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Malgré une ferme législation en matière de santé animale : Cette fièvre qui s'empare du pays
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 16 - 08 - 2014

La fièvre aphteuse vient de faire plus d'un millier de victimes en Algérie. Chez les bovins, bien évidemment ! Ces derniers fournissent au citoyen algérien plus de la moitié de ses besoins en viandes et en lait, puisque l'importation lui apporte l'autre moitié des deux aliments vitaux.
Quels sont donc les risques de cette maladie pour l'algérien et son animal " nourricier " ? Comment se transmet-elle ? Et que prévoit la législation algérienne dans ce sens ? La fièvre aphteuse, maladie dévastatrice du bétail et qui est en même temps tant redoutée par l'homme, est une épizootie qui touche principalement les espèces animales à onglons, tels que les bovidés (bovins, bisons, buffles), les ovins, les caprins, les porcins ainsi que d'autres ruminants comme le cerf et le mouflon. Elle peut toucher aussi, dans une moindre mesure, les camélidés (chameaux, dromadaires, lamas), tandis que des cas de cette maladie éruptive ont été diagnostiqués chez des éléphants, chez des Tapirs en Malaisie et même chez des Ours en Géorgie. En revanche, les équins (cheval, âne, mulet), les carnivores et les oiseaux sont insensibles au virus aphteux (picornavirus). Concernant la maladie, il faut noter que sa période d'incubation varie entre 2 jours et 2 semaines. L'animal est porteur du virus mais ne présente pas de symptômes.
Les symptômes commencent par une forte fièvre. Ce n'est qu'à partir de la deuxième phase (10 à 14ème jour) que les aphtes commencent à apparaitre sur les muqueuses buccales, nasales, entre les onglons et sur les mamelles chez les femelles.
A partir du 15eme jour, l'animal boite et mastique difficilement. Il montre un état avancé d'abattement, une hypersalivation, avec une chute de la production laitière, bien sur chez les femelles !
Résistant et très viral, le virus de la fièvre aphteuse peut être véhiculé et propagé par le vent sur des dizaines de kilomètres, passant ainsi d'une région à une autre si les mesures sanitaires (chaulage, désinfection…) ne sont pas suivies par les éleveurs et les propriétaires d'animaux. En fait, le ''picornavirus'' existe sous 7 stéréotypes différents dont, le plus commun, celui qui vient de toucher le cheptel Algérien, le " O " en l'occurrence. Cela sous entend, l'acquisition d'un vaccin adapté à la souche du virus sévissant lors de l'épizootie de fièvre aphteuse en question, pour entamer par la suite la campagne de vaccination.
Par ailleurs, il est important de signaler qu'en plus des conditions climatiques, les animaux insensibles au virus (cheval, chat, chien, chacal…) sont susceptibles de véhiculer le virus. Mais c'est surtout l'être humain qui reste, avec ses moyens de locomotion et de transport ainsi que le matériel agricole et les bottes de foins qu'il stocke pour alimenter ses animaux, le principal " vecteur " du virus. Concernant l'homme, il faut savoir qu'il est très peu sensible au virus, contrairement aux espèces animales citées, même si des cas d'atteinte, indépendamment de la consommation de viandes et bénins en majorité ont été rapportés par des médecins. Cela remonte à la fin des années soixante où des cas de contamination humaine ont été signalés en Europe, plus précisément au Sud de l'Angleterre. En effet, d'après les spécialistes, les personnes qui sont susceptibles d'être atteintes se contamineraient, lorsqu'elles demeurent en contact permanent avec un animal infecté. En plus il faudrait que deux conditions soient réunies pour qu'il y ait atteinte : d'une part que la personne soit atteinte d'une lésion ouverte ou suintante de la peau ou de la muqueuse et d'autre part que la quantité du virus transmis de l'animal vers l'homme soit massive. Cela impose donc une extrême vigilance et plus de précaution de la part de la catégorie de personnes en contact avec les bêtes atteintes par le virus (éleveurs, zootechniciens). Pour le personnel soignant (vétérinaires, techniciens de la santé animale…), qui restent les plus exposés à la maladie, le port d'une tenue spéciale à usage unique avec des couvre-bottes et des gants, est une obligation. Toutes les inspections vétérinaires doivent être dotées de ses kits afin de les fournir à leurs personnels en cas d'urgence, nous indique un vétérinaire de la DSA de Médéa. D'autre part, il y a lieu de noter que la consommation accidentelle de viande infectée par le virus, ne présente aucun risque pour l'homme. Par conséquence, comme l'a souligné le Directeur des services vétérinaires, la fièvre aphteuse ne pose pas de problème de santé publique.
