Quand Hocine Aït Ahmed, Mouloud Hamrouche et le défunt Abdelhamid Mehri inquiets du statu quo politique qui paralysait le pays avaient lancé leur appel à l'ouverture d'un dialogue national inclusif entre toutes les forces vives de la nation en vue de l'élaboration d'un consensus pour une sortie pacifique de cette crise et un accord sur le processus à mettre en œuvre pour le concrétiser, le pouvoir et la classe politique dans son ensemble leur avaient opposé une fin de non-recevoir qui s'est accompagnée d'ironiques brocards sur «l'irréalisme décalé» de leur initiative. Voilà pourtant que beaucoup de leurs censeurs de l'époque s'avisent que ce qu'ont prôné ces personnalités est la seule option qui permettrait à l'Algérie de faire l'économie d'une explosion dont ils constatent qu'elle leur apparaît inéluctable au vu du malaise et de la contestation qui agitent le pays sur fond d'indignation contre une élection présidentielle dont l'enjeu a été réduit à la question d'un quatrième mandat ou non pour le président Bouteflika malade et à l'évidence dans l'incapacité de l'assumer. Ils sont désormais nombreux à se déclarer prêts pour un dialogue national inclusif qui ouvrirait la voie à une transition pacifique et démocratique. Une convergence qui n'est pas banale car elle dénote de la part de ses acteurs une prise de conscience de la gravité de la situation que vit l'Algérie. De leur part, c'est la preuve d'une maturité politique qui leur fait refuser la fatalité de l'aventure que serait la contestation autrement que pacifique du maintien du système politique qui régente le pays depuis plus de cinquante ans. Cette convergence dans la demande d'un dialogue national pour la recherche d'un consensus sur une sortie de crise impliquant une solution pacifique mais radicale en terme de changement a mis incontestablement la balle dans le camp du pouvoir. L'autisme dont il a fait preuve à l'égard de l'initiative d'Aït Ahmed, Hamrouche et Mehri s'est révélé une grave et dangereuse faute politique qu'il ne peut reproduire sans conséquences dommageables pour sa survie et la stabilité du pays. L'opposition qu'il voue aux gémonies en lui prêtant d'être instrumentalisée par l'étranger et de se mobiliser autour d'une feuille de route qui lui est dictée, lui administre la preuve qu'elle est mue par le souci patriotique d'éviter à l'Algérie la voie de l'aventure et d'un «printemps» de même nature que celui vécu par la Libye, le Yémen et la Syrie. Cette opposition dont on désespérait parce que longtemps enfermée dans des querelles de chapelle et par conséquent atomisée et incapable de s'entendre sur une stratégie à user contre le pouvoir pour le contraindre à accepter le changement démocratique de la gouvernance et de la conduite du pays, donne ces derniers temps les signes qu'elle est en train de sortir de son enfermement. Les passerelles que ses composantes ont établies entre elles, les ententes à minima auxquelles elles ont souscrit nous donnent à croire qu'elle est sur une nouvelle dynamique, celle de la constitution d'un front du refus du statu quo que le pouvoir veut maintenir. La pâte est en train de lever au vu de l'adhésion de plus en plus nombreuse et multiple qui se déclare en faveur d'un tel rassemblement. Si elle parvient à le transformer en une réalité, elle enlèvera au pouvoir du même coup la latitude d'user à son encontre de la politique du «diviser pour régner».