Classée troisième pays au monde en matière de réserves exploitables en gaz de schiste, l'Algérie projette de se lancer dans son exploitation d'ici 2024. Mais le besoin considérable de la fracturation hydraulique en eau soulève des inquiétudes, tant au niveau financier qu'environnemental. L'exploitation des ressources naturelles importantes en gaz de schiste de l'Algérie est acceptée comme une nécessité dans un pays où les besoins en carburants sont en hausse et la production d'hydrocarbures décline. Elles sont évaluées à 707 TCF par l'EIA, l'agence indépendante de la statistique au sein du ministère de l'énergie des Etats-Unis, soit l'équivalent de de 212 mille milliards de m3. L'Algérie dont l'économie dépend à 97 % des hydrocarbures, se tourne vers l'exploitation du gaz de schiste. Selon Sid Ali Betata, président de l'Agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures (Alnaft), l'Algérie projette de se lancer dans l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels d'ici 2024.L' un des objectifs affirmés de la révision de la loi sur les hydrocarbures est favoriser l'exploration et la production du pétrole et du gaz non conventionnels, dont le gaz de schiste. Emprisonné dans la roche où il s'est formé, le gaz de schiste est difficile à extraire. Aujourd'hui, la manière la plus commune d'y accéder est de fracturer la roche en injectant à très haute pression de grandes quantités d'eau mélangées à du sable et des additifs chimiques : c'est la fracturation hydraulique. La consommation totale par puits ne dépasserait pas 16.000 m3, a indiqué Mohamed Daoudi, chef du projet d'exploration du gaz de schiste à la Sonatrach, lors des journées techniques sur le gaz de schiste qui se sont déroulées mardi et mercredi à Alger. Des réserves en eau abondantes Selon les défenseurs de l'exploitation du gaz de schiste en Algérie, aucun besoin de s'inquiéter concernant les réserves d'eau. Les sous-sols du bassin saharien, qui s'étire entre la Libye, la Tunisie et l'Algérie, contiennent 40 000 milliards de m3 d'eau douce, dont 70% en Algérie, soit 28 000 milliard de m3. Un ancien directeur de la Sonatrach, Mohamed Terkmani, a publié une tribune qui soutient que les besoins en eau pour l'exploitation du gaz de schiste ne représenterait qu'un chiffre dérisoire de ces réserves : 14 millions de m3, soit « 0003% des réserves en place. » Il ajoute qu'avec un soutirage de 2 748 m3/an pour les besoins agricoles, il resterait « un surplus de 4 070 millions de m3/an pour des activités supplémentaires ». Comprendre : l'exploitation du gaz de schiste. « Une chance inespérée » d'après lui, « car nous ne sommes pas prêts pour l'après-pétrole », alors que les prévisions annoncent que les réserves en pétrole algériennes s'épuiseront autour de 2020, et celles de gaz en 2030. mais fragiles Mais M. Terkmani se base sur les capacités d'extraction d'eau « estimées » à plus de 6 milliards de m3/an, alors qu'elles sont d'aujourd'hui de seulement 3 milliards de m3/an. Le taux de renouvellement de l'eau présente dans le bassin saharien est de 1 milliard de m3/an. « Pendant les vingt dernières années, l'exploitation hydraulique en Algérie a été presque excessive », a concédé Rachid Taibi, directeur général de l'Agence nationale des ressources hydrauliques, lors des journées techniques sur le gaz de schiste.En outre, le gouvernement algérien prévoit l'exploitation du gaz de schiste dans des régions où les populations locales manquent d'eau, telles que Tindouf. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal, lors de sa visité de la wilaya en juillet, avait insisté sur la nécessité d'exploiter les eaux profondes de la région à des fins agricoles. L'assistance présente lors des journées techniques sur le gaz de schiste, invitée à débattre avec les communicants, s'est inquiétée de l'utilisation de ces eaux pour le gaz de schiste, alors que la wilaya peine encore à alimenter la population locale. Désalinisation de l'eau La réponse offerte par un représentant de l'entreprise pétrolière américaine Baker Hughes n'a pas convaincu. « Nous pouvons prendre exemple sur Oman, où de l'eau de mer traitée a été utilisée pour la fracturation hydraulique », a-t-il expliqué. Alors que la rentabilité de l'exploitation du gaz de schiste a été récemment remise en question par l'EIA, il semble difficile de justifier des coûts additionnels de désalinisation et de transport de l'eau de mer jusqu'aux régions désertiques du Sahara algérien.Il est déjà estimé par Alnaft que l'Algérie devra investir 300 milliards US$ pour pouvoir produire 60 milliards de m3/an. Un financement qu'elle doit mobiliser sur 50 ans pour arriver à ce niveau élevé de production. Contamination des eaux potables En outre, plusieurs études conduites aux Etats-Unis, le plus grand exploitant de gaz de schiste au monde, ont conclu qu'il existe un lien de contamination des nappes phréatiques. « Des réserves d'eau potable du nord-est de la Pennsylvanie risquent d'être contaminées par des gaz s'échappant des puits d'exploitation des gaz de schiste », avait déclaré le géochimiste Avner Vengosh, un des auteurs d'une étude publiée en juin par l'Université Duke. Selon Mohamed Daoudi (Sonatrach), il sera nécessaire d'évaluer le risque sur l'eau potable que présente l'exploitation du gaz de schiste avant de débuter les forages en Algérie.