Le gouverneur de la Banque d'Algérie est un homme discret qui ne fait pas de politique mais il s'astreint régulièrement à signaler la couleur des voyants qui s'allument dans les comptes du pays. Il ne dit rien de bien nouveau. En gros, les recettes baissent, les importations croissent et ont même atteint un niveau «non soutenable». Ceux qui parlent de «stabilité» devraient méditer ces piqûres de rappel régulières que le gouverneur de la Banque centrale nous envoie. Quitte à faire de la politique malgré lui. Ces alertes sont singulièrement convergentes avec d'autres expertises qui expriment de plus en plus ouvertement le fait que l'Algérie va vers un mur. Le groupe Nabni par dosages successifs, comme pour faire de la pédagogie douce à ceux qui gouvernent, en est arrivé à poser, ouvertement, la question de la gouvernance. Car, il ne faut pas s'y tromper, il y a une relation de causalité entre le système de gouvernance du pays et sa très faible performance économique. De manière sérieuse, des économistes disent : injecter du droit, les libertés et de la compétence et on change d'échelle en termes de croissance. Or, le système algérien fonctionne sur une redistribution inégalitaire de la rente sans créer de la richesse. Tant qu'il y a du pétrole et du gaz Sauf qu'il n'y en aura pas toujours. Un analyste a établi récemment dans ces colonnes une comparaison frappante entre la Norvège et l'Algérie. La Norvège est plus riche que l'Algérie, le prix du pétrole y est infiniment plus cher. Ne cherchons pas trop loin les raisons de la différence, elles ne sont pas «culturelles» comme le suggérait sous forme de boutade l'analyste mais politiques. Une gouvernance démocratique permet d'aboutir à des consensus créatifs sur la gestion des ressources pétrolières. En Algérie, nos responsables savent que les prix du pétrole sont tellement bas qu'ils créent nécessairement du travail chez les trafiquants aux frontières avec ou sans mobilisation policière. Mais comment s'attaquer à cette question quand on est enferré dans le souci, immédiat, de «calmer» les gens au lieu de les convaincre et de leur proposer un dessein... Les prix de l'énergie en Algérie sont une absurdité économique, ils ont cependant un sens «politique». Ce n'est qu'un élément d'une fuite en avant qui finira par nous rattraper. Qui nous rattrape déjà, dit le gouverneur de la Banque d'Algérie. Il n'est pas le seul. Même l'ancien ministre des Finances sous Ahmed Ouyahia, Abdelkrim Harchaoui, s'alarme : l'Algérie va vers une décennie compliquée et terrible (Rahiba, en arabe dans le texte !). AVEC UNE FACTURE DE 60 MILLIARDS DE DOLLARS D'IMPORTATIONS, CELA ANNONCE QUE L'HISTOIRE VA SE REPETER, DIT-IL. «INSOUTENABLE» EST UN TERME QUE LES FINANCIERS UTILISENT DE MANIERE PRESQUE TECHNIQUE. EN REALITE, IL FAUT LE PRENDRE POUR CE QU'IL EST. C'EST TOUT UN SYSTEME DE GOUVERNANCE QUI POSE PROBLEME ET QU'IL FAUT CHANGER SERIEUSEMENT ET NON PAR LES RUSES ET LE SAUPOUDRAGE. SA PERPETUATION DEVIENT REELLEMENT INSOUTENABLE POUR LE PAYS.