Human Rights Watch (HRW) vient d'épingler le gouvernement algérien à propos du dossier de la minorité religieuse Ahmadya. Dans son communiqué, l'ONG internationale revient sur l'arrestation, le 28 août 2017, de Mohamed Fali, considéré comme le président de la communauté ahmadie en Algérie, qu'elle qualifie de «dernier exemple en date de la répression que subit cette minorité religieuse». L'organisation basée à New York exige la libération immédiate de Fali et de ses coreligionnaires et de «cesser de s'en prendre à cette minorité sans défense», a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW qui parle d'«intolérance envers les croyances minoritaires, qu'elles se disent islamiques ou non». L'ONG dénonce également l'attitude officielle du pays, évoquant même un «discours de haine» tenu par de hauts fonctionnaires du gouvernement citant nommément le ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa ainsi que l'ex-directeur de cabinet de la présidence Ahmed Ouyahia. Le communiqué rapporte un commentaire du ministre, en octobre 2016, où il assimile la présence des Ahmadis en Algérie comme une «invasion sectaire délibérée», déclarant que le gouvernement avait lancé des procédures pénales contre eux pour «faire cesser la déviation par rapport aux préceptes religieux». HRW se focalise sur Mohamed Aïssa, reprenant sa déclaration de février dernier où il affirmait que les Ahmadis portaient atteinte aux fondements mêmes de l'islam alors qu'en juillet, selon toujours la même source d'informations, il avait accusé leurs chefs de file d'intelligence avec Israël et que leur secte manipulée par «une main étrangère» visait à déstabiliser le pays. Se basant sur les chiffres fournis par la communauté ahmadie et le témoignage de certains de ses membres dont le présumé président, HRW dresse un bilan sévère de la riposte du gouvernement entre poursuites en justice, peines de prison et harcèlements administratifs. M. Fali est revenu pour HRW sur ses poursuites judiciaires «débuté en juin 2016» dans la wilaya de Blida avant de s'étendre à d'autres régions. Il dira qu'un an plus tard, «ce sont 266 Ahmadis qui ont été traduits devant les tribunaux de tout le pays, avec plusieurs personnes poursuivies dans de multiples procès». Un chiffre que l'ONG n'a pas été en mesure de confirmer auprès d'une source indépendante. Parmi les chefs d'inculpation présentés par la justice, Fali cite notamment le dénigrement du dogme ou des préceptes de l'Islam ; appartenance à une association non autorisée ; collecte de dons sans autorisation et possession et distribution de documents d'origine étrangère et nuisant à l'intérêt national. Il a aussi déclaré que des condamnations et des peines avaient été prononcées à l'encontre de 123 accusés, allant de trois mois à quatre ans d'emprisonnement. Il y a eu quatre acquittements. Dans le cas des 161 inculpés restants, l'instruction est toujours en cours. Selon M. Fali, 36 personnes ont déjà passé beaucoup de temps derrière les barreaux, jusqu'à six mois pour les détentions les plus longues. Se basant toujours sur le témoignage du chef de file des Ahmadis en Algérie, HRW indique que plusieurs adeptes de la secte ont même été poursuivis deux fois ou davantage, parfois dans différentes régions du pays. Enfin Mohamed Fali a déclaré à Human Rights Watch que les tribunaux avaient placé sous contrôle judiciaire au moins 70 fidèles ahmadis actuellement mis en examen. Des fonctionnaires suspendus Des représentants de la communauté ont également déclaré à cette organisation qu'au moins 17 fonctionnaires de confession ahmadie avaient été suspendus de leurs postes. Le motif évoqué étant les poursuites judiciaires en cours contre la personne. HRW rappelle qu'en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que l'Algérie a ratifié, les gouvernements doivent garantir le respect de la liberté de religion, de pensée et de conscience de toute personne placée sous leur juridiction, et en particulier celle des minorités religieuses. Quant à la Constitution algérienne, elle garantit la liberté religieuse mais précise que «cette liberté doit être exercée dans le respect de la loi». Pour rappel, les derniers procès intentés contre les adeptes de la secte ahmadya avaient remis au goût du jour la présence du mouvement Qadiani en Algérie. Comment se sont-ils connus et par quel biais ont-ils été contactés par la secte ? Interrogés, ils ont indiqué que les liens sont établis à travers une chaîne satellitaire appartenant à l'Ahmadya, probablement les émissions propagandistes diffusées en arabe sur la chaîne satellitaire MTA3, notamment celle de «Hiwar Moubachar» où des numéros de téléphone y sont diffusés pour faciliter le recrutement et le contact entres les adeptes de la secte. Les autres canaux de communication étant les réseaux sociaux et certains sites Internet. Ce n'est pas la première fois que cette secte fait parler d'elle en Algérie où elle active depuis plus de dix ans, ciblant, dans un premier temps, les étudiants. En 2010, le ministère des Affaires religieuses aurait été contacté par la Ahmadiyya Muslim Community, une sorte de califat des Ahmadis dont le siège est situé à Londres, au sujet d'une demande pour une autorisation officielle permettant la construction de la première mosquée Ahmadie en Algérie. Demande refusée catégoriquement par le département de Bouabdellah Ghlamallah, alors ministre du culte à l'époque. Selon des sources sécuritaires, «il s'agit d'une secte subversive à caractère confessionnel qui avait publié, en 2013, un communiqué faisant valoir son autorité et ses objectifs en Algérie pour instaurer une république islamique au nom du Printemps arabe». À l'époque, cette organisation était dénommée Khatm Ennouboua. Rappelons que la secte Ahmadya est fondée à la fin du XIXe siècle par Mirza Ghoulam Ahmad (1835-1908), un musulman né à Qâdiyân au Panjâb, en Inde. Se considérant comme le dernier messager de Dieu, il déclarera faux et absurde qu'après le Prophète Mohammed, la porte de la révélation divine soit fermée pour toujours en taxant de satanique la religion musulmane. «De tous les chemins qui mènent à Dieu, je suis le dernier chemin, et de toutes les lumières, je suis la dernière. Malheureux est celui qui m'abandonne, parce que sans moi tout est obscurité», faisait-il croire à ses adeptes. L'Organisation de la conférence islamique avait déclaré comme secte l'Ahmadisme en 1973. Depuis, les Ahmadites, au nombre de 10 millions d'adeptes à travers le monde, ne peuvent plus accomplir le pèlerinage à La Mecque.