Le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe estime que le partenariat Afrique-Monde arabe doit se construire «d'égal à égal», doit être « gagnant-gagnant » mais, regrette-t-il, «certains pays ont des comportements qui ne reflètent pas cet esprit.» C'est ce qu'il nous a déclaré hier après son retour de Malabo, tard dans la nuit de jeudi dernier. Représentant le président de la République au 4ème forum Afrique-Monde arabe qui s'est tenu mardi et mercredi derniers à Malabo en Guinée Equatoriale, Abdelkader Messahel est rentré à Alger après avoir accompli une mission diplomatique d'envergure à la mesure de l'engagement permanent, continu et constant de l'Algérie vis-à-vis de l'Afrique. Il s'agit bien sûr de la bataille diplomatique qu'il a menée avec succès contre les tentatives du royaume du Maroc de faire capoter ce rendez-vous afro-arabe. La genèse des faits repose, pour rappel, sur les tractations menées par le Maroc pour faire exclure du forum la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Les «envoyés spéciaux» du roi Mohamed VI pour une telle mission inintelligente devaient ainsi convaincre les pays membres de l'Union africaine et ceux de la Ligue arabe présents à Malabo, à défaut de réussir l'exclusion des Sahraouis, de reporter le forum. Il fallait compter sans le respect intransigeant de l'Union africaine des valeurs et des principes consacrant l'unité de ses rangs et de leur cohésion ainsi que sa solidarité active avec les peuples luttant pour leur libération. La présidente de l'UA n'a pas hésité à le rappeler à Malabo après le complot déjoué du Maroc. «Nous continuerons à soutenir les peuples palestinien et sahraoui jusqu'à ce qu'ils recouvrent leurs droits nationaux,» a-t-elle soutenu. Dlamini Zuma a rappelé les fondamentaux de l'UA face aux représentants des 54 pays africains et des 21 moins 7 de ceux de la Ligue arabe. Les 7 absents sont en évidence ceux qui se sont alliés à la décision du Maroc de quitter le forum après avoir échoué à en exclure la RASD. Aux côtés du Maroc, on retrouve ainsi quatre pays du Golfe qui sont l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats Arabies Unis et le Bahreïn ainsi que le Yémen et la Jordanie. L'offensive ratée du Maroc Ces chaises vides n'ont en rien fait basculer les travaux de Malabo au regard de celles nombreuses qui sont restées occupées par les pays membres de l'UA et par les deux tiers de ceux de la Ligue arabe. Le royaume du Maroc a donc joué mais a perdu sur toute la ligne. Toutes ses offensives de faire retourner l'Afrique contre la RASD n'ont pas réussi. L'UA ne pouvait céder à ce caprice absurde du Makhzen en piétinant ses propres statuts et règlement. La RASD est, faut-il le rappeler, membre fondateur de l'UA et la charte constitutive de l'Union consacre sa solidarité et son soutien indéfectible aux peuples luttant pour leur libération. La résolution que ses pays membres ont adoptée lors du sommet tenu en Afrique du Sud en 2015, précise, elle, davantage le soutien africain à la lutte du peuple sahraoui. Les élucubrations du Maroc ont montré, si besoin est, que la politique « d'offensive » de Mohamed VI vis-à-vis de l'Afrique est un véritable leurre. « S'il était aussi présent en Afrique qu'il ne le prétend, il serait arrivé à ses fins, » affirment des diplomates africains. Le Maroc avait même tenté un dernier coup fourré en proposant aux Africains présents à Malabo d'enlever tous les drapeaux des pays présents et pancartes désignant leur emplacement dans la salle abritant les travaux du forum. Ce délire, une ministre d'un pays africain l'a qualifié de «compromis». Mais en vain, le refus des pays présents a été catégorique. Jalouse de son indépendance et des sacrifices de son peuple pour la liberté, portant haut la main sa souveraineté nationale et son emblème, l'Algérie a été en évidence, la première à rejeter l'offre de ce «compromis». Son rapprochement et sa connaissance de l'Afrique ne datent pas d'aujourd'hui. Ils jalonnent de larges pans de son histoire dont l'un des plus importants l'a consacrée comme la Mecque des mouvements de libération. Mouvements dont la plupart sont nés au cœur de l'Afrique combattante contre la colonisation, l'apartheid et les complots. Son soutien indéfectible à la cause palestinienne et sahraouie la place en pole position des pays qui luttent contre l'oppression des peuples. L'Algérie et l'Afrique, c'est une longue histoire d'échanges, d'aides, de soutiens, d'écoute et de conseils. Ce ne sont pas moins de 22 chefs d'Etats qui ont rendu visite au président Bouteflika en une année seulement. La