Le général à la retraite, Khaled Nezzar, nie avoir proposé à Hocine Aït Ahmed de prendre le poste de chef de l'Etat suite à la démission de Chadli Bendjedid et l'arrêt du processus électoral en 1992. Visiblement agacé par les derniers témoignages exprimés à l'occasion du décès de l'un des derniers chefs historiques de la Révolution, l'ancien ministre de la Défense évoque, pour la première fois, cet épisode de l'histoire contemporaine de l'Algérie. C'est dans une lettre, publiée hier par le quotidien El Khabar et le journal électronique Algérie patriotique, que le général à la retraite a choisi de faire une mise au point. «Je n'ai à aucun moment proposé à feu Aït Ahmed le poste de président de la République, contrairement à ce que les uns et les autres ont déclaré», écrit-il, en faisant une rétrospective des événements qui se sont succédé à l'époque. «J'ai le devoir de rappeler ce que j'ai rapporté dans mes ouvrages et, en la circonstance, mes différents rapports avec Aït Ahmed. La démission du président de la République, le 9 janvier 1992, faisait de l'armée l'arbitre de la situation. En tant que ministre de la Défense nationale, d'énormes responsabilités politiques allaient m'échoir. C'est ainsi que le soir même, j'ai invité Aït Ahmed à un entretien, comme j'ai invité d'ailleurs d'autres personnalités politiques ou de la société civile. Il fut le premier à être reçu. Accompagné de deux personnes, il m'est apparu bouleversé, répétant : ‘‘C'est un coup d'Etat ! C'est un coup d'Etat !'' Je ne comprenais pas ce désarroi, d'autant moins que je l'avais invité pour l'informer que la démission de Chadli était volontaire, qu'elle plongeait néanmoins le pays dans la crise, mais qu'un groupe planchait sur la question pour lui trouver une solution adéquate. Non convaincu, il repartit dans le même esprit», explique-t-il. Khaled Nezzar évoque, dans le même sens, trois autres rencontres avec le dirigeant historique du FFS. Après celle du 9 janvier 1992, il parle d'abord de celle ayant eu lieu après l'arrêt du processus électoral. «Elle s'est déroulée à Dar El Afia, toujours à ma demande. Le sachant soupçonneux, je le reçois à l'entrée. En faisant les 100 pas, nous entamons la discussion à l'intérieur de l'enceinte ; il paraissait alors quelque peu décontracté, conseillant de revenir aux élections, non sans préciser toutefois que ‘‘ce qui est fait est fait'' », rappelle-t-il. Les versions d'Aït Ahmed et Ali Haroun Selon lui, «les deux autres rencontres eurent lieu en Suisse, à Genève, l'une en juin 1993, l'autre fin décembre de la même année». «Toutes deux l'ont été à mon initiative, par l'entremise de mon conseiller politique, le général Mohamed Touati. Cette initiative entrait dans le cadre de mes attributions au sein du HCE», raconte-t-il, affirmant avoir aussi reçu d'autres personnalités politiques, dont Ahmed Taleb El Ibrahimi à «qui il a demandé de prendre attache avec Cheikh Sahnoun pour qu'il use de son autorité morale afin de calmer les esprits». Khaled Nezzar précise avoir pris la décision de réagir sur cette question pour corriger «des erreurs» commises durant la période de deuil sur Hocine Aït Ahmed. «Il est nécessaire maintenant – pour ne pas faire de ces affirmations fallacieuses et répétées des vérités établies – d'y apporter les indispensables rectificatifs», ajoute-t-il, affirmant avoir rencontré Aït Ahmed une nouvelle fois à Paris lors d'un procès. Mais cette nouvelle version des faits n'est pas confirmée par des déclarations de différents acteurs à l'époque, y compris feu Hocine Aït Ahmed. Lors d'une conférence-débat, Hocine Aït Ahmed avait laissé entendre que Khaled Nezzar lui avait fait la proposition d'assumer le poste de chef d'Etat avant de le confier à Mohamed Boudiaf. «Nezzar s'était étonné que je n'ai pas accepté d'être chef de l'Etat. Il est tombé des nues en se demandant comment je pouvais refuser d'être honoré. Moi, je vais être comme ça ? Je vais avaliser toutes leurs décisions ! Tous leurs massacres… J'étais frappé que l'ex-ministre des Droits de l'homme et ancien chef de la Fédération de France, Ali Haroun, qui a déclaré : ‘‘On lui a proposé d'être Président, il a refusé !'' Moi, j'ai mes convictions, ce qui m'importe, ce sont les souffrances du peuple algérien», racontait Hocine Aït Ahmed. Ali Haroun, qui nie avoir fait lui-même cette proposition à Aït Ahmed, affirmait, dans un enregistrement diffusé par la chaîne France 5 en 2010, que c'était Khaled Nezzar qui s'en était chargé. «Nezzar est allé voir Aït Ahmed qui était présent pour lui dire : venez avec nous, vous serez le Président. Vous êtes le dernier historique présent, vous serez Président», avait déclaré Ali Haroun. La polémique va sans nul doute enfler dans les prochains jours…