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MOSTAGANEM: Le «bio» peut rapporter gros mais l'Algérie l'ignore encore
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 22 - 10 - 2013

La première édition du festival «Manger bio en Algérie» organisée par la Fondation méditerranéenne du développement durable «Djanatu-al-Arif», vendredi et samedi derniers à Mostaganem, a été l'occasion de parler de l'agriculture biologique en Algérie, filière sous-exploitée en dépit de ses opportunités.
«Le premier marché de l'humanité, c'est la nature qui nous entoure», répète régulièrement Yasmina Sellam, professeur de bioclimatologie à la retraite devenue cuisinière pour préserver la gastronomie traditionnelle algérienne dont elle transmet les richesses à travers ses mille et une recettes, ses produits faits maison et ses conférences-dégustation. «Notre forêt peut nous suffire pour vivre, sans aller chercher des aliments très, très loin», poursuit le «chef» de la table d'hôtes «Dar Djeddi» située à Alger. Pour nous convaincre, Yasmina Sellam a plus d'un flacon dans son panier : huile de lentisque, confiture de pétales de roses, jus de géranium, etc., tous préparés, par ses soins, à base d'ingrédients frais cueillis dans son jardin «non traité» ou dans la nature. «Pourquoi consommer des produits d'importation, alors que l'on a chez nous, à proximité, des aliments qui valent de l'or», renchérit Karim Rahal, initiateur de l'événement «Manger bio en Algérie» né de la volonté de valoriser les «produits du terroir». «Avant que l'on arrive à copier jusqu'au bout l'absurdité du système agricole occidental qui est en train de se casser la figure, est-ce que l'on ne peut pas se remettre en question dès maintenant, pour revenir vers nos sources et créer un modèle qui nous est propre», suggère ce professeur à l'Université qui s'intéresse à l'agroécologie depuis 1987.
MANQUE DE RENTABILITE
«Je loue votre initiative mais les faits sont là, 70 % de notre alimentation est importée et le bio coûte cher ce qui freine sa propagation parmi les consommateurs algériens. Même s'il faut faire de l'agriculture biologique car il y a une niche, il faut d'abord assurer notre autosuffisance alimentaire et passer ensuite à l'agriculture bio », tempère un membre du public venu assister aux conférences. Et c'est bien la direction que semble prendre l'Algérie. Avec à peine 700 hectares de superficies et productions agricoles biologiques sur 8,5 millions d'hectares agricoles, la filière de l'agriculture biologique est presque inexistante. Les rares exploitants qui exercent dans le domaine sont souvent isolés et peinent à vivre correctement de leur activité par manque de débouché. «Mon plus gros problème est la distribution», avoue Amel Benameur dont les fromages «Sarayes» fabriqués à Oran, à partir de lait de vaches algériennes, sont pour l'instant uniquement vendus dans quelques supérettes de la ville, à des restaurateurs et à des particuliers. Commercialisation limitée et lourdes charges à acquitter aboutissent à un «rendement difficile de l'activité». Même son de cloche chez une autre exposante venue, comme Amel Benameur, vendre et présenter ses produits dans le cadre du festival. « Le plus difficile est de placer ses produits», témoigne Khadija Yasmina Naïmi, gérante et propriétaire d'Aïntork, petite entreprise de cinq personnes de fabrication de cosmétiques naturels basée dans la petite ville du même nom, près d'Oran. Distribués dans certaines pharmacies et supérettes de la région, les savons, crèmes et huile de macération Aïntork, rapportent à Khadija Naïmi tout «juste de quoi vivre».
UN MODELE A CONSTRUIRE
«Une fédération de producteurs-distributeurs de produits issus de l'agriculture biologique permettrait de toucher un plus large public», assure Karim Rahal qui considère que la clé de l'essor du bio réside dans le consommateur. Un chemin prometteur pour l'Algérie compte-tenu des avantages de l'agriculture biologique : « moins de produits phytosanitaires et d'engrais chimiques donc moins de frais pour l'agriculteur, un avantage compétitif sur le marché de l'export, l'amélioration de la biodiversité du sol, la préservation de la santé, l'accumulation d'un capital de savoirs, etc.», énumère Houria Hadjira Abdellaoui, employée de la Direction des services agricoles (DSA) d'Aïn Temouchent qui s'intéresse depuis plusieurs années au «Développement récent et aux perspectives de l'agriculture biologique en Algérie». Conscient de ces atouts, l'Etat a consacré dans la loi d'orientation agricole du 10 août 2008 un chapitre à «la valorisation et la promotion des produits agricoles» comportant les articles 32 et 33 qui citent explicitement l'agriculture biologique comme moyen de valorisation des productions agricoles. Le décret d'application, rentré en vigueur en juin 2013, devrait accélérer les dispositifs de soutien tels que les aides du Fonds national d'investissement agricole (FNIA), l'acquisition d'intrants comme le fumier, la lutte contre les ravageurs, les semences maraichères hybrides, etc., explique Hadjira Abdellaoui.
Malgré cette relance institutionnelle en matière de développement de l'agriculture biologique en Algérie, le plus grand pays du Maghreb demeure loin derrière ses voisins tunisiens et marocains, souligne notre interlocutrice. Avec 333.000 hectares de terres biologiques, la Tunisie se classe en tête du «bio» dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord (MENA).
Le pays dispose même d'une direction générale de l'agriculture biologique au niveau du Ministère de l'agriculture et s'est vu accorder, en 2010, la reconnaissance au régime d'équivalence de l'Union européenne (UE), ce qui signifie que les produits certifiés bio par les agences de certification tunisiennes sont automatiquement reconnus par l'UE. Le Maroc, quant à lui, dispose de 20.000 hectares de superficie biologique avec l'objectif d'atteindre 40.000 hectares d'ici 2020 grâce à une enveloppe de 200 milliards de centimes de la part de l'Etat. «Seul un soutien fort du gouvernement permettra l'essor de la filière biologique en Algérie», assure Hadjira Abdellaoui. «L'Etat et le privé doivent travailler main dans la main».


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