grande bataille des coulisses La tenue et la poursuite des travaux du forum après l'échec du Maroc d'en exclure la RASD ou de le reporter, sont l'aboutissement d'une grande bataille de coulisses menées avec doigté par le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue arabe. Rompu à la gestion des questions les plus épineuses qui se posent au continent, fortement apprécié par de nombreux «camarades» et leaders africains, Abdelkader Messahel a réussi à convaincre les invités de Malabo de ne pas céder aux délires du Maroc. L'on remarque que même ses alliés comme le Gabon, la Côte d'Ivoire ou la Guinée ne l'ont pas suivi. « Le forum s'est tenu dans la sérénité comme voulu par Messahel et grâce à l'offensive diplomatique qu'il a menée, » témoignent des diplomates. « Les Marocains et ceux qui les ont suivis ont eu la leçon de leur vie, » disent encore nos sources africaines. La présence de l'Algérie et de l'Egypte à eux seuls comme pays arabes et en même temps africains au forum de Malabo, « ce sont 150 millions de citoyens, » est-il précisé. Les deux tiers des pays membres de la Ligue arabe qui y ont participé, «ce sont des centaines de millions de consommateurs, » est-il ajouté. De telles précisions laissent reconnaître nos interlocuteurs que «l'Union africaine s'est toujours sentie très proche du monde arabe.» Elle a rompu ses relations diplomatiques avec Israël, en 1973 en soutien à l'offensive militaire arabe contre l'entité sioniste. « Le soutien africain au monde arabe n'a jamais été conditionné par quelque chose en retour, » précisent des diplomates. L'on déplore cependant, le manque d'intérêt des pays arabes à l'égard d'un continent aux potentialités importantes, aux territoires généreux et aux marchés vierges. L'Afrique est un continent émergent qui enregistre 6% de croissance chaque année. Occidentaux et Asiatiques ont saisi son importance sur l'échiquier pour la cibler comme zone aux potentialités prometteuses. Le Japon, la Chine, l'Union européenne et les Etats-Unis y ont déjà lancé des investissements à coup de milliards de dollars. Les pays arabes viennent juste d'en prendre conscience même s'ils n'ont véritablement pas intégré l'importance du tournant qu'ils se doivent d'opérer vers l'Afrique. La Ligue arabe s'est vu d'ailleurs rejeter son plan d'action par le forum de Malabo en raison de sa non-conformité avec les ambitions du partenariat Afrique-Monde arabe. L'Algérie a été l'un des pays qui a provoqué ce rejet obligeant ainsi la Ligue arabe à revoir sa copie en fonction des réalités, des opportunités et des besoins du continent. Messahel dénonce l'arrogance envers l'Afrique Les insipides projections arabes ajoutées aux velléités marocaines d'ignorer la grandeur morale de l'UA, ont poussé l'Algérie à déplorer «cette arrogance» de pays qui doivent, pourtant, de part leur histoire, être les premiers à se rapprocher étroitement de l'Afrique. L'on n'omet pas d'inscrire dans ce chapitre de « l'arrogance » la fausse note « jouée » par le secrétaire général de la Ligue qui a déploré le retrait du forum des 7 pays arabes. « Les règles de la diplomatie auraient voulu qu'il reste neutre ou plus justement de se faire l'expression des deux tiers (la majorité) des pays membres de la Ligue qui ont choisi de ne pas quitter le forum, » estiment nos sources. «Dans le partenariat, il faut toujours agir d'égal à égal, il doit être gagnant-gagnant, il ne se construit pas sur l'arrogance et le mépris des autres notamment face à l'Afrique qui est un continent émergent qui a son poids dans le monde, ses ressources, ses potentialités, » nous a affirmé hier Abdelkader Messahel que nous avons contacté par téléphone. «Nous déplorons le fait que des comportements de certains pays ne reflètent pas du tout ces exigences et cette réalité des choses,» nous dit-il. C'est cette vision que l'Algérie compte faire valoir en organisant du 3 au 6 décembre prochain à Alger le forum Algéro-Africain, premier du genre. Messahel nous rappelle qu'il a appelé le Front Polisario et le Maroc à reprendre les négociations conformément aux résolutions onusiennes, aux fins de trouver un règlement « juste, mutuellement acceptable et durable » à cette question de décolonisation. Il faut savoir que pendant que Messahel menait une bataille diplomatique à Malabo, Ramtane Lamamra entamait des discussions avec des pays du Golfe. « On a d'excellents rapports avec les pays du Golfe, » nous disait hier Messahel. C'est ce qui a été confirmé par le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale lors de la conférence de presse qu'il a animée jeudi à Doha.