Trois morts dans les violences et une quatrième personne dans un état critique. La plongée en enfer dans la soirée du samedi à Ghardaïa est venue confirmer l'ampleur et la gravité du drame qui se joue dans la vallée du Mzab alors que les pouvoirs publics semblent impuissants à stopper la dégradation. Trois nouvelles victimes qui viennent ajouter aux rancœurs intercommunautaires et font craindre que le point de non-retour n'ait été atteint. Ce regain de violence que certains associent à un relâchement du dispositif sécuritaire montre que la tension est persistante et, surtout, entretenue. Les relais traditionnels comme les structures de l'Etat paraissent dépassées par les évènements. Le plus inquiétant est que la réponse sécuritaire, absolument nécessaire, en attendant de renouer les liens d'un tissu social en lambeaux, ne semble pas avoir été du niveau requis. La situation de Ghardaïa exigeait de calmer les esprits et de rétablir l'ordre et, selon beaucoup d'observateurs, un véritable «état d'urgence » aurait dû être décrété. Cela n'aurait pas résolu le problème, mais le rétablissement de l'ordre public est un préalable, une urgence. Le rétablissement de la sécurité et la justice, c'est bien ce que demandaient, hier, ceux qui ont afflué de plusieurs quartiers de Ghardaïa vers le siège de la wilaya pour dénoncer les violences et les crimes commis samedi. Ils ont été reçus par Youcef Yousfi, Premier ministre par intérim qui s'est rendu samedi sur les lieux en compagnie du ministre de l'Intérieur, Tayeb Belaiz, et du commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Ahmed Bousteila. Le DGSN, le général Hamel, n'était pas présent dans la délégation et s'est fait représenter. UNE REPONSE SECURITAIRE INADAPTEE ? M.Yousfi, selon l'APS, a promis aux délégués des manifestants « l'ouverture d'une enquête pour déterminer les responsabilités de chacun et le règlement durable de cette situation conflictuelle». M.Youcef Yousfi a promis «l'ouverture d'une enquête immédiate pour déterminer les responsabilités et l'application de la loi ainsi que la poursuite des actions de développement, aussitôt l'ordre rétabli». Des « promesses » qui normalement vont de soi dans le cadre d'un fonctionnement ordinaire de structures de l'Etat, de la justice et des appareils de sécurité. Or, il est évident qu'à Ghardaïa où des affrontements aux motivations initiales des plus floues durent depuis des semaines et qui dérivent aujourd'hui dans la haine communautaire, l'Etat n'a fait que courir derrière les évènements et la crise. Les services de sécurité ont été, à tort ou à raison, parfois accusées de prendre parti. La reprise en main sécuritaire s'est faite avec une mollesse qui contraste déjà avec les engagements déjà pris. Le 6 février dernier le chef de la Gendarmerie nationale, le général Ahmed Bousteila, le DGSN, le général Abdelghani Hamel et Tayeb Belaïz ont pris les mêmes engagements de faire « appliquer les lois de la République dans toute leur rigueur contre quiconque portera atteinte à la sécurité de l'individu et de ses biens». L'effet apaisant n'a pas duré longtemps et il aura suffi d'un relâchement, inexpliqué, pour que Ghardaïa s'enfonce dans les violences menées par des bandes de jeunes organisées. UNE COMPETITION ENTRE EMEUTIERS Cette faiblesse de la réponse sécuritaire -qui étonne plus d'un d'ailleurs- à une crise qui prenait de grosses proportions est aggravée par le fait que les structures traditionnelles sont en train de perdre la main. Les vieux relais et les élites traditionnelles qui avaient l'habitude de régler les différends par des réunions parrainées par les représentants de l'Etat ont été littéralement dépassés par les évènements. Ce sont les jeunes -et les plus violents et les plus irresponsables- qui ont influé le plus sur le cours des évènements. Ce n'est même pas un nouveau leadership qui émerge chez les chaâmbis et les mozabites, c'est devenu une compétition entre jeunes émeutiers des deux communautés. M.Yousfi a promis que l'Etat contribuera « à la réhabilitation des biens endommagés lors de ces évènements et à atténuer ainsi la souffrance des citoyens touchés». Des membres du gouvernement, concernés par les différents secteurs de développement, seront amenés à se déplacer sur le terrain à partir de la semaine prochaine pour déterminer les actions à entreprendre en priorité en matière de développement durable de la région», a déclaré M.Yousfi. Il est évident qu'il faut apaiser et aider à renouer les fils du dialogue et recréer les conditions du « vivre en commun ». Mais il est clair qu'il y a une urgence sécuritaire à prendre en charge. Ghardaïa, même si les autorités ne veulent pas le décréter, est en situation d'état d'urgence.