De profonds remous secouent encore la corporation des architectes. Dans sa volonté d'aller vers un assainissement ou «toilettage» de la liste des architectes inscrits sur le tableau de la profession et autorisés à exercer, le Conseil national de l'ordre des architectes algériens (CNOAA) ouvre un dossier épineux qui suscite dans son sillage mécontentement et dépit dans les rangs des professionnels, particulièrement les enseignants-architectes. Ces derniers montent au créneau pour dénoncer «l'illégalité» de leur radiation du tableau national des architectes, suite à une résolution adoptée par la majorité des membres du CNOAA, décidant de «ne pas porter sur le tableau national de l'ordre des architectes algériens les fonctionnaires et salariés au sein des établissements privés et publics, notamment les enseignants permanents tels que défini par l'article 22 du décret législatif n° 94 07 du 12 mai 1994 relatifs aux conditions de la production architecturale et à l'exercice de la profession d'architecte». D'autres décisions de radiation adoptées par cette résolution portant le n° 007 ciblent aussi les architectes exerçant sous forme sociétale de réalisation et autres sociétés exerçant sous forme de société d'études et de réalisation (ETP SNC SARL EURL ). «Nous ne comprenons pas notre soudaine interdiction d'exercer, alors que nous sommes agréés depuis des années, à jour dans nos cotisations, engagés auprès d'institutions publiques et privées dans la réalisation de programmes nationaux et attributaires de contrats d'étude et de suivi en cours d'exécution», soulignent les termes d'une correspondance adressée, hier, par les enseignants-architectes à notre rédaction. Ajoutant dans le sillage de leur plainte que la radiation des enseignants-architectes du tableau national des architectes «n'a aucune portée économique et ne peut prétendre à la protection de la profession. Sans préavis, cette radiation empêche abusivement les concernés d'honorer leurs engagements, et porte préjudice à leurs relations vis-à-vis des maîtres d'ouvrage et des partenaires économiques, au moment où le concours de l'ensemble des acteurs est sollicité pour la concrétisation de l'ambitieux programme quinquennal». Pour les enseignants-architectes, la radiation en question ne s'inspire donc ni de l'éthique professionnelle, ni de la réglementation, rappelant dans ce sens l'ordonnance n° 06 03 portant statut de la fonction publique (article 44), dont les termes stipulent clairement, estime-t-on, que «les fonctionnaires appartenant aux corps des enseignants de l'enseignement supérieur, des chercheurs ainsi qu'au corps des praticiens médicaux spécialistes peuvent exercer une activité lucrative, à titre privé, en rapport avec leur spécialité». S'adressant directement au ministre de tutelle, les enseignants-architectes retiennent aussi les dispositions des articles 45, 47 et 48 du décret législatif 94 07, lesquels articles ne permettent cette radiation que par les soins exclusifs du ministre de l'Habitat, requérant ainsi son intervention pour éviter cette saignée. Pour sa part, le conseiller juridique du CNOAA, M. W. Méziane, architecte et juriste, joint hier par nos soins, ne voit pas les choses sous le même angle. «Les enseignants-architectes réclament un droit qui n'est pas encadré par une réglementation», estime ce dernier. La loi dont se revendiquent les enseignants-architectes est conditionnée par la promulgation de textes d'application qui, hélas, n'existent pas encore, objectera notre interlocuteur. Plus loin encore, M. Méziane relèvera que le CNOAA ne prend pas en considération, lors d'un recours à une radiation du tableau des architectes, uniquement l'aspect réglementaire, il y a aussi l'aspect professionnel. Et dans ce dernier cas, le CNOAA peut ou doit évaluer si l'architecte est apte à concilier sa mission d'architecte avec une activité salariée avant de délivrer tout agrément. «L'architecte qui exerce une autre activité salariée qui lui prend une bonne partie de son agenda ne peut garantir l'exécution des tâches qui lui sont confiées dans le cadre d'étude et réalisation de projets», soutiendra M. Méziane, non sans rappeler qu'il y a lieu de lever l'amalgame suscitée par cette résolution, car les concernés ne seront pas radiés du tableau national des architectes. «Il est utile de préciser que les concernés ne seront pas portés sur la liste des architectes autorisés à exercer leur fonction pour l'exercice de la profession pour l'année 2014», souligne notre interlocuteur. Rappelant dans ce contexte que «l'inscription au tableau des architectes est une condition nécessaire et non suffisante pour prétendre à une autorisation d'exercice, qui exige la satisfaction d'autres critères professionnels».