La lutte contre la contrebande transfrontalière passe dorénavant par l'assainissement des opérations de commerce de gros, en particulier les immatriculations au Centre national du registre de commerce (CNRC). Après les carburants, les produits alimentaires subventionnés sont les plus ciblés par les contrebandiers qui s'approvisionnent auprès des grossistes. Ceux-ci, en tout cas plus de 50% d'entre eux, qui se sont installés dans des zones très peu peuplées, des zones frontalières est et ouest du pays, alimentent ce trafic. C'est ce qu'a dénoncé jeudi devant le Conseil de la Nation le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Dans sa réponse à un membre du Conseil relative à la lutte contre la contrebande aux frontières, il a indiqué dans une communication lue en son nom par la ministre en charge des relations avec le Parlement, Ghania Eddalia, que la lutte contre ce phénomène passe par l'assainissement des registres de commerce de gros dans ces régions. Pour cela, il a annoncé le gel de l'octroi de registres de commerce pour la vente en gros dans les régions frontalières. Mais, cette opération, précise-t-il, «n'affectera pas l'approvisionnement des habitants de ces régions en denrées alimentaires et produits de base». M. Sellal a expliqué qu'il a été décidé, dans le cadre de la protection de l'économie nationale, «de lancer une opération de contrôle et d'assainissement des registres de commerce pour la vente en gros dans les wilayas frontalières suite à une prolifération du phénomène de la contrebande dans ces régions concernant les produits alimentaires, notamment les produits subventionnés dont le carburant». Plus direct, le Premier ministre va jusqu'à pointer du doigt «certains commerçants (qui) se font délivrer des registres de commerce pour la vente en gros sans pour autant exercer une activité effective dans les locaux déclarés dans leurs registres de commerce, ce qui constitue une tentative de contourner la loi, du fait qu'ils exploitent ces registres pour obtenir de grandes quantités de produits alimentaires destinés à la contrebande dans les régions frontalières, tel que constaté sur le terrain». Par les chiffres, il va plus loin : 50% au moins des commerçants de gros sont dans l'illégalité et alimentent le trafic des produits subventionnés. Selon le chef du gouvernement, «6.756 registres de commerce pour la vente en gros ont été enregistrés dans les régions frontalières, 5.825 commerçants en gros ont fait l'objet de contrôle dont 3.021 n'exercent pas dans les locaux déclarés auprès des services du CNRC, ce qui a entravé la localisation du lieu d'exercice de leurs activités». C'est là «une preuve de leur infraction aux dispositions de la loi N 04-08, relative aux conditions d'exercice des activités commerciales», ajoute-t-il. En fait, révèle le Premier ministre, «un grand nombre de registres de commerce pour l'activité de vente en gros a été enregistré dans des zones éloignées et sous-peuplées, lesquelles ne nécessitent qu'un petit nombre de vendeurs au détail, ce qui prouve que la plupart de ces registres sont utilisés pour bénéficier de grandes quantités de produits alimentaires dépassant les besoins de la population de ces zones». Dès lors, après constat des infractions, «3.478 procès de poursuite judiciaire ont été rédigés contre les commerçants contrevenants et déposés auprès des juridictions compétentes, 1.016 commerçants inscrits sur le fichier national des fraudeurs et 934 demandes de radiation du registre de commerce enregistrés», poursuit M. Sellal. Pour contrer ce type de contrebande, le CNRC a donc pris les mesures nécessaires pour le gel des opérations d'inscription aux activités de vente en gros dans les régions frontalières, qui connaissent une grande prolifération de cette activité. Le chef du gouvernement prend cependant la précaution de préciser que le gel de l'octroi de registres de commerce de gros pour ces régions ne va pas affecter l'approvisionnement des citoyens des wilayas concernées en différents produits alimentaires de base, et ce «jusqu'à l'achèvement des opérations d'assainissement de l'activité du commerce de gros». D'autre part, le chef du gouvernement ajoute que «les autorités publiques ont adopté des mesures préventives et coercitives à l'encontre des commerçants contrevenants». Globalement, la contrebande des produits subventionnés aux frontières coûte au Trésor public trois milliards de dollars par an. C'est ce qu'avait révélé fin décembre 2015 le ministre de l'Intérieur, Nouredine Bédoui, à Tlemcen lorsqu'il avait expliqué que «la contrebande aux frontières fait perdre à l'Algérie trois milliards de dollars annuellement». 4,4 milliards de DA pour les wilayas frontalières L'ex-ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, avait également révélé lors de l'une de ses sorties médiatiques que 1,5 milliard de litres de carburants sortent chaque année illégalement d'Algérie. Ce qui représente, selon lui, plus d'un milliard de DA. Bien avant, l'ex-ministre de l'Intérieur, Daho Oul Kablia est allé jusqu'à qualifier la contrebande du carburant de «problème sécuritaire» pour le pays, en affirmant que 25% de la production nationale de carburant «est gaspillée et exportée illégalement» aux frontières. Les wilayas concernées par cette activité délictueuse sont Tlemcen, Tébessa, Bechar, Souk-Ahras ou El-Tarf. Concernant la mise en place d'une stratégie nationale de développement des régions frontalières, M. Sellal a mis en exergue «les efforts consentis par l'Etat dans ce sens pour leur développement économique», indiquant que «ces régions ont bénéficié de plusieurs programmes de développement, notamment celui relatif au développement des wilayas frontalières financé par la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales, qui a consacré une enveloppe de 4.478 milliards de dinars au profit de 11 wilayas dans le Sud et les Hauts-Plateaux». Ces régions «ont bénéficié également des zones d'activités dans les communes pour la promotion de l'investissement et la production nationale et le financement des études sur les nouvelles zones d'activités et les travaux d'aménagement des anciennes zones d'activités estimés à 2,5 milliards de dinars», a-t-il ajouté. En outre, le gouvernement accorde «un grand intérêt à l'amélioration des ressources financières des communes situées sur la bande frontalière par l'affectation d'un taux de la TVA aux opérations effectuées à l'importation au profit des communes ayant des bureaux de douane frontaliers terrestres et qui relevaient par le passé de la Caisse de la solidarité et de la garantie des collectivités locales».