« Il faut trouver le bon dosage entre l'équité et l'efficacité. Trop d'inégalités sociales créent de grands drames humains, mais trop de droits acquis pervertissent le système.» (Peter Praet-économiste belge) Dans sa livraison du 28 janvier 2015, le quotidien «Le Courrier d'Algérie », restitue une partie du communiqué de la présidence de la République relatif aux travaux d'un Conseil des ministres restreint. Nous citons: «Le développement de la région des Hauts-Plateaux vient d'être consacré et réaffirmé une fois de plus, à l'issue du Conseil ministériel restreint présidé mardi dernier à Alger, par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika le chef de l'Etat s'engage et prend plusieurs décisions destinées au développement local spécifique aussi bien à la région du Sud qu'à celle des Hauts-Plateaux. Selon un communiqué final publié à l'issue de ce conclave, il en ressort de saillant qu'il a été décidé d'accélérer la cadence de concrétisation du nouveau découpage administratif du pays En fait, la décision prise à ce sujet participe de promesses électorales formulées par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, alors directeur de campagne pour Abdelaziz Bouteflika lors de la présidentielle du 17 avril 2014 les Hauts-Plateaux constituent «l'épine dorsale du développement de notre pays et du redéploiement future de notre population », a affirmé en ce sens le président Bouteflika tout en ne manquant pas d'instruire le gouvernement à l'effet d'accompagner la mise en œuvre du nouveau programme quinquennal de développement, d'une amélioration de la gouvernance locale, en priorité au niveau des wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux ». Fin de citation. Voici donc consacrée, une volonté politique affichée. Il reste que depuis lors, les choses ne semblent pas avancer comme souhaité. Revenons, un peu, sur « cette épine dorsale du développement de notre pays et du redéploiement futur de notre population ». Pour ce faire arrêtons- nous sur les contours géo- démographiques de cet ensemble territorial appelé : Hauts Plateaux. Selon l'une des encyclopédies numériques, Wikipédia pour ne pas la nommer : « Les Hauts Plateaux sont situées entre l'Atlas tellien au Nord et l'Atlas saharien au Sud, à des altitudes plus ou moins importantes de 900 à 1200 m. Elles sont constituées de dépressions salées, chotts ou sebkhas et elles sont séparées du Sahara par l'Atlas saharien, qui forme une succession de chaînes au caractère aride. Deux grands ensembles sont distingués: -les steppes occidentales, qui sont situées dans le Sud oranais et le Sud algérois. L'altitude de ces Hautes Plaines décroît du Djebel M'zi à l'Ouest à la dépression salée du Hodna au Centre. -les steppes orientales à l'Est du Hodna, qui sont situées dans le Sud constantinois. Elles sont bordées par le massif des Aurès et des Némemcha. Sur le plan administratif, l'ensemble territorial des Hauts Plateaux est constitué en 14 wilayas sur le total de 48 Wilayas algériennes, réparties à travers trois espaces (Hauts Plateaux-Ouest, Hauts Plateaux-Centre, Hauts Plateaux-Est) : -l'Est : ce territoire est constitué par les wilayas de Bordj Bou Arreridj, Sétif, Oum El Bouaghi, Batna, Khenchela et Tébessa -le Centre : ce territoire est constitué par les wilayas de Djelfa, Laghouat, M'Sila et Tissemsilt ; -l'Ouest : ce territoire est constitué par les wilayas de Tiaret, Saida, Naâma et El Bayadh. Il connait une augmentation de son poids démographique pour diverses raisons telles que l'importance apportée à cet espace dans la politique nationale algérienne d'aménagement du territoire. Il enregistre en 2008 un poids démographique de 27,3 % contre 26,5 % en 1998. Les taux de croissance démographique enregistrés sont relativement plus élevés que la moyenne nationale (1,6 %): ils se situent à 3,8 % pour la région Centre, 1,95 % pour la région Ouest et 1,51 % pour la région Est ». Fin de citation. Le recensement général de la population et de l'habitat de 2008 est révélateur d'une iniquité en