Elle est donc sans danger pour l'homme ! Pour le lait, notons que la contamination humaine ne peut avoir lieu qu'à la suite de sa consommation accrue et à l'état cru et qui, de surcroit, contiendrait une grande quantité de virus. Ce qui est absurde, en dehors des cas de fraude ou d'une consommation accidentelle, lorsqu'on sait que les signes pathognomoniques d'une bête atteinte de fièvre aphteuse sont bien apparents. Sur ce plan, la brucellose (autre dangereuse zoonose) demeure la plus redoutable lors de la consommation de lait cru. D'où la nécessité de pasteuriser le lait collecté ou, à défaut de kit de diagnostic in situ du lait, de le bouillir après la traite et avant consommation ou transformation.
AMENDES ET POURSUITES PENALES CONTRE LES CONTREVENANTS
Sur un autre plan, il faut noter que la " fièvre aphteuse ", est l'une des maladies animales les plus contagieuses. Elle est très redoutée du fait qu'elle peut entraîner des pertes économiques importantes aussi bien pour le pays que pour l'éleveur sinistré, comme c'est le cas actuellement en Algérie. Ses pertes, qui peuvent se chiffrer à coup de millions de dollars, sont dues principalement à l'abattage d'une grande partie du cheptel (producteur de lait et de viandes, de laine et de cuir) et indirectement à l'impact de la maladie sur les filières annexes (agro-industrie et agro-alimentaire) mais aussi sur d'autres filières, telles que le commerce (chute ou hausse des prix des viandes et du lait), le tourisme (restauration), les loisirs (parcs zoologiques), pour ne citer que ces derniers.
Pour cela, la fièvre aphteuse est classée sur la liste A par l'Office international des épizooties (OIE). En Algérie, dont la législation en matière de santé animale est l'une des plus rigoureuses dans le monde, la fièvre aphteuse est inscrite à la nomenclature des maladies réputées légalement contagieuses (MRLC) soumises à déclaration obligatoire (MDO) et donc à l'application des mesures de police sanitaire. La loi n° 88-08 du 26 janvier 1988 relative à la santé animale et aux activités de médecine vétérinaire, définit bien les mesures coercitives qui doivent être prises une fois la maladie est déclarée. Selon cette loi, c'est l'AVN (autorité vétérinaire nationale), chargée de promotionner la protection des animaux, qui doit veiller en même temps sur la prévention et la lutte contre les maladies animales. L'AVN, dépositaire du mandat sanitaire et zoosanitaire, comprend, selon la même loi, tous les services vétérinaires officiels chargés de l'application et de la mise en œuvre des dispositions législatives et réglementaires en matière de préservation et d'amélioration de la santé animale et en général de la santé publique. Elle exerce de ce fait des pouvoirs d'inspection pour déterminer les mesures indispensables à la mise en œuvre de la loi et des textes et son 1er responsable étant le Directeur des services vétérinaires (DSV) du ministère de l'agriculture.
D'autre part, afin de donner plus de prérogatives aux vétérinaires dans la protection de la santé publique notamment lors des épizooties, la loi algérienne de la santé animale stipule que dans l'exercice des pouvoirs et des attributions qui leur sont légalement conférés, les agents de l'AVN (médecins et auxiliaires vétérinaires) bénéficient du soutien des autorités locales et des services compétents, notamment les services de sécurité et de douanes. Pour cela, lorsqu'un éleveur, un boucher ou un transporteur d'animaux malades ne se plie pas aux recommandations des agents de l'AVN, comme c'est ca été le cas, la semaine dernière, à Mila (un des grands bassin laitier du pays) où des bouchers ont acheté des bovins en dehors de leur Wilaya et plus grave encore marchandés avec les maquignons des Wilayas touchées par la maladie, le vétérinaire dûment mandaté peut faire appel à la force publique. Des amendes et des poursuites pénales contre les contrevenants sont prévues par cette loi, comme vient de le déclarer le ministre de l'agriculture et du développement rural à partir de Blida.
