«L'argent sale, une triste réalité lors des élections». La déclaration n'est pas d'un opposant au régime, au gouvernement ou au chef de l'Etat. Elle émane du secrétaire général par «intérim» du RND, un parti créé dans des conditions extraordinaires en février 1997. Qui ne se souvient pas des élections législatives du 5 juin 1997 au cours desquelles le RND a «raflé» 156 sièges sur les 380 que compte l'APN, supplantant même le FLN (62 sièges), un parti indétrônable quant il s'agit de gagner des élections grâce au «tripotage» des urnes ? Qui ne se souvient pas des séquences montrées dans une télévision étrangère à l'occasion justement des élections de 1997 montrant des agents de l'administration ouvrir les urnes et remplacer les bulletins par d'autres et ce en présence des journalistes algériens et de Khalida Toumi, quand elle était dans l'opposition ? Qui a introduit les «affairistes» de tout bord à l'intérieur des structures des partis dans un «deal» dont la finalité est de les placer aux plus hautes fonctions politiques du pays ? Contrairement à ce qui est galvaudé dans les milieux politiques, Ahmed Ouyahia n'a pas la mémoire courte. Comme le parti qu'il dirige, le secrétaire général du RND est aussi un «homme extraordinaire». C'est le seul personnage public dans ce pays qui peut dire une chose et son contraire sans jamais sourciller. Hier encore lors de la conférence de presse organisée au siège de son parti à Hydra, Ahmed Ouyahia n'a pas dérogé à cette règle. En appelant à lutter contre le phénomène de l'argent sale utilisé notamment dans les campagnes électorales, Ahmed Ouyahia a franchi un autre pas même si, en toile de fond, ce qui était dans son viseur c'est le FLN dont les accointances avec les milieux des affaires est un secret de polichinelle. «L'argent sale est une triste réalité. Il est une réalité sur la scène électorale. Créer des lobbies financiers est tout à fait normal (mais) qu'il y ait des gens qui achètent des voix, c'en est une autre», déplore M. Ouyahia lors de la presse organisée au terme de la 5e session du Conseil national du RND. «Il s'agit d'un problème de réglementation, laquelle triomphera de l'argent sale quand la loi sera totalement respectée, quand l'activité (économique) sera totalement régulée et quand chaque opérateur payera le fisc, ses charges sociales et j'en passe (...)», a encore asséné M. Ouyahia. Ce dernier dans le même cadre qualifie de «non-sens» les agissements des personnes qui déboursent entre 7 à 10 milliards de centimes pour «acheter un siège» au Parlement, faisant remarquer qu'un sénateur perçoit environ un milliard et demi de centimes durant son mandat de six ans. Ahmed Ouyahia n'estime que l'argent utilisé à cette fin «se ramasse dans l'activité économique sale et la drogue».»Je ne jette de pierres à personne, c'est une réalité que nous les Algériens, les politiques, les gouvernants et la société, nous devons progressivement réparer et faire reculer en la dénonçant d'abord, en agissant ensuite et en se donnant le temps de la faire reculer jusqu'à ce qu'elle disparaisse totalement», déclare le secrétaire général du RND. Pas de divergence avec le FLN «Le FLN est notre allié stratégique», affirme M Ahmed Ouyahia qui souligne que «nous ne sommes pas en conflit sur des personnes ou des choix, mais nous défendons un message». «J'ai dit maintes fois que le parti du FLN était un allié stratégique pour le RND», a-t-il ajouté, estimant qu'il était «insensé» de dire que le parti du FLN et le RND, qui soutiennent le même président et font partie du même gouvernement, sont des ennemis ou des adversaires. «Lorsque M. Amar Saadani a été élu à la tête de l'Assemblée populaire nationale en 2004, j'ai donné des instructions aux députés du RND pour le soutenir», a-t-il affirmé. «Saadani et moi sommes camarades pour ne pas dire amis, mais chacun d'entre nous a désormais sa façon de s'exprimer, ni plus ni moins», a souligné M. Ouyahia. Le secrétaire général par intérim du RND a réfuté l'existence de tout conflit entre son parti et celui du FLN au Conseil de la nation. Ahmed Ouyahia, en infirmant l'existence de tout conflit avec le FLN et son secrétaire général, Amar Saadani, continue de souffler le chaud et le froid. Ouyahia semble parler à lui-même, sachant que le patron du FLN a assumé publiquement et à maintes reprises cette «guéguerre» entre les deux partis. Ahmed Ouyahia est par ailleurs catégorique sur les mouvements d'opposition au pouvoir. Il n'hésitera pas à qualifier de «fascistes» le mouvement Barakat qui s'est opposé à un 4ème mandat de Bouteflika mais aussi le Mouvement de la jeunesse indépendante pour le changement (MJIC). Tous ceux qui s'attaquent au pouvoir sont manipulés par des «mains étrangères» de l'avis du secrétaire général du RND qui défend en outre le très controversé article 51 de l'avant-projet de Constitution. Le SG du RND fera mieux que Bouteflika, en suggérant même d'interdire les binationaux d'occuper des postes dans n'importe quel département ministériel alors que le ministère de l'Energie (dont dépend toute la nation) a été occupé par un homme qui a la nationalité américaine depuis plus d'une dizaine d'années lorsque M. Ouyahia était justement chef du gouvernement. Enfin, évoquant la restructuration du DRS, le SG du RND informe que la dissolution du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) a permis la création de trois directions générales de sécurité rattachées directement à la présidence de la République. M. Ouyahia, en sa «qualité de directeur de cabinet de la présidence de la République», a annoncé que «le DRS a été dissous» et «qu'il a été mis en place trois directions générales de sécurité rattachées directement à la présidence de la République». M. Ouyahia a précisé qu'il s'agit de la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure et la Direction générale du renseignement technique. Ces trois directions générales sont des «instances de l'Armée nationale populaire (ANP) qui seront rattachées désormais directement à la présidence de la République», a-t-il expliqué. M. Athmane Tartag, qui était chef du DRS, est devenu «conseiller auprès du président de la République chargé de la coordination des services de sécurité rattachés à la présidence», a-t-il souligné. M. Ouyahia a qualifié, à cette occasion, ces changements de «progrès pour l'Algérie qui entre dans une autre phase en matière de sécurité». «C'est une nouvelle restructuration des services de sécurité en Algérie», a encore ajouté Ahmed Ouyahia qui préfère vêtir la casquette de directeur de cabinet de la Présidence quand il s'agit du DRS ou plutôt du CSS, pour les plus introduits, car le SG du RND ne dit pas toute la vérité concernant cette «restructuration».