Sujet extrêmement sensible, les villes nouvelles sont un autre enjeu urbanistique de la politique du pays. Le ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de la Ville, Abdelawahid Temmar, a annoncé, jeudi dernier, que le dossier sera prochainement soumis à un conseil interministériel en vue de la préparation de l'étape post achèvement des travaux et l'arrêt du programme de gestion et d'organisation administratives. Parmi les aspects à débattre «les enveloppes budgétaires pour les travaux d'aménagement et la levée des entraves persistantes», a indiqué le ministre lors d'une plénière de l'APN. Répondant à la question d'un député, Temmar a précisé que l'enveloppe allouée à la réalisation de la ville nouvelle de Boughezoul s'élevait à 108,5 milliards de DA, dont 59,6 mds DA déjà consommés, soit un taux de 55%. Pourtant, et malgré les statistiques quelque peu rassurantes du ministre, les interrogations ne cessent d'accompagner ces projets qui ont déjà montré toutes leurs limites. Conçues pour remplacer ou du moins désengorger les anciennes agglomérations, ces villes nouvelles sont carrément qualifiées par des spécialistes en sociologie de «groupement de logements perdu dans la nature» ou d'«une duplication à l'infini». Et les exemples d'un échec d'une politique d'urbanisation sont nombreux, partagés entre Sidi Abdellah et Ali Mendjeli à Constantine, symboles de projets non encore achevés, où l'inexistence d'espace public proprement dit offre l'image de normalité d'une ville. «Les projets de villes nouvelles sont mal partis dès le départ en Algérie», se désolent des architectes dont certains, comme Mohamed Larbi Marhoume, évoquent l'inexistence d'un dessin de la ville. «Nous n'avons pas réfléchi à l'espace public. Quand bien même on pourrait avoir une résidence, une mobilité et un emploi en ville, mais cette dernière a un devenir incertain si l'espace public est inexistant», affirmera-t-il à un quotidien national. On parle par exemple de la ville de Sidi Abdellah, créée juridiquement dans les années 1980 par une agence locale sous tutelle de la wilaya d'Alger, et qui n'est toujours pas achevée à cause de raisons procédurales et techniques, commente-t-on. L'autre cas problématique est celui de la ville nouvelle de Ali Mendjeli érigée pour désengorger Constantine et caser les populations des bidonvilles constantinois ainsi que celles bénéficiant des différents modes de logements. D'une conception urbanistique sans âme et inintelligente, Ali Mendjli est occupée déjà par plus de 300 000 habitants et souffre du manque d'infrastructures. Ce concept des villes nouvelles, même s'il n'est pas récent, est à mille lieues de ce projet de rendre «intelligentes» des villes algériennes. Un thème développé par des experts lors d'une rencontre tenue à Alger, en janvier 2017, et intitulé «Vision future des villes algériennes». Et, à croire ses initiateurs, la démarche est envisageable, du domaine du possible puisque les premières fondations de la smart-city sont d'ores et déjà posées dans quelques villes. Pourtant, la priorité n'est pas tant de rendre nos villes «intelligentes» mais simplement vivables, agréables, propres et sécurisées. D'arrêter de clochardiser l'environnement urbain en distribuant des permis de construire à des immondices en béton et à ériger des cités dortoirs pour y caser les mal-logés. L'intelligence n'est pas à chercher dans les villes mais chez les responsables locaux et centraux qui, à force de permissivité, ont dénaturé l'architecture même de nos cités. Elle est à chercher dans ces plans de construction, genre prison de banlieue, qui ont singulièrement gâché l'image des villes algériennes. L'intelligence aurait été d'interdire ces énormités architecturales avant même de sortir du sol et exiger un minimum de constructibilité urbaine pour éviter de douariser nos villes. Avant de (re)penser la ville algérienne du futur, il faut déjà réfléchir à son présent, aux solutions à apporter aux plans de circulation, à la récolte des ordures, aux plaques de signalisation et à la compétence de ses gestionnaires.