Concernant les agents choisis par l'AVN, commissionnés et assermentés auprès des tribunaux territorialement compétents, ont qualité, dans les limites de la wilaya où ils exercent leur activité, pour rechercher et constater les infractions aux dispositions de la loi sur la santé animale ainsi que tous les textes réglementaires pris pour son application. Toutefois, pour les autres vétérinaires (DSA, communes), lorsqu'une épizootie est déclarée, ils ont libre accès, de jour et de nuit, dans tous les lieux où sont hébergés des animaux domestiques ou sauvages, en vue de procéder à tous les examens nécessaires et à l'exécution des mesures de prévention et de lutter contre les maladies des animaux prises par le ministère de l'agriculture. Et si la visite a lieu après le coucher du soleil, ils doivent être accompagnés, à cet effet, par un officier de la police judiciaire ou de la Gendarmerie Nationale.
Parallèlement, les personnes physiques ou morales, en qualité de propriétaires ou à autre titre, ont le devoir de maintenir en bon état sanitaire les animaux dont ils ont la charge, édicte la charte nationale de la santé animale. Concernant les épizooties dont la fièvre aphteuse, les éleveurs sont tenues de mettre en œuvre les mesures et les injonctions édictées par l'AVN et en cas d'inexécution, des poursuites pénales (prévues aux articles 415 et 416 du code pénal) seront engagées contre eux, édicte cette loi cadre. Il en est de même pour les bouchers, lors de l'exposition, de la vente ou de la mise en vente des animaux atteints ou soupçonnés d'être atteints de maladie contagieuse.
LES MALADIES A DECLARATION OBLIGATOIRE
La prévention et la lutte contre les maladies animales contagieuses sont d'utilité publique. Parmi ces maladies, il y a celles dites à déclaration obligatoire (voir Tab 1). Bien que l'OIE ait dressé un tableau regroupant une quinzaine de maladies, la liste des MDO varie d'un pays à un autre. Cependant, dix dangereuses maladies animales sont reconnues par la plupart des pays.
Pour l'Algérie qui tient compte de presque toutes les épizooties citées par l'organisation mondiale de la santé animale, les maladies animales à déclaration obligatoire sont, au sens de la législation algérienne en matière de santé animale, les maladies transmissibles qui ont un grand pouvoir de propagation et une gravité particulière et qui doivent, par ailleurs, être assujetties à des mesures intensives de prévention et de lutte. Par ailleurs, il faut souligner que la loi vétérinaire a promulgué les règles à respecter par les propriétaires d'animaux, lorsqu'une maladie (épizootie ou zoonose) est déclarée.
Ainsi, toute personne qui possède ou garde un animal, le cadavre ou la carcasse de celui-ci reconnu ou soupçonné comme étant atteint d'une maladie à déclaration obligatoire, est tenue d'aviser les services de l'AVN, le médecin vétérinaire le plus proche ou, à défaut, toute autre autorité administrative locale (APC, Daïra, Wilaya…)
Quant aux autres maladies, les MRLC (maladies réputées légalement contagieuses), elles sont prises en charge professionnellement par le vétérinaire (voir Tab 2).
Dans ces deux cas (MDO et MRLC), des mesures particulières doivent être entrepris par les éleveurs et propriétaires d'animaux (hygiène, désinfection du matériel, isolement des animaux, interdiction de tout déplacement des animaux mais aussi des bottes de foins et autres aliments d'une ferme à une autre).
