Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), estime que la révision de la Constitution, un projet lancé par le chef de l'Etat, est «importante». Le président Bouteflika a annoncé mercredi dernier en Conseil des ministres, le premier qu'il préside depuis sa réélection pour un 4e mandat, le lancement de l'opération, qui sera dirigée par Ahmed Ouyahia, son directeur de cabinet. «La révision de la Constitution n'est pas importante, elle est extrêmement importante», a précisé Farouk Ksentini dans une intervention à la radio nationale. Pour lui, ce projet «est capital. Il faut faire des efforts pour que l'Algérie devienne un véritable Etat de droit». L'article 1 de la Constitution doit être modifié, selon lui, et devenir «République algérienne, démocratique et populaire et Etat de droit». Mieux, «il faut que l'Algérie se proclame Etat de droit», explique-t-il, avant de relever qu'il faut aujourd'hui «séparer entre les pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire). Pour autant, il relève également que dans ce schéma de révision de la Constitution, il ne faut pas perdre de vue que l'Armée soit «la gardienne de la Constitution». «Dans l'article 70 (de la Constitution), le président est garant de la Constitution; il faut qu'il soit ajouté qu'il est le chef de l'armée et doit être le gardien de la Constitution. Il faut que cette double disposition soit introduite», affirme encore Maître Ksentini, pour qui «il n'y a pas d'incompatibilité entre Etat musulman et Etat laïc, avec cette disposition de gardiennage de la Constitution». En outre, «il serait souhaitable que cette révision passe par un référendum, qui est relativement facile à organiser», estime-t-il, car ainsi, «on sera sûr de sa légitimité et sa représentation». D'autre part, le débat sur ce projet de révision de la Constitution doit être «inclusif, sans discrimination, toutes les couches sociales du pays doivent être entendues». Le président de la CNCPPDH affirme même que «l'Algérie doit être une démocratie, c'est son devoir, elle doit le devenir et elle en a les moyens». L'Algérie, martèle encore Ksentini, «ne doit pas rester un Etat rétrograde. Il faut aller de l'avant, il y a un devoir de mémoire aux chouhada, car les gens sont morts pour que l'Algérie soit tirée vers le haut», relève encore M. Ksentini pour qui s'il y aura une limitation des mandats, il faut qu'il y ait un changement dans la durée de ces mandats, pour devenir un septennat, au lieu du quinquennat actuel. «S'il faut réformer le tout en profondeur, il faut que tout soit revu en profondeur et en finir avec ce texte qui va régir le pays une bonne fois pour toutes». JUSTICE, LE TALON D'ACHILLE D'autre part, Farouk Ksentini est revenu, encore une fois, sur le fonctionnement du système judiciaire national et en a fait un terrible constat : «Tout le monde est mécontent de la justice, il faut revoir les choses de fond en comble. Les réformettes n'ont rien apporté. Le rapport Issad n'a pas été appliqué, il y a des gens au ministère de la Justice qui font que rien ne change». Mieux, il préconise la révision du code de procédure civile, «qui limite le verdict des juges. Il faut se débarrasser de toute urgence de ce texte qui n'obéit à aucune logique. La détention préventive est exceptionnelle, elle est devenue systématique». Sur le rapport annuel sur les droits de l'homme en Algérie qu'il a remis il y a un mois au chef de l'Etat, il a souligné qu'il porte notamment sur les chapitres relatifs à l'emploi, le chômage, l'habitat, l'éducation et un système de santé «de qualité». L'alternance dans la gestion des affaires de l'Etat, c'est-à-dire le passage du témoin de la génération de l'indépendance à l'actuelle génération est une nécessité, selon Farouk Ksentini. «Il faut que les choses changent et que les générations se succèdent», martèle-t-il. Enfin, il a relevé, concernant les 15.000 à 17.000 déportés dans le Sud, que «ces gens-là, qui ne sont coupables de rien, ont subi un préjudice moral et matériel, corporel et de santé». «Il faut les indemniser même symboliquement», souligne-t-il encore, avant d'expliquer qu'il faut «tendre les bras à cette catégorie de citoyens. Il faut clore le dossier des victimes de la tragédie nationale définitivement, car la réconciliation nationale ne doit laisser personne sur le bord de la route».