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L'Occident, le «dindon de la farce monétaire» ? L'explication par analogie avec la biologie humaine
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 05 - 2015

La Banque centrale de Chine a annoncé, dimanche 19 avril 2015, une nouvelle baisse du taux de réserves obligatoires imposé à l'ensemble du secteur bancaire, la deuxième mesure de ce type, en deux mois, dans le but d'injecter des liquidités supplémentaires dans l'économie pour soutenir le crédit et la croissance.
1ère partie
La Banque populaire de Chine (PBoC) a réduit, aussi, le taux de réserves obligatoires de 100 points de base à 18,5%, qui prend, effet, dès lundi, a-t-elle précisé dans un communiqué. L'annonce de la PBoC intervient quatre jours après la publication des chiffres officiels du produit intérieur brut (PIB) du premier trimestre, qui ont montré un nouveau ralentissement de la croissance, à 7%, en rythme annuel, son plus bas niveau depuis six ans.
Il faut rappeler que le 4 février 2015, la Banque centrale avait abaissé le taux de réserves obligatoires de 50 points de base, sa première réduction pour l'ensemble du secteur, depuis mai 2012. Cette nouvelle baisse, la plus forte depuis 2008, au plus fort de la crise mondiale, reflète la volonté de la Banque centrale chinoise de prendre des mesures plus radicales pour prévenir un ralentissement brutal de l'économie chinoise. «L'ampleur de la baisse est plus importante qu'attendus», dit Chen Kang, analyste chez ‘Shenwan Hongyuan Securities'. «Elle va libérer au moins 1.000 milliards de yuans (150 milliards d'euros).»
Plombée par une crise de son marché immobilier, par des surcapacités de production et par un endettement excessif des collectivités locales, la Chine devrait voir sa croissance retomber à 7% sur l'ensemble de cette année, ce qui constituerait sa plus mauvaise performance, depuis 25 ans, contre 7,4% en 2014, malgré les mesures de soutien attendues.
La PBoC a, également, réduit, à deux reprises, ses taux d'intérêt depuis novembre, mais alors que les taux du marché monétaire ont baissé, la distribution de crédit aux entreprises ne semble pas avoir beaucoup augmenté pour autant.
La baisse du taux de réserves annoncée, dimanche, pour l'ensemble du secteur bancaire, est complétée par une réduction supplémentaire de 100 points de base pour les coopératives de crédit rurales et les banques agricoles, et de 200 points pour la ‘China Agricultural Development Bank', l'un des principaux acteurs du marché bancaire en Chine Il faut remarquer « que les mesures prises par la Chine, dans un certain sens à la hâte, s'inscrivent comme réponse à la politique économique et monétaire de la première puissance mondiale ». L'Occident a commencé à réagir, depuis l'été 2014 qui a vu les prix du pétrole décélérer avant même la fin des quantitatives ‘easing' lancées par la Réserve fédérale américaine (Fed). Une politique d'assouplissement monétaire, non conventionnelle, qui consiste à procéder à un programme de rachats d'actifs (dettes publiques et privées), à raison de 85 milliards de dollars par mois. En décembre 2013, la Fed a commencé à réduire le programme de rachats de dettes, à raison de 10 milliards de dollars par mois. En décélérant depuis cette date, le QE3 a pris fin, en octobre 2014. Aujourd'hui, la Fed est en train d'attendre le moment propice pour commencer à relever le taux d'intérêt directeur. (2)
On comprend les retentissements que la politique monétaire américaine a eu sur l'économie de la deuxième économie mondiale. Ne parvenant pas, jusqu'à présent, à enrayer la décélération, les dirigeants chinois s'efforcent de multiplier des mesures de soutien à la croissance. Selon des données occidentales, les mesures prises par la Banque de Chine devraient permettre aux banques d'injecter plus de 1.300 milliards de yuans (194 milliards d'euros), signifiant, par là ; que, si ces mesures seraient insuffisantes, Pékin se verrait forcé de procéder à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire. Evidemment, cette décélération économique, qui est mondiale, touche tous les pays du monde. Les pays émergents et exportateurs de pétrole qui sont dépendants des grandes monnaies, surtout américaine et européenne (dollar et euro) sont confrontés, aujourd'hui, à la crise. Et pour ne prendre que l'Algérie qui est un pays pétrolier, elle enregistre, selon les données de l'APS, un déficit commercial de 1,73 milliard de dollars au premier trimestre 2015, alors qu'à la même période de 2014, elle enregistrait un excédent de 1, 83 milliard de dollars. Soit, pour le premier trimestre de 2015, une perte sèche de 3,56 milliards de dollars, si on cumule gain précédent et déficit, aujourd'hui. Ce qui est appréciable pour son économie. Evidemment, cette baisse de revenu est, directement, liée à la chute du prix du baril de pétrole, depuis l'été 2014.