matière de distribution aussi bien de la ressource humaine qualifiée que matérielle. Il nous est loisible, à travers le positionnement démographique des 14 wilayas ciblées de constater qu'en dépit de leur poids démographiques, ces entités territoriales à part celles de Sétif, Bordj Bou Arreridj et Batna à l'est et à un moindre degré Tiaret à l'ouest, les wilayas restantes sont encore à la traine. Et comme le découpage administratif n'étant pas une fin en soi sans animation économique, l'axiome se vérifie au niveau des wilayas issues de l'aménagement territorial de 1984 qui a élevé au rang de wilaya, les anciennes daïras de Khenchela, Tissemssilt, El Bayadh et Naâma. Seule, celle de Bordj Bou Arriridj qui a bénéficié de gros investissements privés s'en tire à bon compte. La wilaya de Djelfa, classée au 6è rang national, a vu sa population presque tripler entre 1987 et 2008 ; deux indicateurs confirment cette tendance haussière, il s'agit notamment de son taux l'alphabétisation de 63,8 % l'un des plus bas du pays et son taux d'accroissement naturel de la population qui caracole à 3,3 devancé par celui de Laghouat(3,8) et de Naâma (4,3). Comparés au taux national de 1,6, ces taux qui vont du simple au double ou frôlant le triple même, augurent de futurs difficiles pour des villes qu'on qualifiait, il y a, à peine deux décennies, de bourgades en forçant le trait. Comparés aux taux national d'alphabétisation (71,4 %) ceux de Djelfa, M'Sila et Tiaret, respectivement de 63,8, 69,1 et de 69,6 sont en nette dénivelée. La judicieuse sentence qui énonce : « Quand le développement prend l'escalier, la démographie prend l'ascenseur », est dans le contexte, tout à fait opportune. Il en est de même pour la wilaya de M'Sila, classée au 9è rang qui a vu sa population augmenter de moitié entre les recensements de 1987 et 2008. Les deux principales agglomérations de la wilaya, M'Sila et Bou Saada totaliseraient à elles seules, 282.224 habitants au recensement de 2008 soit l'équivalent de la wilaya de Béchar, cette très ancienne circonscription territoriale. Le marasme économique est perceptible à travers ces cohortes de jeunes désœuvrés à travers les agglomérations de moyenne importance et dont les populations ont franchi depuis, longtemps, le seuil des 100.000 hab. A l'instar de Bir El Atar (Tebessa), Barika (Batna), Sidi Aissa (M'Sila), Messaad et Ain Oussera (Djelfa), Aflou (Laghouat) Ksar Chellala, Sougueur (Tiaret) et enfin Ain Sefra (Naâma). Le réseau routier soumis à surcharge des poids lourds et aux aléas climatiques, rudes en hiver et caniculaires en été, est par endroits dégradé. L'unique pénétrante de l'auto route Est-Ouest entre Sétif et Batna est à peine en phase de réalisation. Le méga projet routier Nord Sud, qui n'est pas encore sorti des gorges de la Chiffa ouvrira, dans le futur, de larges perspectives à la région situé entre Boughezoul et Laghouat. La route nationale no 8, reliant les Eucalyptus (Alger) à Bou Saada, principal axe routier, desservant le Sud-est, est dans un état de dégradation avancée. Le trafic sablier entre cette dernière localité et le nord du pays est des plus intenses d'où la surcharge sur une chaussée, déjà, déformée sur plusieurs tronçons. Le mégaprojet dénommé Rocade auto-routière des Haut Plateaux qui s'étendra sur 1020 kms d'El Aricha (Tlemcen) à Bouchebka (Tébessa) saura-t-il trouver la ressource pour sa concrétisation ? Le doute est permis, car la contraction de la ressource financière obligera le décideur à opérer à des choix souvent douloureux. Ce vaste ensemble géographique qui va de la frontière sud-ouest jusqu'à celle du nord-est du pays, parallèle à la bande côtière dont il dépasse de plusieurs fois la largeur, hormis le Sétifois et les piémonts des Aurès, est, en attente, d'un sursaut qui le sorte de sa léthargie socio-économique. Les grands projets structurants qui ont jailli grâce à la manne financière du début des années 2000 tels que l'autoroute Est-Ouest, les grands transferts de l'eau comme ceux de In Salah-Tamanrasset, le