Salah Bey (1771-1792) et Hadj Ahmed Bey (1826-1837) ont marqué profondément leur gouvernance. A plus d'un titre, ils étaient bien en avance sur leur époque respective, alors qu'en ce qui concerne la postérité, leur impact en diffère du tout au tout C'est dire toute l'emprise du poids de l'historiographie coloniale, voire ses séquelles durables, persistantes dans le contexte d'un déficit flagrant d'analyses dûment étayées. Quoiqu'il en soit, Salah bey a innové aussi bien en matière urbaine et dordre éducationnel ainsi qu'au plan agricole. L'épitaphe de ce bey sise au sein de la mosquée de Sidi kettani, datant de 1774, en perpétue la mémoire. Il en est de même de la réalisation de deux médersas : l'éponyme (1775), et celle rattachée à la mosquée de Sidi Lakdar (1789). Tout comme il a été l'initiateur de l'aménagement d'un secteur urbain, indépendamment de quelques interventions en matière de bonification de terres. Or pareille expérience innovante a été interrompue tragiquement, noyée dans le fer et le sang, au grand dam des habitants, comme en témoigne naguère le port de la m'laya par la gent féminine à travers l'Est algérien, en sus notamment du Cercle éponyme, l'avant-garde du renouveau culturel, sportif et politique de la ville des ponts. S'agissant de Hadj Ahmed Bey, c'est l'unique bey qui a été au rendez-vous de l'histoire, dès la veille de l'investiture d'Alger par l'armada de Bourmont, le 5 juillet 1830. Cela ne saurait surprendre compte tenu de l'état des lieux de la Régence d'une part et d'autre part, de l'envergure politique de ce bey, un stratège génial parvenu à infliger à l'armée d'Afrique de lourdes pertes, «d'officiers proportionnellement la plus forte que dans toute autre armée», suivant le rapport de la commission scientifique ayant suivi les deux sièges de Constantine, en 1836 et 1837. D'autant que même lors de ce dernier, le rapport adressé par l'intendant Bresson au ministère de la Guerre en constitue une sorte de confirmation «Vous le savez, Monsieur le Ministre, nos vivres ont suffi juste jusqu'au 13 octobre; nos munitions étaient épuisées au moment de l'assaut; si l'attaque ébranlée un moment par l'explosion d'une mine, n'avait pas réussi, si l'ennemi avait ramené nos troupes sur nos batteries éteintes, ce qui a failli arriver, l'armée était perdue, pas un soldat ne serait peut-être rentré à Bône.( )» Aussi fallait-il stigmatiser, bannir Hadj Ahmed Bey, d'autant que même interné suite à un guet-apens et obligé à dicter ses Mémoires, habilement, il en a profité pour discréditer les commanditaires de ces Mémoires, une autre défaite après le lourd et accablant bilan des deux sièges. Fort heureusement que la traduction des Mémoires a été classée mais sans figurer dans le catalogue (1) *Djilali Sari : Deux beys en avance sur leur époque, Salah bey (1771-1792) et Hadj Ahmed Bey (1826-1837), Alger, ANEP, 190 p (1)Du même auteur : Les Mémoires de Hadj Ahmed Bey (1826-1837), Alger, ANEP, 211p.