Les indicateurs économiques fournis par le Centre national de l'informatique et des statistiques (CNIS) des Douanes algériennes font état que l'Algérie a perdu 5 milliards de dollars, en exportations. En effet, selon les chiffres statistiques, l'Algérie n'a enregistré que 10,62 milliards de dollars de recettes pétrolières au premier trimestre 2015 au lieu des 15,56 milliards de dollars pour le premier trimestre 2014. Quant aux exportations hors hydrocarbures, elles sont toujours très faibles, environ 683 millions de dollars.
ASSIMILER «L'ECONOMIE MONDIALE A UN GRAND CORPS, A L'INSTAR D'UN CORPS HUMAIN»
Que peut-on dire de l'Algérie ? Etant un pays pétrolier, « son économie qui est dépendante des fluctuations des cours du pétrole ressemble un peu à la Chine ». En effet, bien que la Chine ne soit pas un pays exportateur de pétrole, mais un importateur net de pétrole, en tant qu'« atelier du monde », elle reste dépendante de la demande mondiale. Et si la ressemblance s'arrête là, les deux pays ayant des profils différents, il reste que « les deux pays sont dépendants de la demande mondiale ». Le premier a son économie basée sur le tout pétrolier, le second sur le tout exportation de produits manufacturiers. Cependant la Chine comme l'Algérie sont des acteurs interdépendants dans l'économie mondiale puisqu'ils concourent à la croissance mondiale.
Cependant, « on ne peut ignorer l'acteur principal dans l'économie mondiale, l'Occident » qui détient les grandes monnaies mondiales, et que les liquidités qu'il injecte peuvent être assimilées à du sang qui irrigue l'économie mondiale. Sans le «sang monétaire occidental », toutes les transactions économiques et financières se retrouvent bloquées. Et c'est ce qui s'est passé, au plus haut de la crise financière de 2008. Il a fallu le plan américain ‘Paulson' (du nom du secrétaire d'Etat américain au Trésor Paul Paulson, à l'époque) et différents plans aux Etats-Unis et en Europe pour irriguer le système financier pour que l'économie occidentale reparte. Et, en repartant, elle a charrié avec elle l'économie mondiale. Se rappeler ce qui a suivi depuis cette crise et les formidables injections monétaires, dans le cadre des politiques d'assouplissement monétaire non conventionnel ou « Quantitative easing ». Et ces politiques se sont étalées dans le temps, (2008 à 2014).
Le sang monétaire était nécessaire pour «réanimer» une économie occidentale malade. « Et les liquidités monétaires injectées au système financier international s'assimilent à des perfusions de sang à juste raison parce que celles-ci véhiculent ce dont a besoin ce grand corps qu'est l'Occident, et qui, par ses monnaies, influe sur les pays du reste du monde. »
Précisément pour comprendre les phénomènes économiques, financiers et monétaires et les conséquences qu'ils induisent en termes d'endettement, de croissance et de décroissance économique, de créations et de destructions d'emplois, d'excédents et de déficits budgétaires, utiliser le langage des économistes serait inapproprié pour comprendre ce qu'il retourne, exactement, de la crise économique qui sévit depuis 2008. Aussi « assimile-t-on l'économie mondiale à un grand corps qui permet de mieux expliquer et situer les blocages qui font que l'économie mondiale stagne plus qu'elle ne croît ».
Il y a une analogie entre le sang humain qui apporte force et protection à un être biologique et des liquidités internationales qui irriguent les économies et luttent contre les aléas des conjonctures économiques de crise. La circulation monétaire dans le monde s'assimile bien à une circulation sanguine où le sang monétaire joue le même rôle que le sang humain, dans la bonne tenue de l'économie mondiale. Plus la répartition du sang monétaire est équilibrée, plus le système financier et monétaire international est fonctionnel.
Dans un corps humain, c'est le cerveau qui commande les organes et régit la bonne circulation sanguine. « Et qui est le cerveau qui commande les organes et régit la bonne marche de la circulation monétaire ? » Tout d'abord qui sont les organes dans ce grand corps qu'est l'économie mondiale ? Ce sont les Etats, les systèmes bancaires nationaux, les entreprises nationales et multinationales, etc., ensuite viennent les humains que compte l'humanité, qui interagissent, entre eux, via les transactions commerciales. (3)
Et dans toute cette multitude d'organes dans le monde, il n'y a que quelques organes, qui se comptent sur les doigts de la main et à qui incombe « la direction et donc la régulation de la circulation monétaire à l'échelle mondiale ». A l'instar du cerveau humain qui règle la circulation du sang dans un corps, ce sont «les grandes Banques centrales du monde, essentiellement occidentales, qui règlent les flux monétaires dans le monde ». Au nombre de quatre, ces Banques centrales (américaine, zone euro, Japon et Royaume-Uni) sont les principaux fournisseurs de monnaies de réserves de change du monde, et sur lesquelles s'ancrent toutes les monnaies du reste du monde. C'est dire l'importance de l'Occident dans la bonne marche de l'économie mondiale.
