Partie de Wallonie, une région belge de 3,5 millions d'habitants, la résistance au traité ultralibéral du CETA voulu par le capitalisme financier international est en train de prendre de l'ampleur. Un échec et d'autres fractures au sein de l'UE. C'est donc, ironie du sort, du cœur même de l'Union européenne que le clairon de la révolte contre les dérives d'une Europe ultralibérale a sonné: Bruxelles capitale de l'Union européenne depuis sa naissance voilà près de 70 ans et la région francophone de Wallonie et leurs 4,8 millions d'habitants mettent au défi et résistent à l'offensive ultralibérale menée par le reste de l'UE et le Canada réunis et les plus de 500 millions d'habitants qu'ils représentent en bloquant le vote sur l'adoption du CETA, ce vaste projet de marché voulu sans contraintes et sans limites par les multinationales et les places boursières internationales. Dimanche soir, le président du Conseil européen, Donald Tusk, et la commissaire à la concurrence de l'UE, Cecilia Maelström, menaçaient d'un ultimatum le président de la région de Wallonie, Paul Magnette (qui préside aussi la fédération Wallonie-Bruxelles capitale), pour qu'il abdique et signe le CETA, sans que ce dernier ne flanche. Que du contraire, la résistance de la Wallonie, dont la majorité du peuple lui manifeste son soutien et le pousse à tenir face aux pressions des ogres de l'ultralibéralisme, commence à trouver des échos et solidarités dans le reste de l'Europe et du Canada. En Grèce, en Espagne, en Italie, au Danemark, en Suède, des responsables politiques de premier plan (comme ceux de Podemos en Espagne et de Syriza en Grèce) et des centaines d'ONG rejoignent la résistance wallonne. Et pas que puisque on apprenait samedi que le Conseil constitutionnel allemand a émis des réserves sur le CETA. Du coup, l'ultimatum du Conseil européen à la Wallonie et l'annonce par son président de la signature du traité pour jeudi prochain lors d'un Conseil UE-Canada sonne comme un échec patent de l'Europe institutionnelle et accentue les fractures au sein de la famille européenne. En réalité le refus de la Wallonie et Bruxelles-capitale aux conditions contenues dans le CETA est le révélateur du grand malaise sociopolitique que vit l'Europe depuis ces dix dernières années, particulièrement depuis la crise financière et bancaire internationale de 2008. Les politiques d'austérité appliquées depuis 2008 ont fait exploser le chômage de masse et la précarité dans le monde du travail, alors que les banques privées se sont refait une santé sur le dos des plus fragiles et celui de la classe moyenne qui voient leur pouvoir d'achat fondre comme neige au soleil. Du coup, le projet CETA est vu à juste raison comme une dérive de plus du marché commercial international qui menace les économies locales autant agricoles qu'industrielles. Et pour cause, le traité du CETA supprime toutes les mesures douanières de protection des productions locales, les normes sanitaires européennes, les appellations d'origines garanties, etc. Mais pas que, puisque en matière de droit les Etats ne sont plus garants de la défense des intérêts des producteurs locaux en cas de litige commercial. Ainsi, de petits producteurs ou industriels de PME devront affronter, en cas de différend commercial, de grosses multinationales devant les tribunaux sans la moindre chance de gagner face à l'armada des avocats des multinationales. Autant comme le dit l'adage: livrer l'agneau au loup. De plus, les avertissements, ultimatums de la Commission européenne et du président du Conseil européen qui s'apparentent à des menaces révèlent toute la conception tronquée que se font de la démocratie et de la liberté les eurocrates et gouvernements conservateurs de l'UE: sous-estimer la portée et le poids politique au sein de l'UE d'un parlement régional comme celui de la Wallonie et ses 3,5 millions d'habitants. C'est au nom de ce même principe démocratique que la Wallonie revendique son droit à se défendre, comme les autres régions en Espagne et en Grèce qui la soutiennent. Comble de la contradiction, faut-il rappeler que toute la construction de l'UE est depuis ces vingt dernières années basée sur une «politique de promotion par les régions»? Reprocher à la région wallonne de vouloir bloquer le CETA par pure démagogie idéologique (la Wallonie est gouvernée par la gauche) est un non-sens politique, car le reproche peut être retourné contre les promoteurs du CETA dans ses conditions actuelles, aux eurocrates de Bruxelles et les accuser d'être au service du capitalisme sauvage et financier international. Par ailleurs, nul n'est dupe pour savoir que le CETA est aussi un moyen d'introduire les visées commerciales du TTIP, l'autre traité voulu par les USA (en application au Canada) avec l'Europe et qui est pratiquement enterré grâce à l'opposition de la société civile et les partis progressistes de l'Europe. Avec cet épisode de la résistance wallonne, la protection de l'Europe des griffes insatiables du capitalisme financier international a-t-elle quelques espoirs de réussir ? Peut-être. En tous cas la bataille est rude et sans concession.