La situation du Sida en Algérie suscite «l'inquiétude» des professionnels de la Santé. La question relative au dépistage demeure «centrale» pour prétendre à une prise en charge efficiente. Aussi, l'usage de moyens de prévention adéquats et l'éducation sexuelle restent, par ailleurs, des impératifs à faire valoir, en dépit du poids des traditions et des résistances de la société. D'abord, quelques chiffres. Le laboratoire de référence du VIH sida de l'Institut Pasteur Algérie a recensé, pour cette année 2013, 78 nouveaux sidéens et 459 séropositifs. La différence entre un séropositif et un sidéen étant que le premier est porteur du virus du sida, mais n'a pas développé la maladie. En revanche, un sidéen a dépassé ce stade, présente des symptômes et a développé la maladie. Dans les deux cas, un traitement est possible. Beaucoup pourront dire que ces chiffres ne sont pas si inquiétants que cela, comparés à la population globale que compte l'Algérie. Ceci est loin d'être de l'avis des spécialistes et des associations de lutte contre le sida. Pour le Pr Fatiha Razik, infectiologue à l'EHU d'Oran et vice-présidente de l' « Association de protection contre le sida » (APCS), ces chiffres ne sont que la partie visible de l'iceberg et estime le nombre de potentiels porteurs du virus du Sida et qui ne le savent pas, faute de dépistage, à, au moins 20.000. Ces derniers qui ne présentent aucun signe extérieur de la maladie sont susceptibles de contaminer autrui. Le professeur estime ainsi que la question relative au dépistage est centrale pour prétendre à une lutte efficace contre le sida, en Algérie, « ce qui nous ramène, a-t-elle fait remarquer, à revoir tout notre dispositif de dépistage ». A ce propos, il est à noter que l'Algérie compte 64 unités de dépistage, dont ceux relevant des 9 centres régionaux. Des unités qui sont mises à la disposition des citoyens de manière «anonyme» et «gratuite», à l'échelle nationale. Autre indice révélateur, selon le Pr Fatiha Razik, «le nombre de naissances illégitimes. Plus de 2.000, en 2013, c'est autant de rapports sexuels non protégés. Et encore, ce chiffre ne représente que les rapports ayant donné lieu à des naissances. Aussi, ajoute la vice-présidente de l'APCS, les sociétés dites clé, comme celles des prostituées ou des homosexuels, nécessitent une attention particulière, notamment en matière de sensibilisation et d'information. Le taux de prévalence au sida, chez les homosexuels, en Algérie est de 8%, selon le Pr Drif, citant les résultats d'une étude réalisée par l'APCS, parmi cette communauté, non sans souligner les dangers pour la population hétérosexuelle à cause de l'existence de «passerelles » entre communautés favorisées par la présence d'individus considérés comme bisexuels. Actuellement, l'Algérie compte près de 1.500 sidéens et 6.603 séropositifs déclarés, depuis l'apparition des premiers cas, dans le pays, en 1985. La wilaya d'Alger arrive en tête avec 1.930 cas (entre séropositifs et malades du sida) enregistrés depuis 1985, suivie de la wilaya de Tiaret (523 cas), Tamanrasset (442 cas), Saida (327 cas) et Oran (318 cas). Par tranches d'âges, les plus de 49 ans arrivent en tête avec 76% des cas contre 19% chez les 15-49 ans et près de 3% chez les moins de 15 ans. Avec plus de 48% des cas, les hommes restent toujours plus touchés que les femmes par cette maladie. Ces dernières enregistrent, toutefois, une montée spectaculaire, ces dernières années, en dépassant les proportions des 40%. Une tendance qui inquiète, à plus d'un titre, avec les risques qu'elles induisent pour l'enfant. L'APCS et Planning Familial', une association française, membre de l' International Planned Parenthood Federation' (IPPF), qui milite, depuis 1956 sur des questions relatives au droit à la contraception, à l'éducation à la sexualité et à la lutte contre le sida et les Ist, entre autres, a organisé, hier, en partenariat avec l' Institut français d'Oran, une conférence-débat sur le thème « Femmes et VIH ». Deux conférences-débat ont été animées par le Pr. Fatiha Razik (Infectiologue à l'EHU d'Oran et vice-présidente de l'APCS Algérie), et le Pr. Carine Favier, Infectiologue au CHU de Montpellier et présidente de Planning familial'.