L'appel de la Conférence de Paris pour un engagement international contre le terrorisme rappelle à bien des égards celui de Washington au lendemain des attentats du 11 septembre 2011. Risque-t-il de produire le même effet ? Une aggravation du phénomène terroriste. La capitale française, Paris, est depuis hier le centre de commandement des opérations militaires contre les hordes du prétendu Etat islamique (EI) ou Daech. Comme le fut Washington en 2001 au lendemain des attentats commis par Al-Qaïda aux USA. La coalition internationale qui a regroupé 29 délégations dont 20 pays représentés par leurs ministres des Affaires étrangères a affirmé sa volonté d'en finir avec l'hydre terroriste tout en reconnaissant que ce sera long et coûteux : « Peut-être trois années», a déclaré le ministre des AE français, Laurent Fabius, lors d'un point de presse à la mi-journée. Le temps presse et pour montrer sa détermination, La France a entamé, le jour même de l'ouverture de la Conférence, ses premiers vols de reconnaissance dans la zone sous contrôle des djihadistes de Daech. Ce qui augure de violents combats au Nord irakien et en Syrie où sont positionnés les groupes de l'Etat islamique. Deux remarques ou inconnues: d'abord comment éviter les dommages « collatéraux » de l'offensive militaire qui se prépare ? Plus de deux millions de civils, femmes et enfants en particulier, sont otages ou encerclés par les bandes armées de Daech. Par ailleurs, dans beaucoup de villages les terroristes sont mêlés à la population civile. Comment les bombardements aériens éviteront-ils de tuer des civils ? Ensuite, pourquoi cette coalition voulue par les USA et animée par la France fait-elle l'impasse sur la caution (vote) des Nations unies ? D'autant plus que le risque de veto de l'un des cinq membres du Conseil de sécurité de l'Onu est exclu. « Les représentants des cinq membres du Conseil de sécurité sont présents pour soutenir le plan de cette Conférence », a déclaré en substance Laurent Fabius. Si l'opportunité de cette Conférence est incontestable autant que la légitimité de la guerre contre Daech, il ne reste pas moins comme un goût d'inachevé : l'absence de l'Iran par exemple. L'Iran a été le premier pays à déclarer son soutien à l'Irak et sa disponibilité à fournir des armes, voire intervenir sur le terrain des combats contre les groupes terroristes. L'Iran est un poids influent dans la région pour qu'il soit ignoré dans les circonstances actuelles. Certains observateurs y voient une manœuvre de l'Arabie saoudite qui veut réduire le poids du chiisme en Irak et en Syrie. Si telle est la raison, l'issue de cette guerre est plus qu'incertaine parce que le chaos que vit la région a, aussi, pour origine l'exclusion des sunnites d'Irak de la vie politique par le précédent gouvernement irakien d'obédience chiite. On ne répare pas une erreur tactique par une autre erreur. Enfin, Paris et Washington pensent-ils vraiment que la décapitation de Daech mettra fin au terrorisme fait par des fous au nom de l'Islam et ramènera la paix au Moyen-Orient et partout ailleurs où ce genre de violences sévit? «La lutte -la guerre- contre le terrorisme doit être globale», a insisté le président français, François Hollande, à l'ouverture des travaux de la Conférence. Comme l'a déclaré l'américain George W. Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Le résultat aujourd'hui ? Une multiplication des foyers terroristes à travers le monde, en particulier dans les pays pauvres où règnent l'injustice et l'oppression. Encore une fois, la lutte contre le terrorisme ne peut se régler par la seule force des armes, même si leur emploi est inévitable. Une guerre «globale» au terrorisme passe absolument par une guerre contre la pauvreté, contre l'analphabétisme, contre l'immense décalage entre les pays riches et les pays pauvre, contre la complaisance des Occidentaux avec des régimes politiques archaïques et dictatoriaux au nom «d'intérêts d'Etat» et de multinationales sans foi ni loi. Il est sidérant et inquiétant à la fois de constater que les Occidentaux se mobilisent contre le terrorisme là où leurs seuls intérêts sont menacés: le Moyen-Orient, réserve d'énergies et de compagnies pétrolières occidentales; nord du Mali et du Niger, site d'exploitation de l'uranium pour la française Areva; Centrafrique et ses premières réserves mondiales de diamants; Libye, immense puit de pétrole.. etc. Pourquoi pas une Conférence sur la Somalie par exemple ? Paris et Washington appellent aujourd'hui à une mobilisation «globale» contre le Daech en Irak. C'est juste, et l'appel ne peut qu'être entendu avec l'espoir de dépasser la seule voie des armes et de «s'attaquer» aux sources premières qui enfantent ces monstres du nouveau siècle que sont les terroristes.