été subdivisé en quatre lots pour l'achat de sept «general cargo multipurpose» de différentes capacités de chargement et de deux «RoRo/LoLo Heavy Lifter» de 9000-10000 tonnes. A noter aussi que «le partenaire social est membre de la commission des marchés de l'entreprise», selon son PDG. L'objectif d'atteindre 25% de parts de marché national Concernant les quatre navires à l'arrêt, le PDG de CNAN Nord confirme que leur immobilisation coûte «énormément d'argent». Ces quatre navires (Djorf, Djurdjura, Ibn Sina II et Ibn Khaldoun) ont une moyenne d'âge de 35 ans. «Même à l'arrêt, un de ces navires nous coûte environ huit millions DA par mois, soit un total de 32 millions DA par mois pour les quatre navires», explique M. Merah. «Mais, dit-il, la compagnie ne peut pas les vendre pour l'instant». A la question de savoir pourquoi, il répond : «Si l'entreprise vend ses navires, CNAN Nord va perdre son statut d'armateur, selon la loi algérienne, et ne pourra donc pas affréter», explique encore le PDG qui rassure que «l'étude de la vente est en cours». L'armateur national CNAN Nord, qui assure le transport maritime de marchandises en lignes régulières à partir des ports d'Anvers (Belgique), Hambourg (Allemagne), Bilbao, Avilés et Castellone (Espagne), Lisbonne (Portugal), Houston (Etats-Unis), Gemlik et Kumport (Turquie), n'a que «2% de parts de marché algérien du transport maritime de marchandises». La société, qui compte un effectif composé de 183 marins et de 75 sédentaires, veut atteindre 25% de parts de marché. «Pour cela, l'acquisition de nouveaux navires est indispensable. Mais il ne s'agit pas d'acheter dans la précipitation. Nous avons la responsabilité de gérer convenablement la somme qui a été débloquée par l'Etat et, pourquoi pas, d'acheter le même nombre de navires prévus et de faire des économies sur le montant global qui a été consacré à cette opération», affirme Merah Ali. A noter que, selon les explications du PDG de CNAN Nord, sur les 6 millions de tonnes de céréales importées par l'Algérie, les armateurs nationaux ont une part de «0%» !