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ABDELKADER MAHDAD (1896-1994): Un intellectuel de la génération de la première élite politique
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 04 - 2018

Né le 21 novembre 1896 mort le 21 mai 1994. Membre fondateur des AML. Sénateur d'Oran. Fondateur de «Jeunesse littéraire musulmane», 1917.
A l'indépendance il est chargé de nombreuses missions officielles de recherches sur le patrimoine algérien en Turquie.
L'Algérie s'honore de grands noms d'intellectuels qui, sous la vêture de leur culture et de leur engagement dans la vie politique ont mis à contribution leur intellectualisme en faveur de l'idée nationale et du combat des peuples sous domination contre le colonialisme français en Afrique. Concernant l'itinéraire de cette grande figure algérienne des lettres et de la politique, nous reproduisons in extenso la notice officielle établissant sa carrière, en tant qu'ancien député à l'assemblée nationale française élu le 8 décembre 1946 (Extrait du dictionnaire des parlementaires français) :
«Abdelkader Mahdad est professeur de langue arabe, licencié es lettres et agrégé de l'université. Il s'est très tôt mobilisé sur le plan politique pour la défense du peuple algérien. Ainsi rejoint-il le groupe de l'union démocratique du manifeste algérien qui prend position en faveur de l'autonomie algérienne au sein de l'union française. Abdelkader Mahdad devient, avec d'autres membres du manifeste de Ferhat Abbas, le porte parole en France de l'émancipation des peuples colonisés. C'est sous cette étiquette qu'il se présente aux élections du 8 décembre 1946 au conseil de la République après avoir été membre de la deuxième assemblée nationale constituante.
Une fois élu au conseil de la République, Abdelkader Mahdad est nommé membre de la commission de la défense nationale et de la commission des finances. Mais ses interventions porteront avant tout sur la cause qu'il est venu défendre au sénat, celle des peuples colonisés. Ainsi, il dépose une motion invitant le conseil de la République à ne pas se prononcer sur la demande de levée d'immunité parlementaire des élus malgaches avant d'avoir entendus les intéressés et intervient sur l'évolution de la situation à Madagascar. Abdelkader Mahdad prend une part active dans la discussion générale sur le projet de la France quant à ses colonies et participe à la critique du colonialisme. Il a aussi à défendre le peuple algérien afin que la paix s'instaure entre les Français et les Musulmans d'Algérie. Il intervient sur le statut organique de l'Algérie et dépose un amendement à l'article premier de ce texte pour reconnaître une République algérienne autonome.
Après une année d'activité parlementaire toute orientée vers la situation des colonies françaises, Abdelkader Mahdad donne sa démission au conseil de la République, le 9 décembre 1947».
Le professeur Abdelkader Mahdad est né à Tlemcen le 21 novembre 1896 d'une famille issue de la vieille notabilité tlemcenienne. Son grand père était nommé, en 1868, muphti de la grande mosquée en remplacement de Hammadi Sekkal, démis de ses fonctions, un homme prestigieux connu aussi en tant qu'homme d'armes aux côtés de l'émir Abdelkader, mais aussi avec Mohamed el Bouhmidi, Mohamed Bendeddouche, Hadj Mohamed Belkherroubi comme parmi les rédacteurs du traité de la Tafna (30 juin 1837).
Le père d'Abdelkader Mahdad qui avait vocation dans le commerce s'installa avec sa famille à Maghnia devenue prospère, siège d'une forte garnison, à la limite de l'Algérie avec le Maroc.
