C'est parti pour la planche à billets. Le Premier ministre Ahmed Ouyahia, imperturbable face aux critiques, qu'elles viennent des politiques ou des experts, poursuit l'exécution de son programme économique. Et l'affirme encore plus après avoir agité hier samedi le spectre des difficultés financières devant les partenaires sociaux. Avec de lourds défis à relever. Devant le patronat et le syndicat, il a rappelé que seule la planche à billets est capable de résoudre les problèmes urgents induits par la baisse des recettes pétrolières. Dès lors, le recours à la planche à billets se justifie pleinement, avec des partenaires sociaux qui applaudissent, pour que le Trésor public puisse assurer le fonctionnement de l'économie nationale, payer les entreprises, y compris les étrangères, assurer les salaires des fonctionnaires et maintenir l'activité sociale et économique du pays loin des menaces d'assèchement monétaire. En fait, l'opération de tirage des billets de banque dans le cadre du financement non conventionnel était déjà lancée, et cela devrait dans un premier temps permettre une oxygénation des entreprises des secteurs les plus exposés à une crise de liquidités bancaire et de disponibilité financière du Trésor, celles du BTP en particulier. Et, dans un second temps, de maîtriser, toujours selon les prévisions du gouvernement, ou de maintenir l'inflation à des niveaux acceptables, et amorcer progressivement une relance de certains secteurs économiques à forte valeur ajoutée, affaiblis par cette brusque détérioration des finances publiques. Le moment est particulièrement délicat pour le gouvernement qui doit, en même temps que «pomper» de l'argent grâce à la planche à billets, et donc maintenir artificiellement une «vie économique et sociale», puisqu'il n'y a pas de contre-valeur productive au financement non conventionnel, trouver des sorties de crise dynamiques et flexibles. Des solutions qui peuvent assurer dans le court et moyen terme une sortie progressive d'ici à cinq ans, ou tout au moins dans trois ans, du recours au financement non conventionnel et retourner dans les meilleures conditions sociales et techniques à l'économie réelle, celle irriguée financièrement par les recettes d'exportation, de la fiscalité et des financements conventionnels, classiques du Trésor. A ce moment-là, c'est-à-dire dans trois ans au moins, l'économie nationale devrait sortir de la crise, et ne plus subir les terribles pressions actuelles, avec des déficits importants, autant de la balance des paiements que du Trésor. D'autant que les trois prochaines années, même avec un baril de brut à 60 dollars en moyenne annuelle, seront des années difficiles pour le gouvernement qui ne doit faire aucune erreur, une sorte de «sans-faute», sinon la crise ne fera que s'amplifier et prendre les contours d'une véritable débâcle économique et sociale. En allant en outre vers un partenariat public-privé pas évident et une décriée ouverture du capital au privé de certaines PME-PMI, le Premier ministre ne fait par ailleurs que diversifier les chances de réussite de son programme économique, même si, ce faisant, il ne fait que remplacer un problème par un autre. En espérant que la mayonnaise de réformes, dont celle de la monnaie et le crédit, qui a permis le recours à la planche à billets, prendra. Même si elle maintient l'économie nationale sous perfusion. Certes, il y a des stratégies de sortie de crise, celles qui éviteraient la planche à billets, fortement inflationnistes, comme l'endettement extérieur, mais c'est une piste déjà écartée. D'où ce terrible défi : au risque d'hypothéquer irrémédiablement les chances de reprise économique, Ouyahia est condamné à réussir son plongeon dans l'inconnu du financement non conventionnel.