Une journée avant le Ramadhan, le lait en sachet était disponible un peu partout et en quantités normales, à Blida, puis, dès samedi (1er jour du Ramadhan), notre épicier leva les mains au ciel en signe d'impuissance : «J'attends toujours le livreur mais je ne pense pas qu'il viendra», a-t-il lancé à la cantonade. Des pères de familles, des femmes et des enfants attendaient anxieusement l'arrivée du camion. Certains, las d'attendre, s'en allaient en jetant de temps en temps des regards pleins d'espoir derrière eux, au cas où mais rien. Petit à petit ceux qui avaient le plus de courage battaient en retraite et l'épicier se retrouva presque seul, attendant toujours l'hypothétique camion de lait. Ce premier jour, il ne vit pas de lait et le lendemain il ne fut servi qu'après le f'tour et même pas la moitié de sa commande. Cette scène se répète là où nous nous dirigeons. Les gens espèrent, attendent, perdent espoir, rechignent à partir les mains vides, s'énervent, insultent tout le monde, y compris eux-mêmes puis se résignent, achètent du lait en poudre ou en boite à 100 DA le litre et retournent chez eux, prêts à éclater. Mais où est passé le lait ? Eh ! bien, il faut chercher ailleurs. Dans une ruelle détournée, nous apercevons près de 200 personnes faisant la chaine derrière un camion frigo dont le propriétaire leur remettait deux sachets de lait (pas plus, il faut laisser aux autres) contre la somme de 60 DA, soit 30 DA le sachet au lieu du prix administré de 25 DA. Déjà heureux de trouver du lait pour leurs enfants ou pour eux-mêmes, nos concitoyens achètent sans rien dire, pestant peut-être à l'intérieur d'eux-mêmes mais se gardant bien de le faire devant le vendeur de lait, il pourrait refuser de leur vendre. On nous informa ensuite qu'il y avait deux ou trois autres endroits à travers la ville où le lait se trouvait à profusion mais toujours à 30 DA le sachet et il faut faire une chaine d'environ une heure pour se faire servir. Même les laiteries privées ne livrent plus, ce qui augmente la tension et fait monter les prix pour qu'une poignée de suceurs de sang amassent de plus en plus d'argent, ceci au vu et au su de tout le monde, y compris des autorités, sans que personne n'intervienne pour mettre un terme à cette situation pour le moins illégale. Des gens au fait de la question nous ont affirmé que les usines de production de lait n'ont en rien diminué leur production mais ce serait plutôt les livreurs qui alimentent le marché parallèle au lieu de le faire pour les épiciers. Ont-ils raison ou chargent-ils les livreurs à tort, c'est aux services concernés de le découvrir. A Oran, une tension similaire est observée durant ces premiers jours du Ramadhan dans une grande partie des quartiers. Certains commerçants d'alimentation générale, interrogés par l'APS, se plaignent des quotas «réduits» qui leur sont livrés. «Les quotas livrés sont tellement réduits que tout disparaît en quelques minutes», se plaint un commerçant de la cité AADL Pépinière. D'autres revendeurs affirment n'avoir reçu «aucune livraison depuis deux jours». Les caisses de lait que l'on pose à l'entrée des magasins restent désespérément vides, a-t-on relevé. Certains consommateurs n'hésitent pas à pointer du doigt les livreurs qui, selon eux, privilégient des commerçants au détriment d'autres et n'assurent pas des livraisons conséquentes aux quartiers à forte densité de population. Les responsables du secteur ont une autre version. Le citoyen, avec ses «mauvais» modes de consommation, est pointé du doigt. «Cet état de fait est dû à une consommation effrénée du lait durant ces premiers jours de ramadhan provoquant des ruptures de stocks chez les commerçants», a expliqué le directeur régional du commerce d'Oran, Fayçal Ettayeb, qui soutient que le mode de consommation lié au mois de ramadhan qui consiste à acheter une quantité supérieure de lait a «énormément perturbé le marché en dépit d'une augmentation de l'offre». «Nous avons envoyé des équipes sur le terrain pour s'informer sur cette situation. Nous pouvons avancer, sans risque de nous tromper, que cela est dû au comportement des consommateurs qui consiste à acheter le double, parfois le triple de la quantité de lait qu'il consomme habituellement au quotidien», a fait remarquer le même responsable. Pour lui, «il faut compter encore quelques jours avant que la situation ne se normalise». Le chef du service de l'observation du marché et de l'information économique à la direction du commerce, Mohamed Mechkour, est allé dans le même sens. Il a estimé que «la forte demande de certains produits, dont le lait, durant la première semaine de ramadhan, est une situation habituelle qui perturbe ainsi l'approvisionnement du marché». Pour lui, «le comportement du consommateur explique cette situation». Pour sa part, le directeur du commerce d'Oran, Ahmed Belarbi, a assuré que le marché local est régulièrement approvisionné en lait notamment par les unités de Mostaganem, Mascara et Saïda, en plus des apports en provenance de Sidi Bel-Abbes et de Tlemcen (secteur privé). «Ce marché local affiche une disponibilité en lait évaluée à 200.000 litres par jour, sans compter l'apport additionnel de Giplait Mostaganem», a-t-il indiqué, ajoutant que la wilaya d'Oran est régulièrement approvisionnée en lait sachet UHT et en poudre de lait en plus du lait cru. Pour le lait cru, un approvisionnement de 30.000 litres/jour est assuré sur le marché même s'il est irrégulier, en plus du lait cru, a-t-il ajouté, rappelant que la production des trois unités privées basées à Oran assure une production quotidienne de 100.000 litres de lait de vache et de lait pasteurisé. Questionné à ce sujet, le directeur général par intérim de Giplait Mostaganem a affirmé qu'un quota supplémentaire de 20% a été réservé à la wilaya d'Oran, à l'occasion de ce mois de ramadhan par rapport aux quantités habituellement fixées. «Pour ce mois sacré, un quota additionnel de 20.000 litres par jour est consacré quotidiennement à la wilaya d'Oran par le biais des unités relevant de son secteur géographique», a expliqué Hassan Zeggane. Il a ajouté que le dispositif mis en place a permis aux unités de Mostaganem, Saïda et Mascara, de bénéficier, à l'occasion de ce mois, d'une dotation supplémentaire de poudre de lait pour assurer un approvisionnement régulier et sans perturbation du marché. Le même responsable a rappelé, à ce propos, que la production de lait quotidienne de l'unité de Mostaganem est passée de 25.000 à 27.000 litres, celles de Mascara de 18.000 à 20.000 litres/jour, alors que l'unité de Saïda assure actuellement une production de 42.000 litres contre 35.000 auparavant. Hassan Zeggane a assuré que toutes les mesures ont été prises pour assurer une disponibilité en lait dans le secteur géographique relevant de la compétence de Giplait. A propos de lait cru, le président de la chambre de l'agriculture d'Oran, El hadj Meftah Brachemi, a indiqué que la production de lait collecté est passée de 13.200.000 litres en 2005 à près de 61 millions de litres en 2016 dans la wilaya d'Oran.