Avant d'arriver à Alger la semaine dernière, Antony Blinken, le n°2 de la diplomatie américaine, est passé par Rabat où un accueil des plus froids lui a été réservé. De rencontres et d'entretiens officiels il n'en a eu qu'avec Salaheddine Mezouar, le ministre des Affaires étrangères du royaume avec lequel il a eu une unique réunion. Si Blinken a été aussi ostensiblement snobé par les autorités marocaines qui ont pourtant pour coutume de dérouler le tapis rouge pour les responsables états-uniens dont le pays est regardé par elles comme l'allié stratégique et constant du royaume, c'est qu'il y a de la crispation dans les relations maroco-américaines. La cause en est que Rabat n'a guère apprécié les prises de position de Washington à propos d'évènements intervenus et en rapport avec la question du conflit du Sahara occidental. Le plus récent a été la crise survenue entre le Maroc et l'ONU suite à la visite effectuée par Ban Ki-moon dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf au cours de laquelle il a qualifié d'occupation la présence marocaine au Sahara occidental. Il s'en est suivi au Maroc l'orchestration d'une campagne de stigmatisation du secrétaire général de l'ONU et fait provocateur l'expulsion sur ordre du monarque du personnel civil de la Minurso. Sur ces agissements, Washington s'est montrée moins «compréhensive» à l'égard du royaume que ne l'a été la France qui s'est faite «raison d'Etat» de lui passer ses comportements d'enfant «gâté». Les Marocains ont été d'autant désappointés que Washington n'a pas pris la défense du royaume, qu'ils ont eu à constater avant cela que les Américains marquent de plus en plus distinctement leur distance avec sa prétention d'imposer à la communauté internationale comme un fait accompli irréversible l'occupation du Sahara occidental. Sans remettre en cause l'occupation marocaine comme le font les alliés du Polisario, les Etats-Unis estiment toutefois qu'elle donne lieu à une répression et à des exactions contre la population sahraouie qu'ils ne peuvent passer sous silence et sans exiger qu'il y soit mis fin. Ce pourquoi ils ont pris l'initiative l'année dernière et en avril dernier de présenter au Conseil de sécurité un projet de résolution élargissant la mission de la Minurso à l'observation en territoire sahraoui occupé du respect des droits civiques et individuels de sa population. L'initiative a fait enrager le Makhzen parce que confirmant qu'à Washington la toute-puissance des lobbys pro-marocains est mise échec et mat par les organisations humanitaires et de défense des droits de l'homme, avec pour conséquence que la diplomatie américaine est en train de rompre avec l'alignement sur les thèses marocaines concernant le conflit sahraoui qui a été le sien malgré une position publiquement déclinée se voulant en conformité avec le droit et la légalité internationaux. A Rabat, Antony Blinken a eu à mesurer que sur la question du Sahara occidental le roi et les autorités du Makhzen perdent sang-froid et retenue dès lors qu'ils se heurtent à des prises de position ou des initiatives qui battent en brèche ou contestent la thèse marocaine de la légitimité de l'occupation du Sahara occidental par le royaume.