Le but que s'est fixé John Kerry en se rendant lundi à Amman puis à Ryadh après les entretiens multiples et séparés qu'il a eus avec le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne était de s'assurer le soutien jordanien et saoudien à son projet «d'accord-cadre» auquel il peinait à rallier ses interlocuteurs de Tel-Aviv et de Ramallah. Le secrétaire d'Etat américain n'a pas sollicité l'appui des deux monarchies régionales en tant que moyen supplémentaire de pression sur la partie israélienne, car Benyamin Netanyahu et son cabinet ne se détermineront certainement pas dans les choix qu'ils feront sur les « propositions et conseils » que les deux Abdallah leur ont prodigués via l'intermédiaire américain. C'est pour s'en servir contre les Palestiniens que Kerry s'en est allé quérir l'onction jordanienne et saoudienne à son projet d'accord « cadre ». De fait, peu après avoir rencontré Abdallah de Jordanie puis le monarque saoudien, Kerry a eu une longue entrevue avec Mahmoud Abbas à l'issue de laquelle il a tressé d'inquiétants éloges au leader palestinien dont il a salué les « disponibilités aux compromis ». Pour des considérations qui relèvent de leurs intérêts nationaux respectifs, les deux monarchies consultées par John Kerry veulent d'un accord palestino-israélien, fût-ce au détriment des premiers nommés, et ont dû certainement le faire savoir à Mahmoud Abbas. Pour la monarchie jordanienne, la poursuite de l'impasse du processus de paix est lourde de menaces car susceptible de remettre au goût du jour l'option d'un Etat palestino-jordanien sur le territoire du royaume avec toutes les conséquences que cela induirait pour elle. La monarchie saoudienne veut tout autant d'un accord palestino-israélien et à n'importe quel prix du moment qu'Israël n'est plus pour elle l'ennemi régional, mais au contraire l'allié sur lequel elle compte pour faire échec au danger représenté par les ambitions régionales de l'Iran et que sa famille régnante veut combattre quitte à nouer un pacte avec l'ennemi sioniste d'hier. Ce n'est donc pas la monarchie saoudienne qui, rappelons-le, a été l'auteur de l'initiative de paix de la Ligue arabe censée servir de cadre à un accord global de paix avec Israël qui incitera l'Autorités palestinienne à s'en tenir fermement à ses conditions de paix qui découlent de son initiative. C'est certainement Benyamin Netanyahu qui a dû secrètement se réjouir que John Kerry ait eu la « bonne idée » d'aller solliciter le soutien saoudien, sachant que les princes de la famille Abdelaziz se succèdent à Tel-Aviv et se relayent auprès de lui pour élaborer une stratégie offensive commune et solidaire aux deux pays contre l'épouvantail iranien. Pour rester au pouvoir en éloignant la prétendue menace iranienne qui les hante, les princes saoudiens n'hésiteront nullement à sacrifier les Palestiniens. Quand on voit ce dont ils ont été capables de faire en d'autres pays arabes pour soi-disant contrer cette menace, il ne faut pas douter qu'à leurs yeux la cause palestinienne est bien peu de chose. John Kerry n'a donc pas naïvement inclus Ryadh dans les étapes de sa dernière et cruciale journée au Proche-Orient. Il savait que l'intervention saoudienne allait peser lourd sur la partie palestinienne. Jusqu'à quel point ? On ne va pas tarder à le savoir.