La rumeur court ces derniers jours dans la capitale, après le décès au niveau de l'hôpital Mustapha Pacha à Alger de 6 personnes, dont des jeunes qui ne dépassent pas la trentaine, ainsi que six autres au niveau de l'hôpital de Aïn Taya des suites de «complications respiratoires». Grippe saisonnière, virus AH1N1 ou Ebola ? Les rumeurs les plus folles circulent, y compris à l'intérieur des hôpitaux. Avant-hier, à titre d'exemple, une source sanitaire nous a affirmé qu'une vingtaine de cas d'Ebola sont recensés en Algérie dont 16 à Alger. Certains malades ont perdu la vie il y a quelques jours alors que d'autres sont pris en charge notamment au niveau de l'hôpital Mustapha Pacha, affirme la même source qui soutient que les autorités sanitaires n'ont pas voulu révéler les cas d'Ebola dans notre pays pour ne pas provoquer de panique au sein de la population. Devant notre insistance à confirmer cette grave information, notre source nous a conduits chez un médecin réanimateur dans un hôpital à Alger. Le réanimateur est catégorique. Il affirme qu'il a personnellement eu affaire à un cas d'Ebola dans une salle de déchoquage. Le malade n'est pas d'origine africaine mais bien un Algérien, soutient le réanimateur qui est muni d'un masque et d'une tenue spéciale de couleur verte. Il n'était pas d'ailleurs le seul à se prémunir. Tout le personnel de l'hôpital lors de notre visite, y compris les agents de sécurité sont munis de masques. Même les éléments de la Protection civile et certains policiers de garde portent également des masques. Cela dénote au moins une chose : il ne s'agit pas là de la prévention contre une simple grippe saisonnière mais bien d'un virus beaucoup plus dangereux. Interrogé, un médecin urgentiste dans le même hôpital à Alger soutient qu'on ne peut pas pour l'heure parler d'épidémie tant que l'institut épidémiologique ne le proclame pas officiellement. Mais de quelle épidémie s'agit-il ? On n'en saura pas plus. En réalité c'est le branle-bas de combat dans la capitale. Le personnel au niveau de tous les hôpitaux, cliniques, polycliniques et centres de santé ont reçu des instructions pour se prémunir et en respectant des consignes strictes afin de ne pas être éventuellement infectés par ce virus ( ?) que personne n'est en mesure pour l'heure d'identifier clairement par son nom. Slim Belkacem, le responsable de la communication au sein du ministère de la Santé est lui aussi catégorique. «Il n'existe aucun cas d'Ebola, ni même un semblant de cas suspect en Algérie» nous affirme-t-il. Qualifiant de «fantaisistes» toutes ces rumeurs sur des cas d'Ebola dans notre pays alors que la maladie est en train de reculer en Afrique de l'Ouest, le responsable de communication nous invitera à nous rendre au niveau de tous les hôpitaux de notre choix. Une autorisation d'accès à l'intérieur des centres de références des maladies infectieuses des CHU Mustapha Pacha, Beni-Messous ainsi que l'hôpital El Kettar, nous a été délivrée par le ministère de la Santé en un temps record. Nous avons donc choisi de nous rendre dans la nuit de jeudi à vendredi au niveau du CHU Mustapha Pacha pour le nombre important de patients qui y transitent. Au niveau des urgences, la tension était palpable. Tout le monde portait un masque, y compris ceux qui accompagnent les malades. Il y a une sorte «d'hystérie collective» chez nombre de citoyens et cela sautait clairement aux yeux. Le service des urgences est dépassé, frôlant même l'anarchie de l'avis de certains infirmiers qui pressaient le pas. Après une attente d'une demi-heure environ, le chef de service de l'unité d'hospitalisation de courte durée, Salmi Amine, vient à notre rencontre. Le médecin urgentiste a été très coopératif avec nous. C'est lui en fait qui reçoit les malades dont les cas sont jugés sérieux par ses confrères au sein de l'hôpital ou ailleurs. Le Dr Salmi Amine est lui aussi pareillement catégorique. Il affirme qu'aucun cas d'Ebola n'a été détecté chez les malades qui sont hospitalisés au niveau des urgences de l'hôpital Mustapha Pacha. «Nous avons affaire à une grippe saisonnière dans sa forme la plus virulente» atteste-t-il en expliquant sur notre insistance qu'il pourrait s'agir du virus AH1NI comme celui auquel était confronté l'Algérie en 2009. «C'est la forme la plus grave de la grippe» ajoute notre interlocuteur qui a enlevé entre-temps son masque, une manière de nous rassurer que la situation n'est pas aussi dangereuse que l'on prétend dehors. Pour conforter ces dires, le chef de l'unité d'hospitalisation de courte durée nous fera même visiter le pavillon où sont hospitalisés les malades souffrant de ce virus. Puis nous conduira dans son bureau pour exhiber les médicaments prescrits aux malades. «C'est de l'amoxicilline, un simple antibiotique dans sa forme injectable. S'il s'agissait de l'Ebola le traitement serait complètement différent et les malades seraient mis en quarantaine dans un pavillon situé au dernier étage et équipé d'un matériel spécifique» nous dira le médecin. Ce dernier, pour semble-t-il nous convaincre davantage, nous invitera à nous rendre au niveau de ce pavillon pour constater de visu que personne n'est mis en quarantaine. En effet, une fois sur les lieux, la salle immense, fermée certes à clé, était vide. «Vous voyez, il n' ya pas d'Ebola» nous dira-t-il en expliquant encore une fois qu'il ne s'agit que de rumeurs infondées qui circulent, y compris au sein du CHU Mustapha Pacha. «Croyez-moi, s'il y avait un cas d'Ebola je serai le premier à l'annoncer. Moi aussi j'ai des enfants et j'aurai peur pour eux. Que Dieu nous préserve de ce virus» conclut le médecin urgentiste. Nous nous quittâmes sur ces dernières paroles sur un goût d'inachevé puisque nous n'avons pas appris avec exactitude la nature de ce virus qui a tué plusieurs personnes à Alger si ce n'est que c'est une «grippe saisonnière» sous sa forme la plus dévastatrice qui peut terrasser en quelques jours, en particulier, les personnes dont le système immunitaire est faible. Dehors, il fait froid, des familles apeurées, qui attendent selon toute vraisemblance des nouvelles de leurs proches hospitalisés, scrutent le moindre fait et geste de toute personne qui sort du service des urgences. Comme à l'accoutumée, le manque de communication des autorités concernées et le peu d'informations distillées pour ce qui est des personnes décédées des suites de ce virus a amplifié la rumeur jusqu'à incruster le doute dans l'esprit des citoyens et même à faire douter le personnel médical de ce qui se passe à l'intérieur de l'hôpital.