complexe hydraulique de Beni Haroun ou le Mostaganem-Arzew-Oran (MAO) à partir de Oued Chéliff n'ont fait, parfois, qu'effleurer ce territoire. A titre, tout à fait indicatif, la wilaya d'Illizi, qui ne recense qu'une soixantaine de milliers d'âmes a bénéficié d'une route reliant Djanet à son chef lieu de près de 400 kms à l'enrobé et d'une amenée de gaz sur la même distance qui n'alimentera que moins de 4.000 foyers dans le meilleur des cas. Le méga-projet de transfert de l'eau d'In Salah à la ville de Tamanrasset (40.000 habitants) a nécessité une enveloppe budgétaire de 197 milliard de DA. Ces deux ouvrages pharaoniques et sans préjuger de leur pertinence, auraient amélioré la vie de milliers de foyers, pour ne pas dire de millions d'individus dans les Hautes Plaines. Et pour ne pas être en bordure d'un nihilisme malveillant, il faut reconnaitre que le vieux projet de la nouvelle ville de Boughezoul est devenu par ses ajournements, cette arlésienne qu'on évoque depuis les années 60' ou encore la ligne de chemin de fer Tébessa-Tissemssilt qui, sans jeu de mots, est devenue un véritable tortillard par la lenteur de ses travaux. Autrement, rien ne renvoie à ces immensités poussiéreuses ou les bourrasques de vent balayent la steppe à longueur d'année. Le puriste en planification vous dira sans ciller que c'est la ressource hydrique qui fait défaut. C'est plus que certain ! Malheureusement, le grand projet de transfert El Ménia-Djelfa-M'Sila a été pris de cours par la crise pétrolière de 2014, d'où son ajournement sine die. Réalisé en son temps, il aurait pu changer la quotidienneté de ces contrées. En matière de transport urbain, la grande nouveauté a été, sans nul doute, la mobilité par rail induite par le tramway sauf que dans le chapitre, il est relevé une certaine dissonance dans le choix des impacts. C'est ainsi que Sidi- Bel-Abbès au 9é rang national et Mostaganem au 19è rang en matière démographique supplantent Batna au 6è rang et Djelfa au 7è rang démographiques. Ces deux dernières cités se singularisent par leur grande emprise urbaine tout en platitude. Le développement national tout azimut, a introduit un nouveau mode de pensée en matière économique, c'est ainsi que l'agroalimentaire renvoie à la Vallée de la Soummam ou à la Mitidja, la métallurgie à Annaba et sa périphérie, l'électronique au Sétifois, La pétrochimie à Arzew et à Skikda, la mécanique et le pharmaceutique à Constantine, l'automobile à Tiaret, Relizane, Mostaganem, Oran, le textile et l'électroménager à Tizi Ouzou. Nous pensions ingénument que le MAO allait relancer l'agriculture dans ces contrées réputées pour leur vocation agricole, sauf que maintenant ce sont El Oued, Biskra et Hassi Lefhal (Ghardaïa) qui suppléent à ces anciens greniers. Aux dernières nouvelles, un constructeur chinois, en partenariat privé national, compte s'installer à Ain Temouchent. Les Hauts- Plateaux ou du moins leurs résidents, pondérés dans leur vécu souvent sobre, ne sachant pas être exubérants dans leur expression pour réclamer ou exiger. Ils sont de nature aussi patiente que celle de leurs dromadaires qu'ils abandonnent à cette steppe décharnée par le sirocco. Cette steppe, jadis généreuse, qui renvoyait aux compacts troupeaux ovins, ne l'est plus. A la touffe grasse d'alfa ou d'armoise se sont substitués l'orge et le son dont les prix spéculatifs sont hors de portée des bourses des mouals (éleveurs). Cette spéculation archaïque, ne nourrit plus son homme. Omise par l'investissement productif de l'Etat dans les années fastes, la région est aujourd'hui shuntée par l'investissement privé national ou en partenariat avec l'étranger. Souhaitons, toutefois, que l'expérience américaine d'El Bayadh aille dans le sens d'une efficience concluante pour servir de modèles aux zones retardataires à l'effet de s'inscrire dans une dynamique de développement durable. Les énergies solaire et éolienne, sont dans le contexte steppique un atout majeur que peu de régions, d'ici et d'ailleurs, peuvent s'en prévaloir.