Le courant des idées modernes
Au plan politique Tlemcen était sous l'emprise d'idées véhiculées à travers au moins deux courants l'un conservateur, l'autre acquis aux progrès modernes dont l'instruction est alors une priorité post-nationale. Dans le paysage politique émergeaient des personnalités bien en vue et qui s'imposaient dans la société qui ne dut point rester passive depuis l'occupation voir Si M'hamed Ben Rahal, les frères Larbi (1850-1927) et Bénali Fekar (1870-1942), Cadi Choaïb Aboubekr (m. en 1928), Taleb Abdeslam (m. en 1942)… et qui ont compté dans le cheminement de cet homme féru de culture et de langues anciennes (sanscrit, l'hébreu, turc) ami de Jacques Berque, de Louis Massignon ayant milité aux côtés de Cheikh Abdelhamid Ben Badis, Cheikh Bachir Ibrahimi… Ce médiéviste figurait parmi les grands amis de l'écrivain et nationaliste arabe Chakib Arslan (1869-1946) qu'il rencontrait chaque année à Grenade (Espagne), fascinés tous les deux par l'Andalousie. Ce dernier contraint à l'exil en Europe de 1918 à 1946 il rencontra plusieurs fois Messali Hadj à Genève menacé de poursuites par la police française.
Ces personnalités dominaient certes la scène qui, de par leurs engagements et leurs prises de positions à l'égard de la colonisation vont se plier aux exigences des droits et des libertés. Ils constituaient des référents à l'image desquels allaient se reproduire des personnalités du mouvement «Jeune-Algérien» qui tend plus à désigner plus à désigner le renouveau, telles Abdelkader Mahdad, Abdeslam Aboubekr… faisant à leur tour des émules. Ce mouvement des «Jeunes» s'était développé un peu partout à travers les pays du monde musulman sous occupation, dès le XIX e siècle. Les «Jeunes» à l'avant-garde s'étaient entichés d'un nouveau style devenu de mode. Cette inflorescence s'était marquée aussi par la naissance de personnalités politiques de marque avec Mustapha Kami Pacha en Egypte, les frères Bach Hanba en Tunisie, Larbi et Bénali Fekar, Messali Hadj en Algérie… marquant un moment précieux de transition et de reprise.
Ces personnalités allaient indirectement impliquer la cité dans la vie politique et intellectuelle. La vie associative comme promesse de liberté. Abdelkader Mahdad son éducation traditionnelle conservatrice il la doit surtout, disait-il, à sa grand-mère Fatma El hassar de la lignée d'une famille de terriens mais aussi de savants à forte tendance identitaire et de cadis à Tlemcen et qui «veillait, disait-il, à lui inculquer les valeurs traditionnelles de l'éducation». La résistance des femmes à ce moment de grand choc s'appuyait sur les valeurs morales pour améliorer la société confrontée à la colonisation. Ses amis et ceux qui l'ont connu retiennent de lui l'image d'un homme d'une grande culture, affable et humble, proche des livres. Connu pour ses talents de plume et d'engagement il faisait partie des grandes icônes de la génération des premiers écrivains et intellectuels dont il reçut la plus grande leçon de politique : Si M'hamed Ben Rahal, les frères Larbi (1868-1932) et Bénali Fekar (1970-1942), Si Mohamed Bouaroug al-azhari (m.en 1919 à Sebou), ses aînés et qui ont particulièrement contribué a attiré l'attention du colonialisme français sur l'identité arabo- musulmane et maghrébine de l'Algérie. A Tlemcen, les Jeunes de la nouvelle élite était sous l'influence de Si M'hamed Ben Rahal un renaissant de la première heure entré en politique qui, en 1891, dans une de ses dépositions devant le sénat français en présence de Jules Ferry, notait :» La note dominante des sentiments du monde civilisé envers l'Islam est l'hostilité… mais ces menées ténébreuses n'auront pas l'effet qu'il attend et c'est sous le canon de la chrétieneté que se fera la renaissance de l'Islam «se posant ensuite la question de savoir comment arriver à une entente désirable et nécessaire ? A cela, il répond : «Par une action double en faisant connaître l'Islam sous son vrai jour au monde chrétien, en faisant connaître la civilisation sous son vrai jour au monde musulman».
Dans ses essais politiques et ses écrits sur le colonialisme dans son «habit de lumière» il fut particulièrement virulent et critique.
