Miloud Brahimi, avocat et défenseur des droits de l'Homme, est bien remonté contre la justice algérienne, qui n'appliquerait pas bien «les lois». Pour lui, donc, le chemin qui mène aux droits de l'Homme, en Algérie, est, encore, bien loin, en dépit d'avancées. Hier, mardi, sur les ondes de la Radio nationale, à l'occasion de la Journée mondiale des droits de l'Homme, il a, ainsi, relevé que «le combat pour les droits de l'Homme est une réalité dans ce pays». Ce combat, a-t-il dit, «a commencé avec le printemps berbère, au début des années 1980; un véritable printemps pour moi. Cela a permis l'émergence des ligues des droits de l'Homme et de comprendre que la lutte pour les droits de l'Homme est un combat pour la démocratisation», insiste t-il, observant qu' «on a fait beaucoup de progrès, beaucoup avancé et que le multipartisme est une réalité dans ce pays, même s'il reste à parfaire». Il relativise, cependant, en estimant que «ce n'est pas le cas en matière syndicale». «Il reste beaucoup à faire pour la démocratisation de l'Algérie qui est un mouvement que l'on suit depuis 1993. Il y a aussi les droits de l'Homme, sous différents aspects, comme ceux politique, judiciaire, syndical, et économique, laisse-t-il entendre, avec, notamment, le droit au logement, à l'emploi, etc. Et puis, il a affirmé qu'en Algérie, «le combat pour les droits de l'Homme est, indissociablement, lié à celui de la démocratisation». Sur la justice, il est plus que remonté. «L'indépendance de la justice est que le juge applique la loi et ne doit pas faire à sa tête». La justice algérienne, dit-il, «n'est pas au niveau que nous souhaitons», même si, actuellement «il y a une percée avec une intervention du ministre, notamment, sur le chantier de la détention préventive». Sur ce dossier qui révolte les ONG de défense des droits de l'Homme et le barreau, Miloud Brahimi n'a pas pris de gants et a fustigé le recours abusif, par certains magistrats, à la détention préventive. «Si les textes sont bons, leur application laisse à désirer», estime t-il. Pour Miloud Brahilmi, qui a plaidé dans plusieurs grosses affaires qui ont marqué le barreau algérien, la justice algérienne «c'est le système du magistrat qui appelle son supérieur et celui-ci qui appelle son supérieur». Mieux, il relève qu'en matière de crime économique, la détention préventive doit être abolie. «Je ne vois pas en quoi elle va faire manifester la vérité». Pour lui, c'est devenu, carrément, «de la condamnation préventive». «Il y a de l'abus», précise t-il, citant les affaires Khalifa et Sonatrach, des affaires dans lesquelles des personnes sont en prison, sans justification de «cette situation». Et puis, il frappe d'estoc: «une bureaucratie judiciaire est à l'origine du non-respect des orientations «claires» et «fermes» données par le Président Bouteflika pour dépénaliser l'acte de gestion. «Le président de la République a donné des instructions très claires et fermes pour dépénaliser l'acte de gestion, malheureusement, la bureaucratie, en général, et particulièrement judiciaire, les a vidées de leur substance», ajoute t-il. Quant à la corruption, en Algérie, il a répété qu'elle n'est pas plus importante que dans d'autres pays. Plaidant pour une meilleure prise en charge sociale, il a affirmé qu'il faut s'attaquer aux raisons de ce phénomène pour l'éradiquer. Il a, par ailleurs, rappelé qu'il est contre la peine de mort, et que l'exploitation des violences contre les enfants pour prononcer de telles peines est une erreur. Il s'est dit «choqué et scandalisé» par la peine de mort prononcée contre les auteurs de sévices contre les enfants, citant l'exemple d'un condamné à mort, pour un tel crime qui lui a été présenté enchaîné. « Le durcissement des peines ne réduirait pas, forcément, la criminalité contre les enfants», relève-t-il encore, avant de lancer un appel pour «une réflexion sur l'amélioration des conditions de fonctionnement de la société algérienne».