C'est à n'y rien comprendre: la mercuriale des produits agricoles frais explose, et évolue depuis le début de l'année sans orientation, sauf celle d'une hausse qui ne connaît plus de limites. Pis, les prix des produits agricoles de large consommation, comme la tomate, la pomme de terre ou la salade, frisent l'indécence, sans qu'il y ait pour autant une intervention du ministère du Commerce pour mettre un frein à cette situation intolérable. Car le marché des fruits et légumes, sans réelles raisons, objectives ou autres, telles que celles liées aux conditions climatiques, enregistre une inexplicable spéculation sur les produits agricoles. Durant cette semaine, et jusqu'à hier samedi, la mercuriale est en «folie». Qu'on en juge: la tomate est entre 120-140 DA et plus, la pomme de terre entre 75 DA et 80 DA, les haricots verts à 450 DA/kg, l'aubergine à 80 DA/kg, les petits pois entre 140 DA et 170 DA, la fève entre 70 DA/kg et 80 DA/kg, alors que la carotte est cédée à 100 DA/kg et la courgette à 80 DA/kg. Tous les produits agricoles frais ont enregistré une hausse de plus de 30% depuis le début du mois de mars, qui a vu les prix de la pomme de terre décoller, et passer de 40-45 DA/kg à 80 DA/kg. La hausse soudaine et vertigineuse du prix de ce tubercule a fait d'ailleurs réagir l'association des producteurs de pomme de terre, qui s'est interrogée sur les motifs des spéculateurs, d'autant que l'ONILEV avait déstocké 60.000 tonnes de pomme de terre pour répondre à la demande en cette période de soudure, en attendant l'arrivée de la production de saison, vers mi-avril, début mai. Une spéculation sur la pomme de terre, qui s'est soudain raréfiée, alors que les responsables du secteur agricole se gargarisaient il n'y a pas si longtemps sur les possibilités d'exporter vers les pays du Golfe et même en Europe de la pomme de terre. Même scénario pour les fruits, dont les prix atteignent des sommets jamais égalés, même en période de grande pénurie. Les fruits sont devenus rares, l'orange est cédée jusqu'à plus de 250 DA/kg pour le gros calibre et entre 150 et 180 DA/kg pour les moyens calibres, toutes qualités confondues, alors que la pomme locale, petite et rabougrie, réussit à se vendre à plus de 250 DA/kg. La datte reste scotchée à 600 DA/kg tandis que les fruits importés restent hors de prix, jusqu'à 750 DA/kg pour la banane ou la pomme. Pour les poissons, les Algériens ne sont pas vraiment amateurs, puisque les prix sont en constante hausse, comme celui de la sardine, vendue hier samedi à 750 DA/kg, alors que la dorade d'élevage est vendue au même prix que celle sauvage, à plus de 1.000 DA/kg. Bref, tous les produits du panier de la ménagère sont hors de prix, et la situation risque de durer au milieu d'un silence assourdissant du ministère du Commerce, qui n'a pas bronché lorsque l'ail avait atteint les 1.900 DA/kg. A ce rythme, le taux d'inflation va dépasser les deux chiffres au mois de mars, ce qui explique mieux la baisse tendancielle du niveau de vie des Algériens et la hausse du coût de la vie. Le taux d'inflation en janvier 2017 s'était établi, rappelons-le, à 8,1% par rapport à janvier 2016. Une hausse vertigineuse du coût de la vie, déjà constatée à la fin décembre 2016 lorsque l'Office national des statistiques (ONS) avait établi que le taux d'inflation était de 6,4% (4% dans la loi de finances) contre 4,8% en 2015, 2,9% en 2014 et 3,3% en 2013. Il était en fait prévisible que l'indice des prix des produits agricoles enregistre une hausse durant les deux premiers mois de 2017, dans la foulée des «pics» de 2016, avec notamment 5,2% en octobre et 6,2% en novembre 2016, alors qu'en décembre, la croissance des prix des produits agricoles avait littéralement bondi à 7%. Et rien qu'entre décembre 2016 et janvier 2017, la hausse des prix a été, officiellement du moins, de 1,8%, un taux ailleurs dans les économies en bonne santé, enregistré pour toute l'année. En janvier dernier, et en attendant les chiffres officiels pour février, les prix des produits agricoles avaient augmenté de 2,5% par rapport à décembre 2016. Ce sont les prix des produits agricoles frais, qui ont enregistré la hausse la plus importante avec 3,1%, dans le sillage de la hausse des prix de la pomme de terre et des fruits et légumes. Il est clair que l'économie nationale est entrée et pour longtemps dans un cycle inflationniste, ce que le gouvernement évite d'en parler, d'autant que le marché des produits agricoles est pour longtemps en pleine déroute, sans contrôle des structures de l'Etat, qui n'ont aucune prise ni emprise sur ce marché, dont de larges segments sont contrôlés par des spéculateurs professionnels, ce que les producteurs et l'association nationale de protection des consommateurs ne cessent de dénoncer.