Il est l'auteur de la préface du livre rédigé par son ami Si Mohamed Bekhoucha (1904-1970) sur le grand poète algérien Si Mohamed Benkhlouf (XVIème s). Il fut admis à l'âge de quinze ans ans au collège en même temps qu'il poursuivit ses cours d'arabe à l'école du «Faqih-insurgé» Cheikh Mohamed Bouraoug, un Azharien, dont les démêlées avec l'administration coloniale avaient renforcé ses convictions anti-coloniales. L'école libre de ce maître était certes fréquentée par des élèves provenant de partout même du Maroc et cela, pour la qualité de l'enseignement qu'il dispensait à la mosquée de Sidi Djebbar, au cœur de la vieille cité. C'était un homme très ouvert mais dont les convictions étaient très fortes, hostiles à la colonisation.
De par ses positions, il fut même interdit d'accès à la grande mosquée où pendant des années il dispensait, comme de vieille tradition dans la cité, des cours (dourous) entre la prière du «Asr» et d' «al-Maghrib». Ses élèves ont constitué le terreau à impact très fort qui rallièrent, plus tard, le mouvement de la réforme (Islah), à Tlemcen, à partir des années «20» et cela, sous l'impulsion savants acquis à la «Nahda» avant l'installation dans cette ville de Saïd Zâhiri (1900-1956) puis, Cheikh Bachir Ibrahimi (1889-1965), ce dernier sur recommandation de Cheikh Mohamed Ben Badis à la création en 1932 de l'association des Ulamas algériens.
De cette dernière association le professeur Abdelkader Mahdad en fut un membre fondateur, jusqu'en 1964, avant sa dissolution prononcée par Cheikh Bachir al-Ibrahimi. Rappelons que Cheikh Said Zahiri poète et journaliste de talent mais aussi grand polémiste sorti des universités d'El Azhar (Caire) et de Zitouna (Tunis) fit le choix de s'installer à Tlemcen en 1928 où il se mêla longtemps à ses élites traditionnelles et modernes. Ce «Zeïtounien» très connu déjà par sa prolixité à créer des journaux arabe tels «al-Djazaïr» en 1925 puis «al-barq» en 1927, membre fondateur de l'association des Oulamas algériens participa, durant son séjour dans cette ville, activement à sa vie associative déclinant un côté très proche aussi du mouvement national. Il polémiquera avec Cheikh Bachr al-Ibrahimi et l'avocat Taleb Abdeslam dans un article publié dans un journal paraissant en arabe, en Argentine. Cet article lui a valu un procés en diffamation et fut condamné d'où son choix définitif de quitter Tlemcen et de s'installer à Oran. Le professeur Abdelkader Mahdad manifestait un grand respect à l'égard de ce journaliste, mais non moins aussi, grand poète.
L'agrégé de lettres avait assisté à l'assemblée constitutive de l'association des Ulamas à Nadi Taraqî d'Alger en présence de hautes personnalités religieuses réformistes à laquelle ont pris part également des chefs de confréries dont Cheikh Mohamed Alaoui dit Bénalioua. A Mostaganem ou Abdelkader Mahdad exerçait en tant que professeur d'arabe au lycée de cette ville il rencontra de nombreuses fois ce Cheikh de tariqâ comme aussi il était très lié à la famille du Cheikh Brahimi avec notamment son fils Ahmed Taleb, ce dernier qu'il cite dans son livre «Lettres de prison», SNED, Alger 1972. En tant que membre du conseil de la République française sous l'étiquette des Amis du Manifeste et de la Liberté (A.M.L) parti dont il fut membre fondateur avec Ferhat Abbès, Docteur Saadane… il se distinguera par ses interventions politiques à travers lesquels il n'avait d'autres soucis que «de défendre l'Algérie en tant que Nation avec son passé, sa culture, sa religion …». Il écrit dans un artcle publié dans «le Jeune musulman», n. 05, décembre 1952 : «La première réalité qui s'impose à l'attention de tout observateur respectable, c'est que malgré plus d'un siècle de colonisation, de pratique politique à sens unique, véritable camisole de force où l'on tente d'enserrer toutes les facultés, toutes les possibilités de développement d'un peuple, l'Algérie est restée profondément arabe et musulmane. Arabe elle l'est aujourd'hui comme il y a treize siècles de par son attachement indéfectible à une langue qui, au cours d'une longue carrière, s'est identifiée à la pensée littéraire, philosophique et dogmatique de toute l'Afrique du Nord. Il suffit de rappeler pour marquer ce que la pensée arabe doit à l'Afrique du Nord, et à l'Algérie en particulier, que de traités de grammaire, de théologie, de manuels littéraires, encore en honneur aujourd'hui dans les grandes universités d'Orient sont dus à des auteurs Algériens.
