Le baril de pétrole ne peut descendre à moins de 25 dollars, c'est son coût de revient. «Au-delà, il n'est plus rentable», a pronostiqué hier lundi dans une intervention à la radio nationale, le vice-président de l'association algérienne de l'industrie du gaz (AIG) et ex-PDG de Sonatrach, M. Abdelmadjid Attar. Face à la dégringolade des prix du brut depuis le second semestre 2014, il a souligné qu'il ne pourra «pas descendre au-delà de son niveau actuel, qui est de 28-30 dollars le baril. Nous avons atteint le plancher concernant une bonne partie de la production mondiale dont le prix de revient moyen tourne autour de 25 dollars. Il a atteint parfois 40 dollars dans certaines zones» du monde, comme au Brésil. Sur l'orientation des prix du brut dans les prochains mois, M. Attar a relevé qu'il est «en réalité difficile de savoir jusqu'où va évoluer le baril, dans un sens comme dans un autre». En fait, «tout le monde s'est trompé, comme le FMI, l'Arabie saoudite, ». Il explique: «Aujourd'hui, il est difficile de prévoir la situation par rapport au passé. Avant, c'était le marché, l'offre et la demande, les crises géopolitiques, le prix descend et se reprend. Tous les chocs pétroliers jusqu'à 2008 avaient des raisons liées au marché. En juillet 2008, le baril était à 140, en janvier 2009 il revenait à 40 dollars, en six mois le pétrole a perdu 100 dollars. Puis, poursuit M. Attar, il a repris progressivement. Il a mis deux ans et demi pour atteindre les 120 dollars». Pour lui, il s'agit «d'un contexte et un environnement économique mondial complètement différent», avant d'expliquer que «l'Arabie saoudite veut préserver ses marges de production par rapport au pétrole de schiste, mais la situation économique mondiale est différente. Il y a une récession mondiale, la Chine consomme nettement moins que prévu, alors qu'elle devait demander plus, les Etats-Unis se suffisent à eux-mêmes avec le pétrole de schiste, le monde consomme moins». Pour l'ex-PDG de Sonatrach, il s'agit de «tout à fait autre chose. Nous consommons moins de pétrole, la consommation mondiale a diminué grâce aux progrès technologique». Par ailleurs, M. Attar n'est pas inquiet quant aux effets induits par le retour prochain de l'Iran sur le marché pétrolier après la levée des sanctions économiques internationales. «Il faut modérer le retour de l'Iran sur le marché. L'Iran n'a pas encore mis un baril sur le marché, (et) il peut arriver à 100 ou 120.000 b/j dans les trois premiers mois, puis au maximum à 200.000 barils/j tout au plus. Ils vont aller à 500.000 b/j à la fin de l'année», relève-t-il avant de faire remarquer qu'il y a «déjà trop de pétrole sur le marché où il y a un surplus de 2 MBJ». Pourtant, selon les agences de presse, le ministère iranien du Pétrole a ordonné hier l'augmentation de la production pétrolière du pays de 500.000 barils par jour, a annoncé le chef de l'Organisation nationale iranienne du pétrole (NIOC). Le vice-président de l'AIG accuse par ailleurs «des producteurs OPEP qui produisent plus (que leur quota). Tout le monde triche, il n'y a pas un pays qui déclare sa production réelle», relevant que l'Arabie saoudite produit plus de 10 MBJ, et «c'est le seul pays qui peut diminuer sa production». En fait, «tout le monde appelle à réduire la production, mais tout le monde refuse de la baisser. Avec le retour de l'Iran, il faut aller vers un consensus au sein de l'OPEP», préconise M. Attar pour qui «il y a un plafond pour l'OPEP, qui est de 30 MBJ», et explique que «l'Algérie produit moins que son quota, l'Irak, l'Iran également». Le vice-président de l'AIG reconnaît avec fatalité qu'«il n'y a pas de solidarité actuellement au sein de l'OPEP comme auparavant. Nous assistons à un nouvel ordre ; quelque chose est en train de se mettre en place et qui va changer le marché du pétrole et du gaz», avance-t-il. Pour lui, la consommation de pétrole baissera dans les prochaines années au détriment de la consommation du gaz naturel «avec le progrès technologique». Il affirme qu'aujourd'hui, «ce n'est plus l'OPEP qui régule le marché ou les événements. Avant 2008, un simple événement pouvait influer sur le cours du pétrole. Depuis, il y a eu des événements plus graves, les guerres en Syrie, en Irak, qui n'ont pas influé sur les prix. La seule fois, c'était entre janvier et mai 2015». Pour Abdelmadjid Attar, «c'est un nouvel ordre, c'est l'économie mondiale, ce n'est plus l'OPEP» qui régule le prix du brut qui «peut baisser à 25 dollars, mais au-delà, c'est inacceptable même pour les producteurs de la mer du Nord». UN NOUVEL ORDRE MONDIAL Aujourd'hui, «il y a un nouvel ordre basé sur des facteurs complètement différents par rapport au passé, les réserves sont plus faibles, on découvre de moins en moins de pétrole et les coûts de production ont augmenté. Le prix moyen est de 15 dollar. Maintenant, nous sommes autour de 15-16 dollars, celui de la mer du Nord entre 25 et 30 dollars. C'est pour cela qu'on a atteint un plancher au-delà duquel on ne peut produire. Ce n'est pas rentable, au Brésil ils sont à 40 dollars. Nous ne parlons pas de gaz