Faire en sorte que les marchés de proximité, version Batimétal, servent à quelque chose, quitte à les transformer en salles de sports ou de fêtes. C'est la quintessence du fax du MICL envoyé, il y a quelques mois, aux walis. Lue de l'extérieur : l'instruction de l'Intérieur veut limiter les dégâts et sauver les meubles après le quasi-fiasco du plan anti-informel, d'une lourde facture de 14 milliards de DA. A l'évidence, en inscrivant ce dossier à l'ordre du jour de son conseil exécutif, tenu dimanche à l'hémicycle, la wilaya avait pour seul motif : l'exécution des directives de la tutelle. En faire l'analyse, en long et de profil, la rétrospective et la projection, en discuter « le pourquoi », « le pour quoi », « le comment », « les pour et les contres » rien de cela n'est du ressort de l'Exécutif local, qui n'a pas pour vocation de faire œuvre de think-tank., mais doit, scrupuleusement, se limiter à son rôle d'exécuteur d'ordres verticaux. Le secrétaire général de wilaya, qui a eu à présider l'audience, en l'absence du wali, retenu par une réunion technique avec son staff restreint sur l'opération de relogement, tenue simultanément, dans la salle d'à-côté, s'est confiné dans son rôle de commis d'Etat, en s'interdisant et en interdisant aux autres tout commentaire, toute opinion, tout raisonnement, tout sens critique, toute vue d'esprit, tout point de débat, au sujet de la décision gouvernementale, portant sur la rentabilisation immédiate, avec option à plusieurs degrés de liberté, laissées aux municipalités en leur qualité de propriétaires de ces équipements publics, des nouveaux marchés couverts, de marque « Batimétal », réalisés dans le cadre du plan d'action gouvernemental de lutte contre le commerce informel. Un plan qui n'a pas eu les résultats escomptés, le moins qu'on puisse dire, car l'on a supposé au départ, par un raisonnement causal, qu'il suffisait de construire, à chaque coin de la ville, une structure, un abri-commerçants, pour éradiquer, de facto, le souk informel d'à-côté et faire disparaître, par effet dominos' tous les aspects négatifs qui lui étaient liés. L'on savait, évidemment, que le basculement informel-formel n'allait pas s'opérer du jour au lendemain, que le déménagement (des marchands) du trottoir et de la baraque vers la halle couverte, n'allait pas se produire par simple clic et que, pour cela, il fallait recourir à des mises en demeure ainsi que d'autres méthodes pour faire remplacer les « déserteurs » et, qu'à la longue, le marché sauvage finira par se lasser, s'essouffler, se plier sur soi, se contracter dans l'espace et se concentrer, finalement, en quelques mètres carrés d'enclos. La «désertion» collective qui a faussé les calculs Or, ce qui a échappé, a priori, aux concepteurs de plan anti-informel, c'est cette allergie, cette répugnance maladive, contractée et développée, au fil de plusieurs dizaines d'années passées à l'air libre, dans le marché illicite, chez les vendeurs de tout bord, vis-à-vis des marchés, sous forme d'enclos. A posteriori, lorsque ceux-ci sont mal-pensés, sur les plans emplacement, architecture, génie civil, aménagement, fonctionnalité. Des récits des maires qui se sont relayés, hier, au débriefing diligenté par le SG de wilaya, ressortaient un fait commun : les marchés couverts, nouvellement, réalisés (réceptionnés entre 2014 et 2016) ne sont pas opérationnels car désertés par leurs bénéficiaires. Il n'aura servi à rien, ou presque, de résilier avec les récalcitrants et les remplacer par d'autres, puisque les nouveaux candidats ont emboîté le pas à leurs prédécesseurs, bon gré mal gré. Cette réalité amère n'est pas propre à Oran, cela s'entend, puisqu'à l'échelle nationale, des dizaines de marchés « fin prêts » depuis 2013-2015, sur un total de 291 marchés couverts et 768 marchés de proximité et autres infrastructures de commerce, à travers les 1.541 communes, sont logés à la même enseigne. Ceci sans parler du reste à réaliser du même programme « Batimétal », projets au sort inconnu, faisant parti d'un vaste projet gouvernemental, doté de 14 milliards de DA, alors que le pays était en plein confort financier, réparti entre les services du ministère du Commerce à hauteur de10 milliards de DA et ceux de l'Intérieur pour 4 milliards de DA. La réalité doit être bien pire que les statistiques officielles, au moins 200 marchés informels ont fait leur réapparition à travers le territoire national, rien qu'en 2015, dont environ la moitié à Alger et à Oran, alors que la réalisation des marchés dits « autorisés » traînait, en long et en large. Ce sont ces données, auxquelles il faut ajouter la dégradation, à petit feu, de ces équipements neufs et non-fonctionnels, qui ont poussé d'ailleurs les pouvoirs publics centraux à instruire les walis, à l'effet de rentabiliser ce gros investissement public, sous une forme ou une autre. Ainsi, en vertu de la décision notifiée par le MICL, il y a quelques mois, les APC avaient toute latitude de disposer de ces équipements, « pourvu que ça soit fonctionnel», avant la fin de l'année. Si l'APC est sûre qu'elle peut faire fonctionner ces structures dans leur vocation d'origine, ce serait l'idéal. A défaut, elle peut les mettre en concession, pour un usage ou un autre, avec priorité pour les activités d'intérêt général lucratif. Le passe-partout «salle de sport» Avant d'expliciter (pour une deuxième fois, après une réunion similaire sur le même thème, tenue il y a près de quatre mois), la teneur de la correspondance du MICL, on a eu droit « on live » à une petite séquence de débat controversé entre le SG et le DAL sur la propriété de ces biens, au bout duquel le premier a fini par convaincre le second, quant au fait que c'est l'APC qui en est le propriétaire, du moment qu'il s'agit d'un équipement réalisé sur PCD. S'ensuit un point de situation au cas par cas, sur les 23 marchés Batimétal' à l'actif de la wilaya d'Oran. Bien qu'ayant eu tout le temps pour trancher du sort de leurs marchés, la plupart des P/APC sont venus, hier à l'hémicycle, sans aucune avancée concrète. Presque figés dans la case de départ. Et pour échapper au questionnaire du SG, fuir en avant et gagner encore du temps, la majorité des élus ont eu recours au même refrain : transformer le marché couvert en salle omnisports. Bilan : on s'est retrouvé en fin de compte avec près d'une vingtaine d'équipements publics, qui sont sur papier et physiquement « Marché de proximité », mais dans les blocs-notes du SG et l'attachée au cabinet du wali « Salle de sports » (à mettre tout en bloc à la disposition du secteur local de la DJS). C'est dire, le simplisme, avec une bonne dose de légèreté et de naïveté managériales, avec lequel ont été consignés les engagements des présidents des Assemblées locales élues. On a eu droit, aussi, dans la foulée, à des situations assez originales, du genre « si tu me donnes les clés mercredi prochain, tu auras le marché en pleine activité le lendemain jeudi », pour résumer le dialogue maire d'Arzew/directeur du Commerce, à propos du marché couvert d'Arzew, réalisé mais non encore réceptionné pour levée de réserves. On notera, également, l'extraordinaire rapidité avec laquelle a été décidée l'annulation, pure et simple, de la réalisation en charpente métallique du marché couvert, à 40 box de Batimétal' à Gdyel, qui en est à 5% d'avancement, et son remplacement aux lieu et place par une structure en dur de moindre consistance.