De son combat politique, le journal «Les débats» de l'assemblée nationale française rapporte, en 1947, les termes d'une de ses interventions et dans lesquelles il exprime parfaitement ses positions : «La première réalité qui s'impose à l'attention de tout observateur impartial, c'est que malgré plus d'un siècle de colonisation, de pratique politique à sens unique, véritable camisole de force où l'on tente d'enserrer toutes les facultés, toutes les possibilités de développement d'un peuple, l'Algérie est restée profondément arabe et musulmane. Arabe, elle l'est aujourd'hui comme il y a treize siècles. De par son attachement indéfectible à une langue qui, au cours d'une longue carrière s'est identifiée à la pensée littéraire, philosophique et dogmatique de toute l'Afrique du Nord. Il suffit de rappeler pour marquer ce que la pensée arabe doit à l'Afrique du Nord, et à l'Algérie en particulier, que de traités de grammaire, de théologie, de manuels de littérature, encore en honneur aujourd'hui, dans les grandes universités d'Orient, sont dus à des auteurs algériens».
Dans un article qu'il publie en tant que membre de l'association des Oulémas d'Algérie en 1952, dans «Le Jeune musulman» Il écrit : «…Peut être aussi n'est-il pas superflu, pour souligner combien certaines affinités ethniques ont joué à l'origine, de faire observer avec quelle facilité la langue arabe délogea en Afrique du Nord la plus grande langue de culture du monde, le latin, qui jamais dû se sentir chez lui, malgré la présence d'un Apulée ou d'un Saint Augustin. En vérité, depuis plus de treize siècles, l'Algérie s'est identifiée à la pensée et à la culture arabe.
C'est dire les difficultés sinon l'impossibilité de l'homme aujourd'hui, après cent vingt ans de contact français, de dissocier l'Algérie du bloc linguistique arabe qui s'étend le long de la méditerranée puis les colonnes d'Hercule jusqu'au golfe d'Alexandrette. Et je me demandais si ce n'est pas une gageure de vouloir séparer linguistiquement l'Algérie du reste du monde arabe, quand les moyens de transmissions de pensée sont devenus si faciles et si rapides. Que peuvent les frontières douanières ou les barbelés de l'administration contre la volonté d'un peuple qui ne veut pas abdiquer sa personnalité et renier les liens culturels séculaires.
En fait le renouveau linguistique et littéraire arabe en Algérie ne constitue pas un engouement passager, un enthousiasme fugitif; il correspond à l'aspiration la plus profonde d'un peuple qui se reconnaît dans sa langue et dont l'histoire s'identifie avec la sienne. Par delà les tendances religieuses ou politiques, par-dessus les divergences et les particularismes locaux, s'il est un problème sur lequel l'unanimité s'est faire facilement et depuis toujours, c'est celui de la langue arabe.
Face à ce sentiment profond, à cette unanimité spontanée de l'Algérie musulmane devant le problème de la langue, l'attitude de l'administration coloniale ne pouvait être que la lutte. Cette lutte a revêtu en dehors de l'appui donné aux dialectes, deux aspects différends: la lutte directe par un ensemble imposant de lois, décrets, arrêtés circulaires tendant à soumettre toute ouverture d'écoles coraniques aux enquêtes et aux tracasseries administratives et policières auxquelles bien peu arrivent à échapper.
