La Chine a enregistré en novembre un excédent commercial record, avec une chute surprise de ses importations et un fort ralentissement de ses exportations, selon des chiffres officiels publiés avant-hier, qui confirment l'essoufflement de la deuxième économie mondiale. L'excédent commercial du géant asiatique, numéro un des échanges de produits manufacturés dans le monde, s'est élevé le mois dernier à 54,47 milliards de dollars, a indiqué l'administration des douanes. Un panel de 16 analystes interrogés par le Wall Street Journal tablaient sur un niveau bien plus modéré, à 45,1 milliards de dollars, en ligne avec l'excédent enregistré en octobre. En cause: la Chine a vu ses importations trébucher sévèrement en novembre, avec un net recul de 6,7%, à 157,19 milliards de dollars, ont précisé les douanes. Une contraction à rebours de la hausse de 3,9% qu'escomptaient les experts, et en net contraste avec la progression de 4,6% sur un an constatée en octobre. De quoi aviver encore un peu plus les inquiétudes sur la santé de l'économie chinoise alors que la consommation est toujours à la peine, que le marché immobilier --un pilier de l'activité-- n'en finit pas de s'effriter, et que s'intensifient les tensions déflationnistes.
Chute des cours du pétrole "L'indice PMI sur l'activité manufacturière (publié la semaine dernière) témoignait déjà d'une demande terne, mais la forte baisse des importations est très éloignée de ce qu'on pouvait attendre", commentaient lundi les experts de la banque ANZ. Mais à la contraction de la demande intérieure, se superpose un autre facteur important: la baisse tendancielle des prix des cours des matières premières, a averti Lu Ting, économiste de Bank of America Merrill Lynch. Pour lui, en effet, l'ampleur du repli des importations et le fort gonflement de l'excédent commercial "s'expliquent avant tout par l'effondrement des prix du pétrole", qui ont chuté de quelque 40% depuis juin, mais aussi "des cours du minerai de fer". Dans ce contexte, "il faut s'attendre à voir la Chine conserver de très larges excédents pendant plusieurs mois, sur fond de baisse des prix du baril d'or noir", a-t-il estimé. En parallèle, les chiffres des douanes font état d'un effritement continu de la demande extérieure de la Chine -- dont la croissance économique repose encore largement sur ses exportations. Ainsi, les exportations du pays ont progressé le mois dernier de 4,7% seulement, à 211,66 milliards de dollars, soit très loin de la prévision médiane des analystes (+8%). Cela marque par ailleurs un très fort ralentissement par rapport aux progressions des mois précédents (+15,3% sur un an en septembre, +11,6% en octobre).
Vers de nouvelles actions de la PBOC ? Et les salves de statistiques décevantes des derniers mois devraient se poursuivre: le marché table sur un nouveau ralentissement de la production industrielle et des ventes de détail, dont les chiffres pour novembre seront publiés vendredi. La croissance économique de la Chine a ralenti à 7,3% au troisième trimestre, son plus bas niveau depuis 5 ans. Pékin s'est fixé un objectif d'"environ 7,5%" pour l'ensemble de l'année --un pari désormais difficile à tenir, selon la plupart des analystes. L'assombrissement de la conjoncture a cependant poussé la banque centrale chinoise (PBOC) à secouer quelque peu sa prudente politique monétaire dans l'espoir de doper l'activité. Après plusieurs vastes injections de liquidités dans le système financier depuis septembre, l'institution a ainsi procédé courant novembre à une baisse de ses taux d'intérêts --une mesure inédite depuis 2012-- pour encourager le crédit. De l'avis général, les autorités pourraient renforcer d'ici à fin décembre leurs mesures d'assouplissement monétaire et budgétaire --beaucoup misant sur de nouvelles baisses des taux de réserves obligatoires des banques. Selon des courtiers, c'est justement cet espoir de nouvelles mesures de relance qui expliquait le bond lundi de la Bourse de Shanghai après la publication des chiffres du commerce. La place financière a fini en hausse de 2,8%, après avoir dépassé les 3% en séance. Les dirigeants chinois, à l'occasion d'une réunion cruciale attendue cette semaine, pourraient par ailleurs revoir en baisse l'objectif de croissance du PIB pour 2015. Pékin s'est dit prêt à voir se modérer la croissance du pays, évoquant "une nouvelle normalité", comme prix de ses efforts pour rééquilibrer son modèle économique --en rognant les monopoles des groupes publics, les surcapacités de l'industrie et les investissements non productifs, et endiguant l'envolée des dettes.