Dans la journée d'hier, le conflit opposant seize travailleurs grévistes de la faim depuis vingt-cinq jours à leur employeur à Oggaz a cessé d'être un duel. Désormais d'autres acteurs se trouvent sur la ligne de ce front. En premier lieu, les parents des grévistes de la faim, qui, par leur action d'hier, ont réussi à desserrer l'étau exercé sur le mouvement de leurs enfants et à faire sortir le conflit sur l'espace public d'une manière des plus inattendues. En effet, en coupant la route dès sept heures du matin, empêchant une centaine d'engins, gros porteurs, d'accéder et de sortir de l'usine Lafarge d'Oggaz, ils ont obligé les autorités locales à considérer autrement ce conflit. Ainsi donc, désormais, les parents des grévistes de la faim et les autorités locales, notamment la wilaya de Mascara, se trouvent partie prenante de ce bras de fer qui perdure depuis plus de quatre mois. Rappelons que les grévistes de la faim réclament leur intégration et des indemnisations. Premier résultat concret de cette évolution, le wali a finalement accepté le principe de recevoir les grévistes et de dialoguer avec eux. Mais on ne peut pas parler de négociation puisqu'il se confine dans sa position de représentant de l'administration publique. Dans son cabinet, il nous confie que sur les treize décisions de justice, dont il détient des copies des jugements, aucune ne plaide en faveur de la réintégration des travailleurs. Ce qui laisse supposer que ces grévistes de la faim ont perdu une première bataille sur le plan juridique en premier. Par ailleurs, il nous lira de larges extraits d'une correspondance adressée par la direction de Lafarge à l'union de wilaya de l'UGTA. Des perspectives d'arrangement sont clairement perceptibles, malheureusement pas pour tout le groupe des grévistes. Quand nous avons quitté le cabinet du wali, il devait s'entretenir avec les grévistes de la faim. Deux heures auparavant, la situation a failli dégénérer, quand un officier de la Gendarmerie a ordonné à ses troupes de se préparer à une intervention pour libérer la route menant de et vers l'usine Lafarge. Signalons que l'action des parents, entamée à sept heures du matin, a pris au dépourvu tout le monde. Au moins une dizaine de bus des travailleurs n'ont pas pu joindre le lieu de travail à temps. Il fallait faire un grand détour, par le chemin des carrières pour rejoindre l'enceinte de l'usine. Quant aux camionneurs, ils ont été obligés de stationner, formant un bouchon de plusieurs kilomètres. S'agissant de la santé des grévistes de la faim, elle se détériore jour après jour. La tension artérielle ne franchit pas la barre de cinq. Jusqu'au milieu de la matinée, l'affaire de blocage de la route menant de et vers l'usine était strictement affaire des parents, notamment des vieilles femmes et des enfants. Mais dès que les grévistes ont eu vent de l'intention des éléments de la Gendarmerie d'user de la force pour libérer le passage, les grévistes de la faim ont quitté leur campement pour rejoindre les leurs. En tout cas, la matinée d'hier a été un tournant dans ce conflit qui perdure et dont l'enjeu, désormais sont des vies humaines.