Quand par un hasard miraculeux, le maître parvient à passer à travers le réseau serré de règlements, il doit bon gré mal gré se laisser recruter, pour subsister, dans les services de renseignements généraux concurremment avec le prêtre qui, par un processus parallèle, s'est fait l'auxiliaire précieux et bénévole de la police.
Le deuxième aspect de la lutte a consisté, en créant et en favorisant en apparence, un enseignement officiel de la langue et des sciences musulmanes, à les vider de tout contenu culturel, de toute substance éducative.
En assignant aux trois médersas d'Alger, de Constantine et de Tlemcen, la mission de former des fonctionnaires et des agents dévoués à la politique anti musulmane du gouvernement général, en imposant par-dessus la tête des autorités universitaires, des programmes et des méthodes périmées, on condamnait les établissements à former des esprits fermés à tout progrès et à tout humanisme.
M .Tocqueville, dans son rapport à la chambre des députés en 1847 portait déjà un jugement sévère sur le colonialisme que les faits ont dû aggravés depuis : «La société musulmane en Afrique du Nord, dit-il, n'était pas incivilisée, elle avait seulement une civilisation arriérée et imparfaite. Il existait en son sein, un grand nombre de fondations pieuses ayant pour objet de subvenir aux besoins de la charité et de l'instruction publique.
Partout nous avons réduits les établissements charitables, laissé tomber les écoles, disperser les séminaires. Autour de nous, les lumières se sont éteintes. Le recrutement des hommes de religion et des hommes de loi a cessé, c'est-à-dire que nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable et plus barbare qu'elle n'était avant de nous connaître».
Dans un mémoire du général Bedeau, de la même époque sans doute, on relève les faits suivants :»A l'époque de la conquête, en 1837, il existait dans la ville de Constantine des écoles d'instruction secondaire et supérieures où 600 à 7OO élèves étudiaient les différents commentaires du Coran, apprenaient toutes les traditions relatives au Prophète et, de plus, suivaient des cours dans lesquels on enseignait l'arithmétique, l'astronomie, la rhétorique et la philosophie. Il existait en outre, dans la même époque, 90 écoles primaires fréquentées par 1300 à 1400 élèves.
Aujourd'hui, le nombre des jeunes qui suivent les hautes études est réduit et le nombre des écoles primaires à 30 et les enfants les fréquentant à 350».
En fait, le niveau culturel de notre pays était en 1830 beaucoup plus élevé qu'on ne l'imagine généralement. En tout cas, la connaissance et la pratique de la langue classique étaient générales. Il est donc pour le moins imprudent d'affirmer l'absence de tout enseignement à la veille de la conquête».
Dans la vie, il était un ami très proche du journaliste et spécialiste du Maghreb Charles André Julien (1891-1991), le sociologue et anthropologue orientaliste Jacques Berque (1910-1995), le maître de l'islamologie Vincent Monteil (1905-1973), le penseur algérien Malek Bennabi (1905-1973), l'homme de lettres et homme politique Chakib Arslan (1869-1973) de la mouvance nationaliste arabe. Avec ce dernier il était chaque année au rendez-vous chaque année à Grenade où tous les deux y faisaient régulièrement de longs séjours, ainsi qu'à Boursa, en Turquie. Cet intellectuel et encyclopédiste, spécialiste en histoire et littérature andalouses, était souvent sollicité à donner des conférences à l'université américaine de Beyrouth. Il manifestait une tendance aux voyages partageant, jusqu'à peu avant sa mort, sa vie entre Tlemcen, Grenade, Paris et Boursa cité turque qui accueillit un moment l'émir Abdelkader et dont «la population, faisait-il remarquer,»avait des similitudes avec Tlemcen sa ville natale». Abdelkader Mahdad avait une culture de polyglotte (arabe, français, espagnol, turc, persan et hébreu). Il est mort à l'âge de 98 ans laissant une forte image d'un homme épris d'art et de culture.
