«Le gouvernement algérien ne respecte pas pleinement les normes minimales pour l'élimination de la traite des personnes», mais il a mené «d'importants efforts» pour lutter contre ce phénomène, indique le rapport 2017 du Département d'Etat US, consacré à la traite des personnes. Rendu public, mardi aprèsmidi, le rapport estime, dans sa partie consacrée à l'Algérie, que le pays a «réalisé des résultats clés, au cours de la période considérée» (avril 2016 mars 2017). Ces «résultats» permettent à l'Algérie d'améliorer son classement, passant ainsi au «niveau 2 liste d'observation» (2WL), retrouvant ainsi son niveau de 2010 après avoir stagné pendant 6 ans (de 2011 à 2016) au «niveau 3». Une source diplomatique américaine affirme que l'ambassadrice, Mme Joan Polaschik, «a félicité le gouvernement algérien pour les effort menés» pour améliorer ce classement, considéré comme «une étape importante». La même source indique que l'amélioration des actions de l'Etat algérien, dans le cadre de la lutte contre la traite des personnes, a été constatée «tant au niveau de la protection des victimes et de la prévention de la traite, qu'au niveau de la poursuite des trafiquants». Selon la partie du rapport consacrée à l'Algérie, les «réalisations comprennent l'enquête et la poursuite de 16 prétendus trafiquants et l'identification de 65 victimes potentielles du travail forcé». Il s'agit, note le document de «deux améliorations significatives par rapport à la période de déclaration précédente». «Malgré le statut d'immigrants illégaux des victimes identifiées, le gouvernement leur a fourni un logement temporaire, une aide médicale et d'autres services de base, dans un centre de transit pour migrants», lit-on dans le rapport 2017, sur la traite des personnes, publié par le Département d'Etat US. Selon le document, ces «améliorations» traduisent la «nouvelle volonté politique du gouvernement de s'attaquer à la traite» concrétisée par la publication d'un «décret présidentiel de septembre 2016 institutionnalisant, formellement, le comité interministériel de lutte contre la traite et lui assignant un budget dédié pour mettre en œuvre son mandat». Cependant, ajoute le rapport, «malgré ces réalisations, le gouvernement n'a pas, systématiquement, identifié les victimes de la traite parmi les populations vulnérables et n'a pas non plus fourni des services de protection adéquats pour toutes les victimes de la traite». Le document explique que c'est l'absence «d'un mécanisme normalisé pour renvoyer les victimes potentielles aux services de protection gérés par les gouvernements ou les ONG» qui est à l'origine de ces carences. Le rapport note, aussi, qu'«en raison d'un manque d'efforts d'identification», des «victimes sont punies» pour «des actes commis comme résultat direct d'une traite» comme la prostitution. Des avancées et des manquements Parmi les cas cités dans le rapport, l'enquête et l'arrestation, menée «en septembre 2016» par les autorités algériennes de «six individus, dont trois Nigériens, deux Algériens et un Malien, impliqués dans un réseau de traite, qui ont forcé des migrants sans-papiers, adultes et enfants, en provenance du Niger à mendier dans les villes du nord de l'Algérie». «L'affaire a été transférée du tribunal de Tamanrasset à un tribunal spécialisé, à Ouargla, et est restée en suspens jusqu'à la fin de la période considérée (pour l'élaboration du rapport, ndlr)», indique la même source. «Le gouvernement a également enquêté sur deux autres affaires de traite d'êtres humains impliquant au total de 10 auteurs présumés et 33 victimes», ajoute la même source qui rappelle que dans le précédent rapport (2016) aucune poursuite n'avait été enregistrée, en Algérie, contre des auteurs de traite des personnes. Et précise encore: que pour la 2ème année consécutive, «le gouvernement n'a pas signalé la condamnation de tout contrevenant», ni «d'enquêtes, de poursuites ou de condamnations de fonctionnaires complices d'actes de traite». Le rapport note, aussi, que les autorités algériennes ont manqué à leur devoir de protection de migrants susceptibles d'être des victimes de traite des personnes. «Par exemple, les autorités du centre de transit des migrants, à Tamanrasset, où 5.000 migrants ont transité, en 2016, avant d'être rapatriés, n'ont pas fait d'efforts pour identifier, de manière proactive, les victimes potentielles de trafic chez les personnes du centre et les fonctionnaires n'ont pas, non plus, distingué ou séparé les éventuelles victimes de la traite des prétendus trafiquants», indique le document. Le rapport fait, également, état d'un autre cas de «non identification de victimes de la traite», lors d'une «opération gouvernementale, visant à rapatrier au Niger environ 1.000 migrants sans-abris, sans-papiers, du Mali, de la Guinée et d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, en décembre 2016». Recommandations Le rapport du Département d'Etat US recommande au gouvernement algérien d'enquêter «vigoureusement», de «poursuivre et condamner» les personnes impliquées dans l'exploitation sexuelle et le travail forcé et de les «punir sévèrement». Le document incite à l'établissement de «procédures formelles» pour «l'identification des victimes» et la prise en charge pour des «soins», mais également de «former à ces procédures» l'ensemble des acteurs chargé de l'application de la loi, de la justice, et de la santé, ainsi que les «agents sociaux». La mise en œuvre de «services de protection appropriés» (logement adéquat, des soins médicaux et psychosociaux, aide juridique et assistance au rapatriement, à toutes les victimes de la traite), devrait se faire «directement ou par le biais d'un soutien et d'un partenariat, avec des ONG et des organisations internationales», ajoute le rapport. Le document recommande, également, de «veiller à ce que les victimes ne soient pas arrêtées, déportées ou autres punitions, pour des actes commis comme résultat direct d'une traite» et d'«assurer un rapatriement sûr et volontaire des victimes étrangères, y compris par la collaboration avec les organisations compétentes et les ambassades des pays d'origine, sensibiliser le public aux indicateurs et aux risques de la traite, y compris sur la différence entre la traite des êtres humains et la contrebande» et «mettre en œuvre le plan d'action national contre la traite». Selon la source diplomatique américaine, l'amélioration du classement de l'Algérie au «niveau 2 liste d'observation» est basée sur les «promesses faites» par les autorités de «faire davantage d'améliorations, dans le futur». Parmi ces promesses, «celle d'établir un système efficace de collecte de données nationales», en matière de lutte contre la traite des personnes.