Les Algériens n'arrivent pas à comprendre comment leur gouvernement en est-il arrivé à leur vendre les documents électroniques, ou biométriques, et chèrement. Une forte vague d'indignation et de dépit a accompagné la diffusion d'informations qui révèlent ces nouveaux tarifs décidés, entre autres taxes, par la loi de finances complémentaire 2018. On doit débourser gros pour avoir sa carte d'identité biométrique, son passeport, son permis de conduire ou sa carte d'immatriculation du véhicule. Une présentation sommaire de ces tarifs donne une idée sur cette sourde colère qui s'est emparée de la population, à savoir 2.500 dinars pour la carte biométrique, à partir de 10.000 dinars pour le passeport biométrique (puisqu'il existe des options allant jusqu'à 150. 000 dinars), 10.000 dinars pour le permis de conduire et 20.000 dinars pour la carte d'immatriculation automobile. Les Algériens expriment un sentiment de nostalgie envers la carte d'identité nationale, la fameuse CIN verte, qui a bizarrement perdu le N' du national au profit d'une froide expression Biométrique'. C'était, jusque-là, gratis. Les citoyens s'en donnaient à cœur joie de se faire établir des CIN au moindre bobo, carte déprimée à refaire tout de suite, ainsi que toute carte perdue ou carte détériorée à la suite d'un lavage avec la chemise. Une carte d'identité nationale, c'est le gouvernement qui avait intérêt à l'établir pour les citoyens, contre un symbolique timbre fiscal à 100 dinars, sinon on ne pourrait pas imaginer toute le chaos qu'entraînerait l'absence d'identification officielle des citoyens. Tout autant pour cette numérisation des données des citoyens, qui donne lieu à une identité biométrique, là également c'est le gouvernement qui a intérêt à la mettre à son service, puisqu'il s'agit là d'un immense outil de contrôle et de gestion de l'état civil. Pourquoi alors le gouvernement se met-il à vendre des documents qui le servent, lui en premier ?! Il ne faut pas du tout exclure que, demain, une partie de la population va vivre sans carte d'identité biométrique, pas parce qu'on refuserait par plaisir de se la faire établir, mais parce que beaucoup de démunis n'auront pas les moyens de payer 2.500 dinars en contrepartie. A moins d'une réduction ou d'un effacement complet de cette taxe en faveur des couches défavorisées. Une partie de la population sans carte d'identité, qui va en subir les conséquences ? On aurait été mieux avisé de garder tous les nouveaux tarifs des documents électroniques, aussi chers soient-ils, sauf pour la carte d'identité, à laquelle on aurait dû laisser sa gratuité. C'est dans l'intérêt public général, pas seulement celui du gouvernement, d'ailleurs. Et, bizarrement, au lieu de se ressaisir et faire preuve d'un peu de pudeur, le gouvernement s'attaque en premier lieu aux « fuites » organisées sur l'avant-projet de loi de finances complémentaire pour l'année 2018, qui ont permis aux citoyens de s'informer et de savoir à quelle sauce ils seront mangés. Car, ces informations autour des nouveaux tarifs en question n'étaient que « rumeurs », voire des ballons sondes, avant que le gouvernement ne vienne, justement, confirmer tout ce qui a été dit en déclarant ou en reconnaissant officiellement (sur la page facebook du Premier ministère) que les nouveaux tarifs appliqués aux documents électroniques reflètent leur coût. On est allé jusqu'à juger « modeste » le tarif de délivrance de chacun de ces documents, dont la durée de validité est de 10 ans. Le gouvernement exprime, ainsi, son satisfecit. Le projet de loi de finances complémentaire 2018 ne contient aucune taxe ni aucune augmentation sur des produits de large consommation, rassure-t-on. Le but est atteint, l'opinion publique est mise au courant de ce qui risquait de faire trembler l'hémicycle du boulevard Zighoud Youcef. L'herbe est fauchée sous les pieds des députés de l'opposition qui auraient souhaité faire le show au sein de l'APN en étant les premiers à dénoncer l'augmentation des tarifs des documents biométriques. Ils vont certainement le faire, mais le sujet aura été, entretemps, vidé de sa sève.