Une fois encore, le président Bouteflika tend la main aux «égarés», un terme qui désigne sans euphémisme aucun ni jeu de mots les terroristes. Dix années après l'adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, Bouteflika tend à nouveau une main «clémente» de l'Etat aux terroristes qui veulent se repentir. Il réaffirme en même temps la justesse de sa politique de réconciliation nationale qu'il a fait voter par référendum en 2005, comme pour montrer les résultats positifs de cette démarche qui a fait descendre des montagnes quelques milliers d'«égarés», qui ont ensuite pu bénéficier des dispositions de la loi sur la concorde civile. Une loi qui a été d'ailleurs vivement critiquée par les courants de gauche comme par les «éradicateurs», dont le seul souci était d'éliminer pratiquement physiquement tous les «tangos». Une politique dont l'Algérie n'avait ni les moyens, encore moins le temps d'appliquer, d'autant que le nombre de victimes du terrorisme ne faisait qu'augmenter. La politique de réconciliation nationale aura ainsi donné à l'Algérie les moyens de combattre plus efficacement sur le plan politique, sans préjuger de la lutte sur le terrain contre le terrorisme, la menace, et donc de baliser le terrain à un retour rapide à la sécurité et à la paix. Deux éléments fondamentaux garantissant le retour à la normalité politique, sociale et économique. Une situation en fait qui rétablit les grands équilibres et la primauté de l'Etat de droit et le fonctionnement quasi normal des institutions de la République. Tout comme cette loi assurait sur le plan économique la reprise des affaires, les investissements et les activités productives. Contrairement à certains courants politiques, cette démarche du président avait ceci de particulier qu'elle était appuyée sur des succès rapides au risque d'être désavouée par l'opinion publique. Mais la tactique avait marché et la paix civile était là, à portée de main. Le message lancé, hier, par le président Bouteflika pour que tous les terroristes rentent «à la maison» confirme donc cette vision et, surtout, que le président n'a pas changé d'un iota sa politique de réconciliation nationale. En dépit de vents contraires. Au passage, il a réajusté cependant les bretelles de Madani Mezrag, un des bénéficiaires de cette réconciliation nationale, qui a voulu créer un parti politique, une sorte de FIS reconverti, repenti. Cette idée, ou ce ballon-sonde de Mezrag, l'ex-chef de l'Armée islamique du salut (AIS, bras armé du FIS dissous), avait provoqué cet été 2015 un tollé général, une indignation de la société civile qui y voyait là un argument de taille à opposer aux tenants de la réconciliation nationale. Et, au premier chef, à la politique menée par le président Bouteflika en matière de lutte contre le terrorisme qu'ils jugent «clémente et naïve». Une sorte de revanche sur les événements. En face, Bouteflika reste ferme, et il l'a affirmé hier, tout en adressant une mise en garde à peine voilée à Madani Mezrag et à ceux qui seraient tentés de ressusciter le FIS dissous. Il l'expliquera ainsi : «Nous relevons aujourd'hui des propos et des actes inappropriés de la part de certains bénéficiaires des dispositions de la concorde civile, que nous préférons qualifier d'égarements, mais face auxquels nous tenons à rappeler les limites qui doivent être respectées et sur lesquelles l'Etat sera intransigeant». Et redéfinit dans le même temps les nouvelles limites de cette politique de réconciliation nationale version 2.0, dix ans après sa promulgation.