Notons aussi que le médecin vétérinaire a aussi des devoirs. Ainsi, dés qu'il est avisé de l'apparition d'un cas réel ou même soupçonné de maladie à déclaration obligatoire, le vétérinaire est tenu de se rendre sur les lieux, sans délai, et de constater ou de procéder à la vérification des faits et par conséquence de prendre les mesures conservatoires ou d'urgence ou le cas échéant de porter directement à la connaissance des autorités locales (Les services de l'AVN ou de la DSA, le bureau d'hygiène communal…), les résultats de ses constatations. Enfin, d'après certains vétérinaires, la législation vétérinaire en matière de santé animale, qui date de 1988, comporte quelques failles. Ils dénoncent par exemple le fait que des importateurs privés de viandes et d'animaux vivants, les vaches laitières notamment, négocient dans des pays tiers sans la présence d'un vétérinaire dument mandaté par la Direction des services vétérinaires.
C'est vrai que les opérateurs privés font généralement appel à un vétérinaire algérien lors de leurs transactions à l'étranger, mais cela échappe à l'autorité vétérinaire car l'inspection n'est pas faite dans un cadre réglementaire qui obéit avant tout à la loi. C'est à la DSV de désigner le vétérinaire, nous explique un vétérinaire de l'inspection d'Alger car, explique-t-il, il y va de la santé des algériens avant tout !
Tab 1
Les principales Maladies à déclaration obligatoire (MDO) en Algérie
la Rage
la Tuberculose,
la Brucellose,
l'Encéphalopathie spongiforme subaigüe (vache folle)
la fièvre aphteuse
la fièvre charbonneuse (charbon bactéridien)
la fièvre catarrhale (Blue-Tongue du mouton)
la Morve des équidés (cheval, âne, mulet)
la peste équine
la peste bovine et la peste des petits ruminants
la peste ou grippe aviaire
le Botulisme
la Salmonellose
Tab 2
Quelques maladies réputées légalement contagieuses (MRLC)
la clavelée ou variole ovine
la variole du singe
la Tularémie du lapin
la métrite équine
l'artérite bovine
la Varroas (qui décime les abeilles)
la maladie de Newcastle (dévastatrice pour la volaille)
Loi n° 88- 08 relative à la santé animale et aux activités de médecine vétérinaire
Les articles portant sur les mesures de contrôle de la sante animale
ART 61 : Les présidents des assemblées populaires communales (A.P.C.) doivent aviser, d'urgence, le wali et l'autorité vétérinaire nationale (AVN), de tous les cas d'épizootie qui leur sont signalés sur le territoire de leur commune. Ils peuvent prendre les mesures provisoires qu'ils jugent utiles pour arrêter la propagation de la maladie.
ART 64 : Les maladies animales, à déclaration obligatoire sont, au sens de la présente loi (relative aux activités de médecine Vétérinaire et à la protection de la santé animale : ndlr), les maladies transmissibles qui ont un grand pouvoir de propagation et une gravité particulière, et qui doivent être assujetties à des mesures intensives de prévention et de lutte.
ART 65 : Il est établi, par voie réglementaire la liste des maladies à déclaration obligatoire ainsi que les mesures de prévention et de lutte spécifiques à chacune d'elles.
ART 69 : L'autorité vétérinaire nationale (AVN), informée de l'apparition ou de la suspicion d'une maladie à déclaration obligatoire, est tenue de prendre, en concertation avec les collectivités locales concernées, les mesures suivantes:
" vérification des faits sur les lieux et adoption des mesures de précaution qui s'imposent, " déclaration du périmètre infecté ou du périmètre soupçonné d'être infecté pour les maladies fortement contagieuses et à propagation rapide. Il sera prévu trois (3) zones concentriques, à savoir " le périmètre infecté ", " la zone où les déplacements sont interdits " et " la zone d'observation intensive ".
" l'annonce au public, par voie d'affiche et par tous autres moyens appropriés, des lieux infectée, de leurs limites, exactes et des règles à observer.
ART 72 : L'Etat prend les dispositions financières et réglementaires requises pour faire face aux dépenses occasionnées par la lutte et l'éradication des foyers de maladies à déclaration obligatoire et pour doter les services de l'autorité vétérinaire nationale, de moyens dispensables à l'action sanitaire spécifiés par les règlements.


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