Partant de cette approche, le fonctionnement de l'économie mondiale peut mieux être appréhendé. En effet, combien même l'humanité est diversifiée et complexe, qu'une multitude de forces agissent en son sein, à regarder la diversité des peuples et nations, leur organisation, leurs unions monétaires, leurs zones de libre-échange, leurs divisions sur le plan racial, ethnique et géographique, il reste que si tous concourent à l'activité économique, à l'échelle mondiale, la compréhension des phénomènes financiers et monétaires, dans le monde, continue à être mal appréhendée.
Sinon comment comprendre la situation économique mondiale, aujourd'hui ? Pourquoi la régulation macroéconomique internationale que seules les grandes Banques centrales occidentales remplissent, reste encore déficiente aujourd'hui ? Et elle n'est pas équilibrée entre les nations du monde. Pourquoi, depuis la crise financière de 2008, la situation économique mondiale évolue encore mal ? Malgré toutes les mesures financières prises par les Banques centrales occidentales, beaucoup de pays n'arrivent pas à renouer avec la croissance, en Occident et dans le reste du monde. Plus grave encore, on assiste à des « plans d'austérité partout dans le monde ». Il y a certainement des réponses à ces phénomènes.
LE CHAMP FERTILE D'ETUDES FUTURES.UN PENSEUR PRECOCE : LE PHYSIOCRATE FRANÇOIS QUESNAY»
Dans cette approche originale, il faut mentionner le passage d'un texte de ‘Howard Davies', qui est révélateur de l'esprit dans lequel se sont trouvés les banquiers centraux occidentaux, face à la crise de 2008. (4)
- 1 « Dans un éclat exaspéré, juste avant de quitter la présidence de la Banque Centrale Européenne, Jean-Claude Trichet s'est plaint : « En tant que décideur, durant la crise, j'ai trouvé les modèles disponibles [économiques et financiers] d'une aide limitée. En fait, j'irais plus loin : face à la crise, nous nous sommes sentis abandonnés par les outils conventionnels. »
Trichet a cherché l'inspiration dans d'autres disciplines : physique, ingénierie, psychologie et biologie, pour trouver une explication aux phénomènes qu'il avait éprouvés. C'était un remarquable appel à l'aide et un grave acte d'accusation, à l'encontre de la profession économique, sans parler de tous ces extravagants professeurs de finance, récompensés dans les écoles de Commerce de Harvard à Hyderabad.
MODE DE PROPAGATION DES MALADIES INFECTIEUSES...
Jusqu'à présent, relativement peu d'aide a été fournie par les ingénieurs et les physiciens à qui Trichet a accordé sa confiance, même s'il a reçu quelques réponses. Robert May, un expert éminent du changement climatique, a fait valoir que les techniques de sa discipline pouvaient aider à expliquer l'évolution des marchés financiers. Des épidémiologistes ont suggéré que l'étude du mode de propagation des maladies infectieuses pouvait éclairer les types inhabituels de contagion financière auxquels nous avons assisté au cours des cinq dernières années.
Ce sont des champs fertiles pour des études futures, mais qu'en est-il des disciplines de base de l'économie et de la finance elles-mêmes ? Ne peut-on donc rien faire pour les rendre plus utiles en expliquant le monde tel qu'il est, plutôt que tel qu'on le conçoit par l'intermédiaire de leurs modèles stylisés ?
George Soros a consacré un financement généreux à l'Institut pour la Nouvelle Pensée Economique (INET). La Banque d'Angleterre a, également, essayé de stimuler de nouvelles idées. Les actes d'un colloque qu'elle a organisé, au début de cette année, ont été édités sous le titre provocateur de : ‘What's the Use of Economics?' (A quoi sert l'économie ?) »
Et cette quête de Jean-Claude Trichet ne surprend pas. Souvent les économistes se retrouvent confrontés à des difficultés de compréhension des crises qui surviennent et bouleversent tout l'ordre préétabli. Et les théories économiques basées sur des analyses statistiques et économétriques, censées éclairer, n'apportent rien.
A suivre...
* Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
Note :
1. «Pékin baisse encore le taux de réserves obligatoires des banques», Pékin (Reuters), 19 avril 2015. Site : http://fr.reuters.com/article/businessNews
2. «Les Etats-Unis et l'Europe cherchent-ils à imposer une austérité au monde ? Un processus de guerre monétaire, en marche entre les puissances ?» (12ème partie), par Medjdoub Hamed, le 8 avril 2015. www.lequotidien-oran.com, www.agoravox.fr, www.sens-du-monde.com,
3. «Une déflation en Occident nécessaire nonobstant les souhaits des économistes et prix Nobel», (11ème partie), par Medjdoub Hamed, le 30 mars 2015. www.lequotidien-oran.com, www.agoravox.fr, www.sens-du-monde.com,
4. «Crise : les économistes dans le déni», par Howard Davies, le 27 août 2012
www.latribune.fr


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