Le Maroc rappelle son ambassadeur à Alger pour protester contre un discours du président Bouteflika, lu à Abuja, par le ministre de la Justice, appelant à la mise en place d'un mécanisme international de surveillance des droits de l'Homme au Sahara Occidental. Alger refuse de suivre Rabat et maintient son ambassadeur au Maroc. Pour ceux qui suivent la question du Sahara Occidental et les rapports, soupçonneux et tendus entre Alger et Rabat, rien dans le discours prononcé à Abuja ne sort de l'habituel. Ce «coup de colère» exprimé par un rappel de l'ambassadeur du Maroc était annoncé depuis le 10 octobre dernier. S'adressant au Parlement, Mohamed VI a invité les députés et les partis à ne pas «attendre les attaques de nos adversaires pour y riposter, il faut plutôt les acculer à la défensive, en prenant les devants, en anticipant les événements et en y répondant de manière positive». Le Palais a attendu que le président algérien s'exprime sur la question du Sahara Occidental pour passer à l'offensive. La décision de rappeler l'ambassadeur est justifiée par « la multiplication des actes de provocations et d'hostilités de l'Algérie à l'égard du Royaume, notamment s'agissant du différend régional au sujet du Sahara marocain ». Le discours prononcé à Abuja est qualifié de «volontairement provocateur» avec des «termes foncièrement agressifs» qui seraient, selon le palais, le signe que l'Algérie est «partie prenante à ce différend». En réalité, rien dans le discours n'est nouveau. L'Algérie a été constamment en faveur de l'autodétermination et ne reconnaît pas la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. Elle n'est pas la seule. Même l'Onu ne le reconnaît pas puisque le Sahara Occidental reste au regard de l'institution internationale un territoire non autonome et qu'elle a une «Mission» chargée d'organiser le référendum d'autodétermination. L'ALGERIE N'EST PAS NEUTRE ! Le plus surprenant est de voir que le Palais reproche à l'Algérie de ne pas être «neutre», comme s'il s'agissait de lui interdire d'avoir un avis sur le sujet. Il est évident qu'il n'y a rien de nouveau dans la position algérienne qui justifie cette mesure de rappel de l'ambassadeur. On est plutôt dans le schéma classique qui consiste à jouer la menace externe pour ranimer un consensus interne autour du Palais dans un contexte économique pénible. Les signes de nervosité du Palais se sont d'ailleurs manifestés par le traitement brutal réservé au journaliste Ali Anouzla à qui l'on reproche, entre autres, de ne pas avoir des positions orthodoxes sur le Sahara Occidental. On peut rappeler que l'Algérie a choisi d'éviter l'escalade quand le chef du parti de l'Istiqlal, encore au gouvernement, avait appelé à la récupération par la force du «Sahara marocain» spolié, selon lui, par l'Algérie. C'était pourtant un homme qui était membre du gouvernement marocain et un modèle du politicien mokhazni du Palais. En tout cas, le prétexte du discours d'Abuja ne fonctionne pas pour expliquer l'escalade que constitue le rappel d'un ambassadeur. Il sert de prétexte à une décision pratiquement annoncée de créer l'incident avec Alger au moment où l'envoyé spécial du secrétaire général de l'Onu pour le Sahara Occidental élabore son rapport. Et à l'approche de la tournée du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui doit achever une tournée dans le monde arabe par une visite en Algérie et au Maroc. L'Algérie semble avoir choisi de ne pas riposter par la réciprocité et donc d'entrer dans le jeu de l'escalade. Elle a «pris note avec regret» de la décision du gouvernement marocain. Une décision «injustifiée» qui, indique un communiqué des affaires étrangères, est «une escalade malencontreuse qui s'appuie sur des motifs fallacieux et attentatoires à la souveraineté de l'Algérie dont les positions de principe sur les questions régionales et internationales ne sont susceptibles d'aucune remise en cause sous l'effet d'interférences étrangères». PAS DE RAPPEL DE L'AMBASSADEUR ALGERIEN Le communiqué signé Amar Belani souligne que la «position de principe de l'Algérie sur le nécessaire parachèvement de la décolonisation du Sahara Occidental n'a jamais varié et le discours prononcé à Abuja par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, ne fait que rappeler la constance de cette position qui est non seulement connue mais est largement soutenue par l'Union Africaine, le Parlement Européen ainsi que par de nombreux autres acteurs internationaux». Tout en pointant une «campagne ininterrompue de dénigrement de l'Algérie» qui vise à la «bilatéralisation d'une question qui relève de la responsabilité des Nations unies», l'Algérie a décidé de maintenir «en place l'ensemble de ses missions diplomatique et consulaire dans le Royaume du Maroc ainsi que les Chefs desdites missions qui poursuivent normalement leurs activités». Le communiqué formule l'espoir que cet «épisode malheureux dans le cours des relations algéro-marocaines pourra être contenu dans sa juste dimension et être rapidement dépassé». Il n'est pas certain que cet appel à calmer le jeu sera entendu par le Maroc.