Un taux de participation moyen (43, 11 %), l'arrivée des partis extrémistes et eurosceptiques au Parlement et déjà une guéguerre pour le poste de président de la Commission européenne. L'Europe s'enfonce dans des incertitudes sur son avenir commun. Après une soirée électorale marquée par le «choc» des résultats annonçant l'arrivée en force des eurosceptiques, nationalistes - souverainistes et extrémistes de droite, l'Europe s'est réveillée, lundi matin, avec plus d'incertitudes que jamais pour son avenir commun. Selon les résultats définitifs, ils seront entre 130 et 140 députés européens (sur les 751) non convaincus du «projet de construction» européenne, à s'installer à Strasbourg et Bruxelles au sein du Parlement européen (PE). Leur but : perturber le consensus sur les questions communes à l'Europe, ralentir la prise de décision, créer des situations conflictuelles entre les Institutions européennes et empêcher, là où ils le peuvent, toute avancée démocratique digne de ce siècle. Ils useront du jeu complexe des nombreuses «Commissions parlementaires» en multipliant les dépôts d'amendements, de saisines des instances d'arbitrages, du droit d'initiative etc. Beaucoup font remarquer que l'équilibre politique au sein du PE a été conservé, puisque les partis traditionnels dominants gardent la majorité et le contrôle du PE. S'il est vrai que la droite et le centre (dit groupe des PPE) et les socialistes (dit groupe PSE) conservent une large majorité avec respectivement 211 sièges (contre 288 dans la précédente législature) et 193 siège pour le PSE (contre 217 précédemment), il n'en demeure pas moins que les nouveaux députés eurosceptiques et anti-Europe auront, pour la première fois un groupe politique et feront tout pour troubler l'équilibre traditionnel au sein du PE. «Le ver est dans le fruit». Et le plus gros vient de France puisque le Front national (FN) est devenu le 1er parti du pays avec plus de 25 % de suffrages. En Grande-Bretagne, son jumeau, l'UKIP, qui prône la sortie du pays de l'UE est également en tête (plus de 30 %) et c'est pareil au Danemark où l'extrême droite passe en tête. Jusqu'en Autriche et surtout en Grèce où, malgré la percée de l'extrême gauche, le parti néo-nazi «Aube dorée» a pu engranger plus de 10 % des voix et aura des députés européens. Des extrémistes et des nazis vont siéger au sein de «l'auguste institution» qu'est le Parlement européen. C'est cela la réalité de l'Europe et c'est un indicateur sur non seulement l'évolution future des politiques européennes pour l'Europe, mais aussi du tournant que risque de prendre l'Europe dans sa relation au reste du monde. Dimanche soir, à Bruxelles, les milliers de journalistes qui suivaient l'annonce des résultats ont été surpris par l'attitude des prétendants à la présidence de la Commission européenne, dont deux d'entre eux, le luxembourgeois Jean-Claude Junker et le belge Guy Verhofstadt, revendiquaient, chacun, la légitimité d'être le prochain président de la Commission européenne. Junker au nom de la 1ère place gagnée par son camp (PPE) et Verhofstadt comptant sur les alliés de son groupe, les libéraux démocrates (ALDE) arrivés en 3ème position. C'est le genre de «dispute» qu'adorent les eurosceptiques et anti-Europe. D'aucuns s'interrogent si, sérieusement, les élites politiques et élus ont pris toute la portée du message des citoyens exprimé dimanche. Toutes les études, chiffres et sondages indiquent clairement que ce sont la crise financière et économique apparue dès 2007-2008 en Europe et les politiques d'austérités qui ont suivi, qui sont à l'origine de ce «désamour» avec l'Europe. Chômage (12% en moyenne), dégradation des services publics, désindustrialisation et délocalisation des emplois, inflation, loi des marchés financiers etc., autant de dégâts dus au diktat de l'ultralibéralisme avec des conséquences sociales terribles pour les plus modestes et les plus faibles, sans que les dirigeants européens changent de stratégie. Et c'est sur ses conséquences sociales désastreuses que les partis extrémistes et nationalistes construisent, hypocritement et avec le mensonge, leur échelle d'accès au pouvoir : immigration, insécurité, identité deviennent la cause de l'échec du modèle européen. Face aux inquiétudes et questionnements légitimes des peuples, les dirigeants européens et élus continuent de croire que la colère exprimée dimanche n'est qu'un épiphénomène, dû à la crise, sans grande conséquence sur le futur du continent. C'est le sentiment que beaucoup d'entre eux ont laissé entendre, hier à Bruxelles. C'est inquiétant, l'Europe ne sait plus s'écouter et ne sait plus quel chemin prendre, ni ce que sera sa destinée commune.