Sans excès d'étiquette, le trésorier municipal s'est fait montrer la porte par le maire d'Oran, exaspéré par son compte-rendu « fort peu sérieux » sur le recouvrement des créances de la collectivité. « Trêve de plaisanterie ! Rendez-vous devant le tribunal », lui a lancé M. Boukhatem, en plein conseil exécutif, hier mardi, au cabinet boulevard la Soummam. Réaction à chaud, coup de tête, réplique à vif ? Si c'était le cas, le trésorier communal aurait tout fait pour que ça se termine ainsi. Son absentéisme -il n'a pas répondu présent à une longue série de réunions- n'a fait qu'aggraver son cas, aux yeux du maire, en tout cas, sur fond de maigres recettes et de déficit budgétaire, fort déconcertant. Comme si cela ne suffisait pas, le receveur municipal y a ajouté, hier, un curieux manque d'application dans la présentation du point de synthèse, qui lui a été commandé, sur la gestion de la trésorerie dont il tient les commandes. Au lieu de venir armé d'une documentation bien fournie, avec à clé un data-show comme moyen d'exposition suggéré par l'exécutif, le premier « caissier » de la ville a jugé suffisant de récapituler tout le triennal de la régie 2014-2016, dans un bout de papier. Bien mal lui en a prit. A peine a-t-il commencé à égrener les chiffres en millions de dinars, avec un débit qui prenait à vitesse les fonctions cognitives des plus initiés en comptabilité publique, que le maire l'a coupé net pour lui dire : « Gardes tes chiffres pour toi, l'Assemblée en est fort sceptique et n'en est convaincue ni par le contenu ni par le style ». Percevant la manière d'exposer du trésorier, comme étant une « insulte à l'intelligence » du conseil exécutif communal et, pis encore, une « preuve, si besoin est, de la négligence dans la prestation des services » qui incombent à ce gestionnaire, M. Boukhatem a signifié, expressément, au receveur municipal que son administration ne travaillera plus, désormais, avec lui. Fin de mission pour le Tresorier communal ? Mais plus que ce divorce consommé entre ordonnateur et trésorier, et peut-être même entre institution de collectivité territoriale et cadre d'une administration fiscale, c'est l'annonce par Noureddine Boukhatem d'un transfert imminent du dossier du recouvrement des créances communales, via une plainte qui sera déposée par ses services représentés par le P/APC, sur le terrain de la justice, qui est plus grave. Gravissime même. Encore faut-il qu'on passe à l'acte par le biais de l'avocat-conseil de l'APC, car entre la menace et la mise à exécution, bien de choses peuvent intervenir pour éviter cette voie d'ultime recours. C'est, en tout cas, ce qu'inspirent les propos du secrétaire général de la commune, Benaoumer Fekha, qui, invité par le maire à se prononcer sur cette question, après la mise à la porte du trésorier communal, s'est montré, peu emballé, pour l'option d'aller en justice, d'autant que, a-t-il remarqué, le graphe du recouvrement enregistre une inflexion vers le haut, depuis 2015, au gré d'un faisceau de mesures, avec à la clé un bond de 13 à 30 milliards en BP 2016, et des prévisions de 54 milliards pour l'exercice suivant. Mais M. Boukhatem, qui ne connaît que trop bien les arcanes de la grande maison Oran, sait que cette «performance» qu'on crie, avec extase, sur tous les toits, n'est que l'arbre qui cache la forêt. « Immanquablement, notre ville peut faire mieux. Beaucoup mieux ! », a-t-il rétorqué. Dossier du recouvrement : la justice plus qu'une option « Ma trésorerie, je m'en fais le problème n°1. Pas une préoccupation, mais une fixation, une obsession. L'ère du : « ne t'en fais pas, tu es sous ma couverture et mes bonnes grâces » qui fait le bonheur des mauvais payeurs, mais pas que, est bel et bien révolue ( ) Jusqu'à quand va-ton quémander, dépendre de la bonne charité de la wilaya et du FCCL, pour construire et gérer notre cité. On est riche que virtuellement. Que sur du papier, sommier de consistance et autres droits et taxes. Mais réellement, on n'en tire que des miettes. Ils louent nos biens, en récoltent des fortunes, et nous donnent du vent. Ça ne peut plus continuer ainsi ». Ce n'est pas de la rhétorique. Des décisions sont déjà prises. Certaines ont pris effet. D'autres, toutes fraîches, seront mises en exécution à brève échéance. C'est le cas de « la non-reconduction des contrats de concession (via adjudication) des gares de Yaghmouracen et d'El-Hamri, mais, également, ceux ayant trait à la pub sur voie publique », a annoncé, hier, le maire. Le souk de la friperie, jouxtant le parc d'attraction, sera démantelé et définitivement fermé. Non seulement, pour défaut de recettes, mais également, voire d'abord, pour raison de santé, hygiène publique et d'environnement urbain, a fait savoir, également, M. Boukhatem. Fin de contrat pour les gares, croix sur la friperie Les recettes du patrimoine communal, au titre du BP 2016, même si elles ont plus que doublé par rapport à 2015, restent cependant, à mille lieues du potentiel de la ville d'Oran. A la lecture du tableau, pas besoin de sortir de Saint Cyr' pour détecter un sous-recouvrement conjugué, il est vrai, à une sous-tarification des loyers. Voici quelques chiffres pour s'en rendre compte : pour le chapitre 712 qui englobe la voie publique, les terrasses, les kiosques, les toilettes publiques, les deux gares routières, les locaux DAE et les taxes sur le permis de construire, la commune n'a ramassé, au tout et pour le tout, que 8,6 milliards. Soit à peu près ce que lui doit le concessionnaire des deux agences des Castors et d'El-Hamri. Les droits de voiries DVC et SU : 900 millions (seulement). La billetterie générée par la location et l'abonnement des stades et autres salles de sports, elle aussi, est un pactole quasi délaissé : 400 millions. Les autres sources, au gré des chapitres, ne sont pas en reste : Conservatoire municipal (8 millions), Centres culturels (1 milliard), la Fourrière communale auto et DHA (800 millions), logements loués par le DRG (800 millions)... sachant que la commune d'Oran dispose d'un riche patrimoine immobilier constitué essentiellement de 1.434 logements, particulièrement, à Haï El Othmania, Haï Dhaya, Haï Es-Salam, 127 locaux commerciaux, notamment, à M'dina J'dida, 21 garderies d'enfants, 12 stades, 2 fourrières canines, 1 marché de gros de fruits et légumes, 1 marché à bestiaux, 32 marchés de détail, 1 abattoir, 19 salles de cinéma, 1 centre équestre, 10 salles de fêtes, 2 grands parkings, 2 hôtels, 2 centres de vacances, entre autres.