Il ne faut pas leur en vouloir. Cela se passe, le plus souvent, par-dessus leur tête. Un homme politique, français, « rebelle», démissionna trois fois de trois gouvernements différents, dont il occupait des postes clés, parce qu'il en avait assez d'avaler des couleuvres. Fait rarissime pour être souligné. Il disait un jour, « un ministre, ça démissionne ou ça ferme sa gueule». Belle formule. Qu'est-ce qu'un ministre alors ? Etymologiquement, selon le dictionnaire, il est «celui qui accomplit une tâche au service de quelqu'un» ou «celui qui est au service du roi, en détient quelque chose». Le hasard du langage et de la dénomination des volatiles, veut aussi qu'il soit attribué au « petit passereau d'Amérique du Nord, au mâle bleu, à la femelle terne, souvent élevé en volière», ajoute ce même dictionnaire de référence. C'est assez pour dire, qu'en définitive, les prendre pour cible, c'est perdre son temps. S'il n'était pas question de « représentations», politiques ou régionales, ou de genres, au sein de ce qui n'est pas un conclave, pour tout dire, les présidents, ici comme ailleurs, s'en passeraient bien. La preuve, en leur absence, les fonctionnaires subalternes font « tourner la boîte». Quand ils sont en mission, quand ils boudent, ou font semblant. Ou encore en cas de crise gouvernementale. La Belgique détient un record en la matière. Plus d'une année de crise, sans ministre, durant les années soixante, sinon pour occuper son fauteuil quelques petites heures, chaque jour, pour traiter des affaires courantes, relevant de la routine, du fonctionnement, en somme, des travauxd'une banalité affligea Curieusement, ils apprennent souvent leur nomination à la suite d'un coup de téléphone. Et leur mise à l'écart, au journal du soir de la télévision. Il en est qui fondent en larmes, disait un ancien Premier ministre français. Mme Bouchardeau retenait ce qui suit de sa fonction en tant que secrétaire d'Etat : « Je ne m'inquiétais pas pour trouver des places de stationnement, non loin de l'Elysée ou de mon ministère. Le chauffeur s'en chargeait». Assistance qu'elle regretta, avec humour, quand elle fut débarquée. Comme tout le monde pense qu'ils servent à quelque chose, qu'ils définissent une politique alors, en cas de crise de confiance de la population, le noyau politique effectif procède à un remaniement. Ça calme le vulgaire comme nous tous. Et donne du répit aux décideurs. Avant de reprendre le cours des choses. Dixit les victimes. Si vous pensiez que ces hommes et ces femmes servent à quoique ce soit, détrompez-vous, donc. Il ne faut pas en attendre des miracles. FINALEMENT, QUI DECIDE DE QUOI ? Cela se décide plus haut. Au niveau des banquiers, des Présidents et de ces conseillers, occultes ou affichés. Parfois le Premier ministre. Pour gérer le quotidien. Sans relief. Sinon pour rappeler ce qui est élémentaire aux détenteurs de portefeuilles. De bonne source on ajoute que les conseils des ministres ne sont pas le lieu de tour de tables pour échanger des avis sur les questions de l'heure. Il y a comme une usurpation de titre dans le mot « Conseil». L'ensemble du cabinet ne se réunit que pour la photo de famille. A la suite de quoi, quelques poids lourds sont appelés à donner leur avis, parfois, sinon être tenu au courant de ce qui a été décidé. Nous n'avons pas l'exclusivité de ce mode d'emploi. C'est ainsi que fonctionnent les « démocraties». Il y a un appareil, une bureaucratie huilée qui traite des sujets courants, de missions ponctuelles. Pour le reste Le poids des économies nationales, des marchés financiers ou des matières premières, du blé et du reste, au niveau international, l'activité des bourses mondiales, en somme, décident de ce qui pèse lourdement sur les décisions nationales. Sous l'étroite surveillance des puissances. Les militaires américains de haut grade, qui ont fait le voyage, à Alger, pour rencontrer leurs homologues algériens, dont la dernière visite du chef du renseignement, M. James R. Clipper, sans compter le travail de l'ambassadrice US en Algérie, Mme Joan A. Polaschik, en témoigneraient. Elles ne sont pas innocentes. On ne pourrait pas les prendre, selon la formule « pour des amis qui vous veulent du bien». C'est le moment que choisit le président du patronat, M. Ali Haddad, pour nous rassurer. De Médéa il déclare : « l'Algérie se porte bien et commence à mettre tous les moyens pour renforcer l'investissement». Il ne précise pas au profit de qui. Il ajoute, «Aujourd'hui, les pouvoirs publics sont conscients que le développement du pays ne se fera que par l'entreprise. Celle-ci est le pivot du développement et de toute industrie de qualité et de toute la productivité» glissant, entre deux énormités, cette directive en direction du pouvoir : «les prix des produits subventionnés doivent être révisés». Il a pris du poids. Et ne manque pas d'air. L'ETAT C'EST QUI ? Peu d'hommes, de bon calibre, séduits, un temps, par la façade démocratique du régime, ont accepté des responsabilités. Avant de rendre, passez-moi l'expression, le tablier. Les autres continuent de tournoyer, autour de la figure emblématique du pouvoir, décrivant des cycles imposés, lui présentant, comme la Lune, toujours la même face. Le premier leur faisant croire qu'il leur délègue des tâches qui se résument le plus souvent à des rappels à l'ordre, à des réveils en sursaut - les seconds, faisant semblant d'agir. Alors ? Alors. Je vous en conjure. Si vous croisez dans la rue, des ex présidents d'APC, des ex walis ou des ex ministres parce que ceux qui sont en fonction doivent demeurer invisibles pour ne pas nous éblouir de leur aura sollicitant votre reconnaissance, rendez-leur leur sourire qu'ils vous adresseront. S'ils vous parlent, faites semblant de les écouter. Mais faites leur, aussi, sentir que vous les comprenez. Que la masse que nous sommes, à leurs yeux, est prête à les engloutir et à les oublier. Et que nous fûmes, et nous sommes, à ce jour, magnanimes. Patients. Parce qu'il ne suffit pas d'un discours du Premier ministre, aussi honorable soit-il, invitant les responsables à prendre leurs responsabilités pour que les choses, la gestion du pays change. Le changement, c'est d'abord un état d'esprit. La consultation des compétences nationales, des universitaires, des intellectuels et des structures existantes comme le Conseil national économique et social. Comme nous venons de le découvrir, soudainement en pleine panne d'idées, dans les propos tenus par le Premier ministre, M. Sellal, consultations que nous réclamions, à cor et à cri, depuis des lustres. La feuille de route doit sortir de ces consultations. Pas de celles de M. Haddad. Et, par delà, des attributions clairement élaborées, une fonction de contrôle populaire, constitutionnellement, reconnue, par voies référendaires locale, régionale et nationale. Ce référendum populaire national dont on voudrait nous dénier le droit d'exercice, pour accepter ou rejeter la nouvelle mouture de la Constitution. Sur mesure. Un texte qui, définitivement, ne pourra se prévaloir d'un consensus s'il est, à la base, adopté par un collège d'électeurs dont la représentation est contestable.