Un militantisme du progrès et de la liberté
Son militantisme en faveur du progrès et de la liberté de son pays, il le forgea très jeune en s'associant en 1917, à d'autres jeunes parmi l'élite fréquentant le collège et surtout la médersa officielle pour créer l'association «Jeunesse littéraire musulmane» placée sous la férule de l'homme politique Si M'hamed Ben Rahal Nédromi al-Koumi (1840-1926) qui, au-delà de l'homme dans son rôle politique, était un grand lettré ayant la maîtrise des deux langues arabe et française. Politiquement il était entré dans l'istoire de par ses prises de position défendant l'instruction de la femme en exigeant l'ouverture de plus en plus d'écoles pour les indigènes en général. Lors de ses nombreuses dépositions devant le sénat en présence de Jules Ferry en 1897 il dénonce ouvertement les sentiments d'hostilité du monde dit civilisé à l'égard de l'Islam.» Les menées ténébreuses de ce monde n'auront pas l'effet qu'il en attend, expliquait t-il, et sous le canon de la chrétieneté que ce fera le renouveau de l'Islam».
L'association «Jeunesse littéraire musulmane«était fréquentée par des jeunes assoiffés de savoir. Elle comptait parmi des membres le jeune Hadji, futur grand militant Messali Hadj qui fit le choix clair d'un engagement vers le nationalisme. C'est les jeunes adhérents de cette association qui accueillirent en 1919, le petit fils d'Abdelkader, l'émir Khaled en visite à Tlemcen. L'éminente figure iconique du nationalisme algérien Messali Hadj, secrétaire général de l'étoile Nord-Africaine fera allusion en 1926, dans un rapport adressé à la société des Nations, à la fermeture de cette association, sur ordre du préfet d'Oran. Tlemcen était certes, il faut le dire, un véritable bouillon de culture avec des idées qui guidaient l'engagement de nombreux jeunes parmi l'élite à l'époque. Nous ciblons parmi eux, la pléiade des Jeunes voire l'avocat Omar Boukli Hacène membre-fondateur, en 1956, du croissant rouge algérien à Tanger, de nombreux adhérents au parti communiste dont Mohamed Badsi, l'avocat Abdelkader El hassar, le militant El Yedri Ahmed, l'architecte Abderrahmane Bouchama … ces derniers fondateurs, en 1928, de l'association les «Amis de l'U.R.S.S», le réformiste Tedjini Haddam (médecin ), les hommes politiques Boumédiène Marouf, Mohamed Berrezoug, Mohamed Guenanèche …
Abdelkader Mahdad était un homme de grande culture, alliant dans un même élan nationaliste littérature et politique. Il légua plusieurs travaux de recherches sur le patrimoine ainsi que deux ouvrages publiés en 1939 et 1942 intitulés, le premier «Unwân al-mûraqisat wa-l mûratibat», «Poèmes à danser et à rire» d'Ibn Sa'ad al-Maghribi ( 1214-1286), de la tradition classique andalouse ; le second, «Zad al-mousafir» (Le viatique du voyageur), un commentaire inspiré de l'œuvre du savant andalou Aboubakr Soufiane ibn Idriss de Murcie (12ième siècle). Le professeur Abdelkader Mahdad mort dans l'anonymat et la plus grande discrétion pendant les années de plomb sous la férule du parti unique était un ami intime du militant nationaliste Ferhat Abbas cité souvent dans ses réflexions contenues dans son livre, «La nuit coloniale».
A la mort de Messali Hadj Abdekader Mahdad manifesta sa ferme volonté de se recueillir devant sa dépouille forçant l'enceinte de sécurité dressée autour de la maison d'un vieux militant qui accueillit son cercueil au quartier « Fekkharine», avant son enterrement, le 4 juin 1974 à Tlemcen, lors d'un cortège accompagné par de nombreux militants et personnalités politiques du mouvement national.
*Journaliste-écrivain


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