de schiste et les Etats-Unis sont les seuls à développer ce type d'hydrocarbures avec un prix de revient de 40 dollars et plus», détaille M. Attar qui a fait remarquer qu'il y a eu «beaucoup de progrès technologique qui a diminué la consommation, des progrès dans les énergies renouvelables», citant le cas de la France où le chiffre d'affaires dans les énergies renouvelables est de 26 milliards de dollars. Par ailleurs, il a estimé qu'il y a actuellement «une récession à l'échelle mondiale. Tous les pays sont touchés, les Etats-Unis ne sont pas touchés car ils s'autosuffisent en pétrole». Les Etats-Unis achetaient il y a une dizaine d'années pour 18 md de dollars leur pétrole et gaz auprès de l'Algérie. Aujourd'hui, c'est moins d'un milliard de dollars, selon M. Attar. «Il y a une crise mondiale. C'est pour cela que les prix n'ont pas bougé. La raison est que la crise est différente et elle va durer le temps que les choses se stabilisent». «IL FAUT ALLER VERS L'ENDETTEMENT» Pour lui, «nous ne sommes pas à l'abri d'une crise majeure à l'échelle mondiale en 2016 ou 2017». Pour autant, il affirme qu'en Algérie, il n'y a pas de crise énergétique, mais une crise de diversification économique. «Hélas! l'économie nationale est basée sur les hydrocarbures. S'il n'y avait pas de pétrole, on va à la catastrophe. Mais, quelles que soient les mesures prises aujourd'hui, elles ne donneront de résultats que dans trois ou quatre ans. D'ici là que faut-il faire?», s'interroge-t-il avant de souligner qu'il y a «heureusement le fameux Fonds de régulation des recettes et les réserves de change pour amortir le choc. Donc, il faut (pour gérer la crise née de la baisse des prix de pétrole, Ndlr) soit les faire fondre pour faire face à la crise, ou les mettre de côté pour aller vers l'endettement». Il estime que la solution des emprunts est la plus indiquée. «Il faut aller vers l'endettement pour financer les projets, contracter des emprunts obligataires ou des emprunts internationaux. On peut financer les projets non pas par le Trésor, mais par des emprunts d'une autre forme, cela permet de ne pas toucher aux réserves de change en attendant l'amélioration de la situation», estime-t-il. Selon M. Attar, «la situation est extrêmement difficile. Il faut prendre des décisions. Il appartient au gouvernement de prendre des décisions, ce n'est pas facile». Il reconnaîtra qu' «on n'a rien fait dans les énergies renouvelables. C'est au moment de l'aisance financière qu'il fallait avancer dans ce sens. Nous, c'est lorsqu'il y a le feu à la baraque qu'on pense à lutter contre l'incendie». «Il faut sortir de la rente pétrolière, mais pour en sortir, il faut travailler plus, consommer moins et mieux. Cela concerne tout le monde». En fait, il estime qu'en Algérie, le prix des produits énergétiques et carburant est très bas. «Tout est vendu à perte en Algérie, gaz, électricité, pétrole....» LUEUR D'ESPOIR EN... 2025 Petite lueur d'espoir, l'expert affirme que «le pétrole reprendra, c'est certain, vers les 40 dollars vers 2018 et au-delà vers les 100 dollars. Selon toutes les prévisions et les besoins de l'économie mondiale, vers 2025 le pétrole et le gaz reprendront leur place, il est question de 140 dollars le baril en 2025». Pour autant, il souligne qu'il faut aller «vers d'autres énergies. Desertec était une idée. Il y a des projets, mais il faut du temps, cela nécessite des investissements». Pour lui, pour sortir de la dépendance des énergies fossiles, «il faut faire appel à ces nouvelles énergies. Si on approvisionne le pays à partir du pétrole et du gaz, on n'en aura pas plus pour 25 ans. Il faut diversifier l'économie et préserver les réserves de pétrole et de gaz. Elles peuvent durer tout au plus 50 ans». Et puis, affirme-t-il sur les réserves prouvées du sous sol algérien, «nous savons parfaitement ce qu'il y a dans le sous sol. Le problème c'est le coût de revient et comment extraire techniquement ce qu'il y a. Ce qui est certain, c'est que cela coûte trop cher». M. Attar a rappelé que les réserves prouvées de pétrole sont d'un peu plus de 12,5 milliards de barils, et pratiquement pour «les réserves prouvées 2.300 milliards de m3 de gaz qu'on peut extraire, ce qui est prouvé, et il y a peut-être entre 700 à 800 milliards de m3 autres de gaz conventionnel». Par ailleurs, pour le gaz non conventionnel, il a indiqué que les réserves sont de 20.0000 md de m3 selon les estimations de bureaux d'études américains confirmées par Sonatrach. «Il est là. Son prix de revient est nettement au-delà des moyens de l'Algérie et du contexte international actuel». Le gaz non conventionnel est en fait le gaz de schiste, emprisonné dans la roche et qu'il faut extraire avec la méthode contestée de la fracturation hydraulique. Par ailleurs, il a estimé que la proximité du marché européen est un atout pour l'Algérie. «Nous sommes en face de l'Europe, gros importateur, et c'est ce qui fait la force de l'Algérie. Nous sommes le principal producteur de gaz dans le bassin méditerranéen. Nous sommes pionniers dans le GNL, mais pas gros producteur en matière de volume».