La crise dans le Golfe, après la rupture le 5 juin dernier des relations diplomatiques de l'Arabie Saoudite et plusieurs pays dont l'Egypte et les Emirats Arabes Unis avec le Qatar, a fait bouger quelques lignes médianes dans la région. En particulier l'Iran, qui a annoncé une tournée de deux jours de son chef de la diplomatie dans trois pays du Maghreb, Algérie, Tunisie et Mauritanie, à l'exception du Maroc, trop aligné sur l'Arabie Saoudite et membre de la coalition militaire menée par Riyad contre les Houtis, au Yémen. Selon Bahram Qassemi, porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif entamera dimanche à Alger une visite de deux jours, qui le conduira successivement en Mauritanie puis en Tunisie. Bahram Qassemi a précisé que ces visites du ministre iranien des Affaires étrangères interviennent «à l'invitation officielle des trois Etats nord-africains''. Mohamed Zarif doit au cours de cette tournée rencontrer ses homologues Algérien, Mauritanien et Tunisien, ainsi que les chefs d'Etat de ces pays, ajoute le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Cette tournée, qui vise 'à approfondir les relations entre l'Iran et ces pays'', selon la même source, devrait permettre au ministre Iranien d'évoquer avec ses homologues maghrébins 'les derniers développements régionaux, en particulier la question de la Syrie et la situation dans le Golfe Persique''. 'Les développements régionaux nécessitent une plus grande solidarité entre les pays musulmans, la République islamique d'Iran estime que les Etats islamiques devraient être plus unis et convergents pour contrer les pays qui sèment le malheur et ceux qui cherchent à provoquer des scissions entre les musulmans», a ajouté le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. C'est en effet la crise actuelle dans le Golfe, avec la montée des tensions dans une région assise sur un quart des réserves mondiales d'hydrocarbures, qui sera au menu de cette tournée du chef de la diplomatie iranienne en Algérie, Mauritanie et Tunisie. Officiellement, Mohamed Zarif est en tournée à l'invitation de ces pays, un stratagème diplomatique et de bon usage pour ne pas froisser les pays du Golfe, dont Riyad, à l'origine de cette détérioration de la situation avec l'isolement du Qatar. Car il ne fait aucun doute que l'accusation de soutien des groupes terroristes lancée par l'Arabie Saoudite contre Doha pour justifier son isolement diplomatique, avec des effets économiques catastrophiques, est surtout liée aux bonnes relations entre Doha et Téhéran. D'où cette tournée du ministre Iranien au Maghreb, moins le Maroc, pour expliquer la position de l'Iran dans cette crise, et, surtout, avoir l'aval des pays maghrébins sur un mécanisme de règlement de cette crise, qui serait une copie en réalité du plan d'Helsinki, en référence aux accords signés en 1975, en pleine guerre froide, qui avaient réduit les tensions entre les blocs occidental et communiste. C'est en quelque sorte le plan de sortie de crise proposé par Téhéran, qui serait exposé et expliqué aux trois pays maghrébins. Téhéran, ennemi juré de l'Arabie Saoudite, mais un des alliés' de Doha dans nombre de questions régionales, y compris dans le soutien financier à certains groupes armés en Syrie blacklistés comme terroristes par Washington, voudrait par ailleurs desserrer l'étau contre le Qatar et présenter une image moins inquiétante que celle véhiculée par Riyad et ses satellites, dont l'Egypte. Allié traditionnel du Qatar, farouchement opposé à l'embargo politique et économique imposé par l'Arabie Saoudite, qui a fermé ses frontières terrestres, aériennes et maritimes avec Doha, l'Iran tente en fait d'enclencher un processus de règlement de cette crise en redéployant sa diplomatie en allant demander le soutien des pays, dont l'Algérie, qui ont toujours fait prévaloir le dialogue et le consensus pour dépasser les crises politiques et les conflits armés. Le président Iranien Hassan Rohani, dès le début de la crise, et même si l'Iran a été visé par l'Arabie Saoudite, avait prôné le dialogue entre les différentes parties pour désamorcer l'escalade diplomatique entre le Qatar et l'Arabie saoudite. En outre, des observateurs estiment que la visite du ministre Iranien à Alger s'inscrit dans le cadre des efforts diplomatiques, autant de l'Algérie que de l'Iran, le Koweit, et le Qatar, pour dénouer cette crise. A commencer par la remise au Koweit, pays médiateur de cette crise, par l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes Unis, où vivent près de 400.000 Iraniens, de la liste des exigences réclamées avant une levée du blocus imposé depuis le 5 juin. Car l'absence d'une liste claire des exigences formulées par Riyad rendait difficiles le démarrage des négociations menées par le Koweit, aidé en coulisse par Paris et Ankara. Bref, le chassé-croisé diplomatique entre Doha, Paris, Alger et Koweit, mené par les Qataris et leur soutien Iranien, d'un côté, et les Emirats Arabes Unis de l'autre côté, serait sur le point d'aboutir à un début de discussions pour circonscrire la crise et un dégel entre les pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe). Riyad a déjà fait un premier geste en affirmant qu'il est prêt à 'approvisionner le Qatar en vivres et en médicaments''. Dans tous les cas de figure, 'l'Iran est gagnant dans l'affaire'', selon des experts, qui ajoutent que 'Riyad et Abu Dhabi ont échoué pour bâtir une coalition de pays anti-Qatar.''